Des bâtiments plus grands pour les canards gras du Lot
Bâtiments plus grands et spacieux, accompagnement financier des éleveurs, le groupe coopératif Capel La Quercynoise a adapté ses élevages de canards gras à de nouvelles pratiques provoquées par la gestion du risque d'influenza aviaire.
Bâtiments plus grands et spacieux, accompagnement financier des éleveurs, le groupe coopératif Capel La Quercynoise a adapté ses élevages de canards gras à de nouvelles pratiques provoquées par la gestion du risque d'influenza aviaire.
Une nuée de canards couleur crème, une litière fraîchement paillée, des rails d’alimentation et d’abreuvage, un accès sur un parcours extérieur : à première vue, le bâtiment neuf de Philippe Morize à Saint-Projet (Lot) ressemble à n’importe quel autre élevage de canards gras. Avec une différence de taille : il est 30 % plus grand que l’ancienne génération de bâtiments pour le même nombre de canards.
Car pour bien accueillir les animaux de l’âge d’un jour jusqu’à quatre-vingt-un jours minimum sans accès à un parcours, il est nécessaire de réduire leur densité de 30 %, en passant de 7,5 à 5,5 canards par mètre carré.
Au sein du Gaec de Loby, c’est Quentin, le fils de Philippe, installé en 2019, qui gère le nouveau bâtiment de 2 000 mètres carrés, venu complété un premier bâtiment construit sur un autre site. Sa surface est adaptée pour dégager le revenu d’un travailleur : 10 000 canards présents, soit 30 000 à 35 000 volatiles élevés par an, à raison de trois bandes et demie. En dehors des périodes de restriction de sortie, les palmipèdes répondant au cahier des charges IGP sud-ouest ont accès à un parcours d’au moins 3 à 5 mètres carrés par tête.
Quarante euros par place de canard
Montant de l’investissement ? Environ 400 000 euros. La famille Morize, qui ne loge pas sur place, a « sécurisé au maximum le site avec des caméras et des alertes sur smartphone », précise Philippe.
Des bâtiments nouvelle génération comme celui de Philippe Morize, la coopérative La Quercynoise (groupe Capel) à laquelle adhère l’éleveur, en monte « une dizaine par an depuis 2019-2020 », sur un total d’environ 90 éleveurs de canards prêts à gaver.
Cette dimension représente « l’équilibre parfait entre l’économique et le sanitaire », résume Jean-Luc Dolique, responsable production de la Quercynoise. Le technicien évalue le surcoût par rapport à l’ancienne génération de bâtiments à « environ 20 % ». Une augmentation inférieure aux 30 % d’accroissement de la surface, ce qui permet de trouver une rentabilité avec une densité à 5-5,5 animaux au mètre carré.
Compenser la baisse de densité
Après l’épisode IA de 2016, la coopérative a décidé d’inciter ses éleveurs à mettre en place uniquement les animaux qu’ils étaient en capacité de mettre à l’abri. Quelle que soit la saison, elle leur fait livrer le même nombre de canetons.
Les adhérents ont eu le choix entre réduire leur capacité de production ou agrandir leurs bâtiments pour la conserver, moyennant un engagement durable de la coopérative avec un complément de prix, car la rentabilité de ces bâtiments avait été calculée pour 7,5 animaux au mètre carré. « La majorité a choisi la seconde option, sauf certains pas très éloignés de leur retraite et les élevages de petite capacité », constate Jean-Luc Dolique.
Les extensions ont consisté en la création d’un espace supplémentaire de vie, sachant « qu’avec un effectif constant il n’y avait pas besoin d’ajouter du chauffage, des pipettes et des mangeoires » souligne Jean-Marc Dolique.
Le responsable de production estime ce surcoût à 120-130 euros du mètre carré supplémentaire. « L’éleveur peut investir plus, mais ce sera à sa charge. » Plafonnée à 0,25 euro par canard et versée pendant sept ans, l’aide permet de couvrir ce niveau d’investissement. « Notre aide sert aussi de caution pour la banque, car elle n’est pas liée aux performances », précise Jean-Luc Dolique. Une prime plus modeste est également attribuée aux éleveurs certifiés PalmiGconfiance et respectant la densité de 5,5 canards toute l’année.
Plus facile avec une production récente
« Nous avons commencé à travailler sur l’adaptation des bâtiments avant l’influenza, puis nous avons accéléré en 2016 », raconte Gérard Lavinal, président de la Quercynoise et de sa maison mère, la Capel. Une réflexion précoce aussi motivée par l’amélioration du bien-être animal.
D’après lui, cette initiative de la coopérative lotoise a pu générer des tensions avec d’autres acteurs du Sud-Ouest. Plus difficile d’aller chercher des soutiens publics quand un opérateur parvient à monter son projet seul… D’autant que le principal bassin de production de foie gras, situé dans les Landes, le Gers ou les Pyrénées-Atlantiques, a pris de plein fouet les épisodes successifs d’influenza. « Ici, notre chance, c’est que le foie gras est une production récente », reconnaît Gérard Lavinal, « et que notre bassin est diversifié », donc moins dense et moins sensible aux épizooties. Avec deux millions de canards « quand tout va bien », la Quercynoise joue dans le milieu de tableau des acteurs.
Euralis et Maïsadour s’adaptent aussi à la baisse de densité
Les deux poids lourds du foie gras, Euralis et Maïsadour, déploient des stratégies similaires de nouveaux bâtiments XXL.
Avec six millions de canards élevés par an, Euralis mise aussi sur de « nouveaux bâtiments d’élevage permettant de sécuriser la production de palmipèdes en période à risque influenza ». Depuis 2018, « 80 000 mètres carrés ont ainsi été construits, et les éleveurs ont investi un peu plus de 18 millions d’euros au total », indique le groupe. En parallèle, Euralis travaille sur des aménagements de moindre envergure : « Nous étudions la possibilité d’ajouter des jardins d’hiver, quand cela est faisable, chez certains éleveurs », précise le groupe coopératif. Des « espaces de deux ou trois mètres de large, plus aérés mais couverts ».
Même tendance chez Maïsadour (5,3 millions de canards). « Depuis trois ans, une vingtaine de nouveaux bâtiments ont été mis en place pour permettre de mettre les animaux à l’abri en période critique », d’après Nadia Isambert, directrice Innovation et communication. Soit « environ 10 % de notre capacité de production ».
Les deux groupes accompagnent aussi financièrement leurs éleveurs, avec une prime « pour compenser la baisse de densité » chez Maïsadour. La coopérative landaise évoque un « plan d’aide à l’investissement », qui sera « activable selon les besoins ».
Envolée des coûts
La surchauffe post-Covid de l’économie mondiale, qui génère des pénuries de matières premières, pourrait freiner le déploiement de cette nouvelle génération de bâtiments. En particulier, les matériaux métalliques qui ont « augmenté de 20 % en six mois », souffle Gérard Lavinal, le président de la Capel. « Tant qu’on n’est pas approvisionné, on ne sait pas quel prix on va payer… »