Un intérêt limité à moins de deux tonnes MS/ha récolté
Compte tenu du coût de la mise en place des dérobées, un rendement de 2 t MS/ha est souvent mis en avant comme un seuil en-deçà duquel les cultiver présente peu d’intérêt si elles doivent être ensilées ou enrubannées.
Compte tenu du coût de la mise en place des dérobées, un rendement de 2 t MS/ha est souvent mis en avant comme un seuil en-deçà duquel les cultiver présente peu d’intérêt si elles doivent être ensilées ou enrubannées.
On définit classiquement une dérobée comme « une culture de courte durée, intercalée entre deux autres cultures, dans des régions où on ne réalise d’ordinaire qu'une culture par an ». Le plus souvent destinés à être ensilés ou enrubannés, ces fourrages annuels d’été à cycle court permettent de constituer des stocks complémentaires. Ils peuvent aussi être utilisés comme pâturage six à huit semaines après semis.
Eau et chaleur au bon moment
Semées la plupart du temps sans irrigation en début d’été pour laisser à la végétation le temps de se développer, il y a forcément un petit côté aléatoire dans leur réussite qui doit inciter à limiter les frais de mise en place. « Pour les agriculteurs qui ont recours à des mélanges de semences fermières, l’association avoine + pois et éventuellement vesce est le mélange le plus classiquement utilisé en Lorraine », souligne Florian Boyer, en charge du réseau bovins/viande à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Pour mettre tous les atouts de son côté au moment du semis, il est recommandé de privilégier le non labour (travail superficiel), voire le semis direct afin d’éviter le dessèchement du sol. Rappuyer le lit de semences immédiatement après avoir confié ces dernières à la terre fait partie des conseils classiquement formulés.
Il faut ensuite avoir eau et chaleur au bon moment et un automne suffisamment clément pour permettre une récolte ou un pâturage dans de bonnes conditions. « Au moment de la fauche, il faut idéalement se situer au stade formation du grain sur le protéagineux, mais la date de récolte est toujours une décision prise en mettant en balance le stade de la culture, la disponibilité de l’ensileuse et la volonté d’intervenir tant que les sols sont suffisamment portants. » En cet automne 2017, la situation est volontiers qualifiée d’idéale dans un grand quart Nord-Est de la France où, après de piètres récoltes printanières, ces dérobées sauvent la campagne fourragère dans bien des exploitations en évitant de recourir aux achats. Le contexte est radicalement différent dans d’autres départements où la pluie n’a pas daigné tomber en quantité suffisante pour faire croître la végétation.
Bien connaître ses coûts de production
Pour analyser l’intérêt économique des dérobées, la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle a réalisé un travail sur le coût d’opportunité de mise en place de ces fourrages (voir tableau). « Quand on compte le travail pour le semis, les semences, puis le chantier de récolte, on arrive selon les exploitations à un coût total de la tonne de matière sèche récoltée qui oscille entre 175 et 85 euros/tonne selon le niveau de rendement obtenu (de 1 à 3 t MS/ha). Pour des rendements de plus de 2,5 t MS/ha l’intérêt économique de l’opération est évident si les stocks récoltés au printemps sont fortement déficitaires », explique Florian Boyer. « Mais si le rendement ne dépasse pas deux tonnes MS/ha, le prix de revient de la tonne de matière sèche récolté avoisine alors 100 euros. Ce chiffre mérite d’être mis en comparaison avec l’achat de maïs sur pied. »
En Lorraine et dans bien d’autres départements du Nord-Est de la France, les rendements avoisinent et même souvent dépassent trois tonnes MS/ha cet automne avec, qui plus est, de très bonnes valeurs alimentaires. L’intérêt économique de l’opération est alors indiscutable.
Il n’en demeure pas moins qu’il assez délicat de miser sur un recours systématique aux dérobées pour boucler un bilan fourrager. Oui, il est bon de profiter de ce que la nature peut proposer en fin d’été quand elle ne s’est guère montrée généreuse au printemps. Mais dire qu’il est possible d’augmenter le chargement d’une exploitation en misant systématiquement sur les dérobées de fin d’été pour nourrir autant d’animaux supplémentaires peut être dangereux certaines années.
C’est un coup de poker à tenter quand les premières récoltes de printemps ont été fortement déficitaires en volume. Mais, à l’inverse, une année où les rendements en ensilage d’herbe 1re coupe et en foin sont corrects, l’intérêt des cultures dérobées est alors plus discutable. Les chiffres demanderaient à être analysés de plus près si cette dérobée est destinée à être seulement pâturée de façon à prolonger le pâturage automnal sur des sols suffisamment portants, au moins pour certains lots.
D’abord bien valoriser l’herbe
La culture des dérobées est une opportunité à ne surtout pas négliger pour compléter les stocks de fourrages. Pour autant, elle ne doit pas faire oublier que c’est d’abord par une bonne gestion de l’herbe et du pâturage qu’il est possible d’optimiser la qualité de l’herbe pâturée et étaler son utilisation depuis le début du printemps jusqu’à la fin de l’automne tout en récoltant au besoin les suppléments d’herbe disponibles de façon à ne rien gaspiller. Le recours à des dérobées uniquement pâturées est aussi une possibilité pour allonger la période de pâturage et diminuer d'autant le besoin en fourrages stockés.