Des molécules prometteuses dans les laboratoires
Que ce soit des neuropéptides à injecter ou des phéromones à sentir, les scientifiques cherchent des alternatives à l’utilisation d’hormones. Des pistes existent mais la mise au point de protocoles peut être longue…
Des chercheurs de l’Inra et du CNRS ont développé une molécule prometteuse qui permet d’induire un cycle de reproduction en dehors de la saison naturelle chez la chèvre ou la brebis. Ce neuropeptide de synthèse a reçu le joli nom de « kisspeptine C6 » (Kiss signifie baiser en anglais). La kisspeptine C6 pourrait devenir une alternative à l’utilisation d’eCG (l’equine chorionic gonadotropin) obtenu à partir du sérum de juments gestantes dans des conditions où le bien-être animal ne semble pas toujours bien respecté.
Une induction de l’ovulation tout au long de l’année
Cette kisspeptine C6 a montré son efficacité pour déclencher l’ovulation en remplacement de l’eCG. En effet, « le C6 augmente la sécrétion des gonadotrophines endogènes quelle que soit la période – au début et au cours de la saison de reproduction ou pendant la saison de repos sexuel – et déclenche des ovulations fertiles », explique Massimiliano Beltramo de l’Inra. Au centre Inra Val de Loire, à Nouzilly en Indre-et-Loire, différents protocoles ont été testés sur une dizaine d’animaux de réforme à chaque fois. « La molécule étant expérimentale, les animaux et leurs produits ne peuvent pas être commercialisés après l’expérimentation », justifie le chercheur. En plus de son effet sur la régulation de la reproduction, le C6 est moins susceptible d’induire une réponse immunitaire et évite des risques sanitaires pour l’animal.
Recherche d’une deuxième génération de molécule
« Nous cherchons maintenant un laboratoire partenaire qui pourrait produire et commercialiser cette molécule », indique le chercheur, en précisant que c’est plutôt les applications en porcins et bovins qui semblent les intéresser. La molécule est en effet en cours de test en Australie sur les porcins pour maintenir la fertilité pendant de fortes chaleurs et aux États-Unis pour accélérer la puberté des taurillons. En lien avec le Centre de biophysique moléculaire du CNRS d’Orléans, les chercheurs de l’Inra de Nouzilly travaillent maintenant sur une deuxième génération de molécule qui pourrait être plus efficace. « Nous avons des résultats très encourageants mais cela demande beaucoup de mises au point. L’alternative est là mais il faudra du temps, et des moyens, pour la peaufiner ».
À la recherche des phéromones de l’effet mâle
Autres pistes, des chercheurs d’Allice, de l’Inra et du CNRS mènent un projet nommé Pherobouc pour tenter de trouver les phéromones responsables de l’effet mâle. Pour cela, les profils olfactifs des boucs et des béliers ont été établis en dehors et pendant la saison de reproduction. Plus de 400 échantillons de poils (ou de laine), d’urine ou des tamponnages sur la tête (près de la glande orbitale) ont été collectés et analysé pendant trois ans chez les mâles entiers, les mâles castrés et les femelles. En comparant les profils olfactifs obtenus chromatographies obtenues en saison et contre-saison, les chercheurs ont pu identifier une vingtaine de molécules spécifiques à la saison. Sept d’entre elles, déjà commercialisés par les chimistes, sont en cours de test en mettant la molécule sous le nez des chèvres puis en observant les reprises de cycle et en mesurant la concentration en hormone lutéinisante (LH) dans le sang. « Pour l’instant, nous avons testé ces sept molécules en mélange avec les mêmes proportions que ce que nous avons trouvé, décrit Chrystelle Le Danvic d’Allice. L’essai n’a pas été concluant mais nous devons essayer d’autres protocoles qu’un spray nasal tous les quarts d’heure, avec d’autres fréquences, d’autres concentrations et d’autres formes de mise en contact ».
Filmer l’activité cérébrale avec des odeurs de boucs sous le nez
L’expérimentation se poursuit en mettant des femelles, calmées avec un sédatif, dans un IRM et en photographiant l’activité cérébrale quand les molécules odorantes sont relâchées près de leur nez. En parallèle, le projet Malefic teste de la même façon d’autres molécules moins volatiles comme des acides gras. « Cela risque d’être long et laborieux avant de trouver un protocole qui soit validé sur beaucoup d’animaux », prédit la chercheuse qui n’espère rien avant trois ou quatre ans. L’avantage attendu sera de « mimer les odeurs de l’environnement si le mâle actif était là ». En potentialisant l’effet mâle en renforçant les signaux olfactifs, le groupement des chaleurs pourrait être rendu possible sans injection ni hormone. Les chercheurs travaillent aussi sur la réceptivité des odeurs par les femelles pour vérifier que le signal est bien perçu quelle que soit la saison.