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Viande bovine : « Le contexte politique avec le Brésil change »

Élection de Lula au Brésil, avancées des institutions européennes sur les mesures miroirs… le contexte politique autour de l’accord de libre-échange avec le Mercosur - validé politiquement en 2019 et toujours pas ratifié - change. Le point avec Baptiste Buczinski de l’Institut de l’élevage.

Viande bovine : "Le contexte politique avec le Brésil change"
© B. Guirriec

L’élection de Lula le 30 octobre 2022 pourrait-elle remettre sur les rails l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur ?

Baptiste Buczinski de l’Institut de l’Elevage

Baptiste Buczinski - La Commission européenne envoie des signes en ce sens, car Lula est politiquement beaucoup plus correct que son prédécesseur, et qu’il bénéficie d’une image plus positive au terme de ses deux mandats passés à la tête du Brésil dans la lutte contre la déforestation, même si le bilan est loin d’être parfait. Ceci pourrait relancer les procédures de ratification.

L’économie du Brésil est marquée ces dernières années par la désindustrialisation. De plus en plus, ce pays exporte des matières agricoles brutes et importe de Chine des produits manufacturés. Or, Lula avait fait de la réindustrialisation du pays un élément phare de sa campagne.

Même si les grandes lignes de l’accord de 2019 avec l’Union européenne sont a priori figées, Lula pourrait chercher à engager une nouvelle négociation portant sur les échanges de biens industriels.

Que peut-on attendre du texte européen adopté sur les mesures miroirs ?

B. B. - La Commission européenne a publié un rapport en 2022 dans lequel elle ouvre la possibilité de mettre en place des mesures miroirs au cas par cas.

La première mesure porte sur les médicaments vétérinaires et l’interdiction des importations en Europe de viandes issues d’animaux traités aux antibiotiques promoteurs de croissance. Cette mesure prévue dans le règlement sur les médicaments vétérinaires de fin 2018 a fait l’objet d’une publication d’un acte délégué par la Commission européenne en décembre 2022, après de longs mois d’attente. Et pour le moment, ce texte est creux et la mesure reste donc loin d’être effective.

La seconde mesure est matérialisée par le règlement sur la déforestation importée validé en trilogue en décembre 2022. Celle-ci vise à interdire entre autres les importations de viandes issues d’animaux élevés au sein d’élevages responsables de la déforestation.

Mais ce texte ne porte que sur les terres déboisées à partir de 2020, et ne concerne pour l’instant que les forêts et pas les "autres terres boisées" telles que définies par la FAO. Sera-t-il possible de l’étendre à d’autres écosystèmes tels le Cerrado et le Pantanal au Brésil, le Chaco en Argentine et au Paraguay ? On en est encore très loin. Et la question de la méthode du contrôle se pose sauf changement complet du système d’identification et de traçabilité des bovins.

C’est une démarche très intéressante mais vraiment compliquée à mettre en œuvre. Ces mesures miroirs sont perçues hors d’Europe comme des barrières non tarifaires, et vis-à-vis du droit de l’OMC, une justification scientifique est nécessaire. Le principe de précaution n’est pas reconnu en droit international.

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Chili conclu en décembre 2022 est-il impactant pour la filière viande bovine ?

B. B. - Il s’agit en fait de la modernisation de l’accord s’appliquant déjà entre l’Union européenne et le Chili. Celui-ci accordait depuis huit ans un contingent à droit nul de 2 000 tonnes de viande bovine exportées dans l’Union européenne, avec chaque année 100 tonnes supplémentaires (soit un contingent de 2 800 tonnes en 2022).

L’accord annoncé en décembre 2022 remplace cette disposition par un contingent fixe et définitif de 4 800 tonnes de viande bovine à droit nul. L’accord comporte un chapitre sur « les systèmes alimentaires durables », mais celui-ci porte sur des projets de coopération et semble vide d’obligation de contrôle sur les conditions d’élevage.

Le Chili est actuellement importateur net de viande bovine et ne remplissait pas son contingent vers l’Europe jusqu’à présent. C’est cependant un volume potentiel qui s’ajoute à ceux des autres accords de libre-échange conclus par l’Union européenne.

À noter

L’accord avec le Mercosur a été validé politiquement en 2019, mais n’est pas ratifié. La France a opposé son véto en août 2019 en raison notamment d’inquiétudes sur la politique environnementale brésilienne, suivie par l’Allemagne en août 2020, et les parlementaires européens ont voté une résolution à son encontre en octobre de la même année.

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