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Face à l’agrile du poirier, assainir le verger sans tarder

Face à l’agrile, une vigilance dès la plantation des poiriers est préconisée. La lutte passe par le rabattage des jeunes scions en préventif et une surveillance très régulière des premiers symptômes, pour assainir sans tarder.

L’agrile du poirier est un ravageur répertorié en Europe depuis plusieurs décennies. Mais la réémergence d’Agrilus sinuatus menace à nouveau les vergers des arboriculteurs en agriculture biologique. Le nuisible peut causer d’importants dégâts, allant jusqu’à la mort des arbres. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer la recrudescence du ravageur dans les vergers français. « En dehors des fluctuations annuelles des populations, il semble qu’il y ait aussi des cycles de présence du ravageur plus longs, sur plusieurs décennies. Avec l’utilisation des insecticides à large spectre, le nuisible a aussi beaucoup moins fait parler de lui pendant un temps », explique Gilles Libourel, du Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab). Son « retour » non anecdotique dans les vergers de la région est fréquemment observé depuis une dizaine d’années.

Ce qui inquiète les producteurs de poires, c’est aussi sa présence récurrente dans de jeunes plantations. « Plusieurs cas d’arrachages de vergers dans le réseau du GRCeta de Basse Durance en bio ont été signalés. » Comme l’explique Sophie Hardy, du GRCeta de Basse Durance, « d’autres vergers ont été restructurés pour repartir sur une base de production viable. Dans certaines zones, nous avons préconisé l’installation de jeunes vergers sous filets, posés dès la première année, afin d’éviter de rentrer dans un travail d’assainissement long et fastidieux ». Les filets Alt’Carpo peuvent freiner l’arrivée de nouveaux agriles, mais ils sont à installer sur des vergers sains. En effet, il faut savoir que les agriles sont assez peu mobiles : ils se propagent lentement entre parcelles voisines, mais ne volent pas sur des kilomètres. En agriculture conventionnelle, le ravageur ne fait pas non plus l’objet d’une lutte spécifique, mais des efficacités indirectes de produit ont forcément contribué à rendre le ravageur non problématique.

Rabattage systématique des jeunes scions en préventif

La présence de l’agrile dès la pépinière conduit le GRCeta à préconiser un rabattage systématique des jeunes scions, pour limiter les infestations en production. Le niveau de vigueur du poirier est aussi important. « Les arbres très végétatifs et en bonne santé ont généralement beaucoup moins de problèmes », précise Gilles Libourel. Si l’agrile est un parasite dit de faiblesse, il attaque aussi des poiriers en apparence sains. Il faut donc mettre toutes les chances du côté des jeunes poiriers, en optimisant les conditions de leur plantation (parfaite préparation du sol…). La lutte contre l’agrile en agriculture biologique est donc très limitée. « L’une des difficultés est que le coléoptère commence à voler depuis le mois d’avril et durant tout l’été, ce qui rend difficile une stratégie permettant de couvrir toute la période. Et, pour l’instant, on n’est pas capable d’identifier un pic de vol, ni de capturer le ravageur », rapporte Gilles Libourel.

Du côté des auxiliaires, il n’y a pas de solution efficace identifiée non plus en matière de biorégulation par un prédateur. Reste donc la prophylaxie. Une rencontre technique en verger était organisée chez Claude Vignaud, arboriculteur à Graveson dans les Bouches-du-Rhône, par le GRCeta en juin, sur la lutte contre l’agrile. Le réseau du groupement de producteurs compte environ 600 hectares de poiriers, dont 50 % sont en agriculture biologique. Claude Vignaud est l’un des premiers arboriculteurs du secteur à connaître de gros dégâts d’agrile du poirier. Sur ses variétés de poire Packham essentiellement, mais williams et guyot ne sont pas pour autant épargnées.

Intervenir au plus tôt en nettoyant son verger au sécateur

Pour lui, « le problème – qui reste gérable – doit être cependant pris très tôt ». En fonction de l’intensité de l’attaque, mais aussi de la capacité à identifier les dégâts, il consacre chaque année une trentaine d’heures à l’hectare, depuis une dizaine d’années, pour « nettoyer » ses vergers au sécateur. La lutte consiste d’abord à surveiller, sur vergers jeunes ou adultes, et dès le mois de juin, l’apparition de rosettes nécrosées (attention à ne pas confondre avec le feu bactérien). Pour confirmer la présence du ravageur, il est nécessaire de tailler l’écorce jusqu’à trouver une galerie, puis de couper alors le rameau atteint après la fin de la galerie (pour être sûr d’avoir supprimé la larve). Les rameaux coupés peuvent être laissés au sol, la larve ne survivra pas. L’assainissement en automne-hiver est aussi possible, mais beaucoup plus difficile et mutilant, car les larves ont bien souvent atteint des rameaux de gros diamètre, voire le tronc. Si le curetage est impossible, il faut couper les rameaux atteints, voire les charpentières, et les morceaux coupés doivent alors être brûlés, car la larve pourrait y terminer son cycle jusqu’au printemps.

Lors des différents échanges, les techniciens ont tous rappelé la nécessité d’être vigilant dès la plantation, en commençant par le rabattage des jeunes scions en préventif. La lutte rigoureuse doit s’organiser ensuite toute l’année, avec une surveillance très régulière de l’apparition des premiers symptômes (rosettes nécrosées) et des symptômes plus tardifs (boursoufflures de l’écorce sur rameaux de plus gros diamètre), afin d’assainir sans tarder.

Difficilement détectable

La forme adulte de cet insecte coléoptère qu’est l’agrile du poirier est de petite taille (7 à 10 mm), de couleur cuivrée et il émerge à partir de la fin du mois d’avril. Très discret et difficilement détectable, il se laisse tomber au sol quand on s’approche. Une plaque blanche engluée peut toutefois permettre d’en repérer. Des études sont en cours sur la possibilité de les détecter avec un piège chromatique.

Les œufs sont pondus sur l’écorce à partir de la fin du mois d’avril, et éclosent au bout de 15 à 21 jours.

Les larves sont les responsables des dégâts constatés en verger. Elles pénètrent très rapidement après éclosion entre l’écorce et le bois. Elles se trouvent donc à l’abri de tout insecticide agissant par contact. Leur cycle se déroule globalement sur un an, à cheval sur deux années civiles. Les larves entrent par les rosettes de feuilles en bout de pousses, dont les feuilles noircissent et se dessèchent tout en restant attachées. Puis, les larves remontent rapidement le rameau et finissent par atteindre le tronc, qu’elles continuent à creuser en direction des racines. Sous leur passage, l’écorce fait des bourrelets et finit par craqueler. Il est difficile de distinguer ces dégâts avec les craquelures naturelles de l’écorce du poirier.

Pour confirmer la présence du ravageur, il faut donc gratter l’écorce et une galerie plus ou moins sinueuse apparaît. À noter que les galeries ne contiennent pas de sciure, contrairement à celles de la zeuzère.

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