Comment lever les freins pour les paillages biodégradables en cultures légumières
Les travaux menés dans le cadre du projet Sopam montrent que l’usage des paillages biodégradables peut être satisfaisant et donnent des clés pour faciliter le choix du paillage.



Alors qu’ils constituent une alternative aux paillages polyéthylène, les paillages biodégradables, qu’ils soient non plastiques (chanvre, papier recyclé, paille…) ou constitués de plastique d’origine fossile ou végétale, ne sont pas généralisés en cultures légumières. « Les paillages polyéthylène sont difficiles à enlever et leur taux de souillure pèse sur les coûts de collecte et de recyclage, constate Margaux Kerdraon, du CTIFL. Les paillages biodégradables sont donc une réelle alternative. Mais il y a des freins à leur utilisation. Ils sont deux fois plus coûteux. Ils peuvent se dégrader en cours de culture. Ils peuvent laisser des résidus sur les fruits, ce qui nuit à la commercialisation, et dans le sol, ce qui peut gêner la mise en place de la culture suivante. Et l’envol de résidus lors du broyage peut importuner les voisins. »
Rendements similaires au polyéthylène
Un projet Casdar, Sopam, impliquant de nombreux partenaires, a donc été mené de 2022 à 2024 pour fiabiliser l’usage des paillages biodégradables en melon, courges, courgette, salade et tomate d’industrie, faciliter leur acceptation par les riverains et les consommateurs et étudier leur impact environnemental et économique. Une vingtaine de films plastiques biodégradables ont notamment été comparés à la référence polyéthylène dans diverses régions. En courge, un essai sur trois essais menés a montré des rendements inférieurs à la référence pour deux paillages testés. En melon, le rendement est plus variable selon les conditions pédoclimatiques.
« Des conditions humides peuvent dégrader le film trop rapidement, entraînant l’apparition d’adventices », explique Margaux Kerdraon. En melon, trois films biodégradables sur huit donnent des rendements similaires à la référence en 2022. En tomate, où les paillages sont comparés au sol nu, les adventices dans le trou de plantation ont impacté négativement le rendement. Des pertes de fruits sont aussi constatées avec certains films, du fait de leur dégradation sous le fruit qui entraîne un contact entre l’épiderme et le sol humide et des pourrissements (melon, courge), ou à cause des taupins (melon), les paillages biodégradables pouvant être plus appétents pour le taupin. Trois paillages sur huit, toutes origines confondues, montrent des pertes plus élevées que la référence.
Aucun problème de pose ni de dégradation
Les améliorations apportées depuis vingt ans par les fournisseurs font que les paillages biodégradables sont aussi désormais plus solides et ne posent plus de problème de pose. Et pour la grande majorité, il y a moins de dégradations en cours de culture, pour la partie exposée et la partie enterrée. La satisfaction concernant la dégradation après broyage et enfouissement est plus variable. En courge, les essais révèlent assez souvent une insatisfaction sur ce critère, du fait du temps très court avec la culture suivante. En tomate, tous les paillages ont eu une dégradation suffisante. En melon, les résultats sont plus variables. « Ils varient selon les paillages, mais aussi selon l’outil utilisé pour le broyage et l’enfouissement, note Margaux Kerdraon. Le rotovator, qui entraîne un broyage plus fin, permet une meilleure dégradation après enfouissement que les outils à disques généralement utilisés. »
Peu d’impact sur la commercialisation et les riverains
Les impacts sociaux de l’utilisation des paillages biodégradables sont plutôt limités, d’après les travaux menés dans le projet Sopam.
Une crainte pour les paillages biodégradables est la présence de paillettes sur les fruits liée à la dégradation du film au point de contact avec le fruit. Les essais montrent que les paillettes sont très peu présentes sur les courges, leur surface lisse limitant leur accrochage. En melon, en 2022, année sèche, 75 % des fruits n’ont aucune paillette ou juste quelques petites particules. « Les données 2023 sont à confirmer, mais l’année plus humide laisse présager des taux de souillure un peu plus élevés », indique Margaux Kerdraon. Après brossage en station, 90 à 100 % des melons sont cependant sans paillettes ou avec très peu de paillettes.
Envol de résidus de paillage chez les riverains
Un essai de SudExpé montre aussi que le nettoyage s’améliore avec la durée de brossage, mais qu’au-delà de 1 min 30, il n’y a plus d’amélioration. Des tests consommateurs ont été réalisés par le CTIFL auprès de deux groupes de dix consommateurs pour connaître leur perception des melons avec paillettes. Les notes varient de 7/10 pour des melons peu souillés à 3/10 pour des melons très souillés. L’explication du paillage biodégradable améliore peu l’appréciation pour les melons très souillés, mais elle l’améliore pour les melons peu souillés, les plus fréquents lorsqu’il y a des paillettes. « Un climat humide favorise la dégradation du paillage et donc les paillettes. Mais dans l’ensemble, l’utilisation d’un paillage biodégradable impacte peu la commercialisation ».
Une autre inquiétude des producteurs est l’envol de résidus de paillage chez les riverains. Des enquêtes ont été réalisées chez des riverains d’exploitations utilisant des paillages biodégradables. Sur dix-sept personnes enquêtées, 41 % ne constatent pas d’envols de résidus, 29 % constatent des envols réguliers et 24 % des envols occasionnels. Très peu savent ce que sont ces envols. Quand on leur explique le contexte, les trois quarts sont favorables à la démocratisation des paillages biodégradables. « La sensibilisation par les agriculteurs, les collectivités… est donc essentielle », note Margaux Kerdraon.
Un OAD pour évaluer l’intérêt économique
Le Comité français des plastiques en agriculture (CPA) a créé un outil informatique, FiPaCom (Film paillage comparé), permettant de comparer le coût de deux conduites utilisant du film de paillage. « L’idée était de proposer un outil simple, mais qui prend en compte la globalité du film, de l’achat à la gestion de fin de vie », précise Elsa Vinuesa, du CPA. Les données à fournir portent sur le film (prix d’achat), la pose et la dépose ou l’enfouissement (temps de travail et temps machines, coût horaire des machines et de la main-d’œuvre) et la gestion de fin de vie des films polyéthylène (temps et coût de la main-d’œuvre et du matériel, tarif de reprise). FiPaCom permet notamment d’évaluer l’intérêt d’un paillage biodégradable sur son exploitation, celui-ci variant selon les cultures, les pratiques, les coûts de transport et reprise des films polyéthylène…
Dans une étude en salade plein champ, avec un taux de souillure du film polyéthylène de 75 %, le coût global incluant la fin de vie s’élève à 1 350 €/ha pour le film polyéthylène et 1 417 €/ha pour un paillage biodégradable, avec la nécessité de 14 h/ha de travail homme pour le film polyéthylène, contre 3 h/ha pour le paillage biodégradable. « La disponibilité en main-d’œuvre en fin de vie du paillage peut aussi être déterminante », note Elsa Vinuesa. Un autre résultat attendu de Sopam est l’analyse du cycle de vie en melon de paillages biodégradables et de paillages polyéthylène, qui précisera leur intérêt environnemental.