« 'Récolter' les haies plus que les 'entretenir' »
Les disponibilités en bois ne sont pas inépuisables sur une exploitation. Conforter les volumes utilisés passe par une meilleure gestion et sylviculture de la ressource. Faire évoluer la façon dont sont entretenues certaines haies basses conforte les disponibilités pour les futurs volumes récoltés. Le point avec Sylvie Monier, de la mission haie Auvergne Rhône-Alpes.
Les disponibilités en bois ne sont pas inépuisables sur une exploitation. Conforter les volumes utilisés passe par une meilleure gestion et sylviculture de la ressource. Faire évoluer la façon dont sont entretenues certaines haies basses conforte les disponibilités pour les futurs volumes récoltés. Le point avec Sylvie Monier, de la mission haie Auvergne Rhône-Alpes.
Utiliser régulièrement des plaquettes pour le paillage s’accompagne-t-il rapidement de la nécessité de mieux gérer la ressource en bois de façon à la pérenniser ?
Réaliser un prévisionnel précis passe par l’établissement d’un plan de gestion de leurs haies, un peu à l’image de ce qui est fait avec les Plans simples de gestion en forêt. On recense les haies existantes, leur longueur, le fait que ces haies soient sur des parcelles en propriété, mitoyenne, en fermage et dans ce dernier cas si le propriétaire est ouvert ou non à leur utilisation raisonnée. Sur le terrain, on détaille la composition de façon à quantifier les volumes de bois sur pied disponible. Ce diagnostic aboutit à deux chiffres. Tout d’abord, le volume de plaquette instantanément disponible sur l’ensemble du parcellaire. Puis, l’accroissement annuel du volume de bois présent. Dans la plupart des situations, il y a des retards de coupe d’entretien avec de fortes disponibilités à court terme. Ces deux chiffres permettent de se rendre compte de la nécessité d’anticiper la gestion de la ressource. Une sous-couche de 10 centimètres de plaquette sur 1 000 m2 de case de stabulation permet une belle économie en paille mais représente 100 m3 de bois plaquette. La gestion du bocage comporte également une suggestion pour le planning de coupe et d’entretien des différentes haies.
Quelles sont vos suggestions pour conforter les stocks de bois sur pied ?
Quels sont les freins pour laisser monter des haies jusque-là conduites « au carré » ?
Comment conforter la ressource à partir des haies déjà existantes ?
L’idée n’est pas non plus de faire monter l’ensemble des haies. Il y a des notions de densité et de sécurité autour des entrées de parcelles en taillant au carré 20 mètres de chaque pour en sortir sans risque. Il y aura toujours des tronçons de haie qui devront être taillés au carré.
Les haies longtemps taillées « au carré » peuvent-elles toutes être conduites en haies hautes destinées à produire du bois ?
Le pronostic est plus favorable pour les haies taillées en cinq passages d’épareuse : deux latéraux, deux en biais et un sur le dessus. Elles font souvent plus d’un mètre de large et ont généralement conservé en leur sein une certaine diversité d’essences ligneuses (chênes, frênes, noisetiers, châtaigniers, trembles, érables champêtres, charmes…) qui ne demandent qu’à prendre de la hauteur et du diamètre rapidement.
Couper une haie haute à blanc pour la « récolter » en plaquettes ne va-t-il pas pénaliser sa repousse ?
Dans les zones bocagères faut-il planter de nouvelles haies pour conforter la ressource ?
Il peut être intéressant de conforter le potentiel de production de haies très productives, en particulier celles situées le long des cours d’eau. Au lieu de clôturer au ras de la berge en suivant les méandres du ruisseau, on décale légèrement la clôture en cherchant à la tirer en ligne droite. On peut compléter les éventuels vides en plantant quelques plançons de saules conduits en cépée ou en têtard pour conforter les volumes de bois produits. Cela a également un intérêt sur le plan paysager.
Dans certains îlots de parcelles sévèrement remembrés, il peut être souhaitable de replanter quelques haies. Les évolutions du climat ne facilitent pas le travail.
Planter en composant avec évolutions du climat
Même si la mise en place des plants est réalisée avec soin, avec des années comme 2019 ou 2020 arroser est indispensable au moins la première année. Malgré l’actuelle « méditerranéisation » du climat d’une partie du territoire français, il convient de rester prudent dans le choix des essences. Se laisser tenter à grande échelle par des essences typiques des zones méditerranéennes (chêne vert, mûrier…) est à éviter dans la mesure où dans la plupart des zones d’élevage l’été est certes de plus en plus chaud et sec mais les risques de froid en hiver et de coup de gel au printemps en particulier dans un large Massif central ne sont pas à écarter. Les essences locales sont donc à privilégier. Pour autant, Sylvie Monier, de la mission haie Auvergne Rhône-Alpes, recommande d’accorder une grande importance à la provenance des plans. Attention aux végétaux « chouchoutés » en pépinière avec apport d’engrais important et arrosage régulier. Il faut leur préférer des plants élevés « à la dure » et eux-mêmes issus d’arbres ayant poussé dans des conditions difficiles. La Fédération des conservatoires botaniques nationaux, l’Association française des haies et arbres champêtres (afac-agroforesteries) et Plantes et cités ont initié un travail de création de la marque "Végétal local" pour encadrer la récolte de graines et la production de plants à partir de régions biogéographiques.
Pour enrichir à moindres frais une haie dégarnie — cas typique des haies que l’on laisse repousser après des années d’entretien « musclé » à l’épareuse — il peut être bon de compléter le travail de dissémination des graines et des glands réalisé gratuitement par les geais et les écureuils. « Les geais disséminent tous les ans beaucoup de glands mais rarement à plus de 500 mètres d’un bois. On peut aider la nature en réalisant soi-même leur travail !, indique Sylvie Monier. Pour cela, les inconditionnels des arbres champêtres peuvent ramasser en fin d’été des glands, trier au préalable les verrés des non verrés et les semer sous la haie dégradée d’un coup de talon. Sur le nombre, il y en a toujours quelques-uns qui finiront par pousser. Pour les préserver en hiver de l’appétit des campagnols, il est possible de les semer en tout début de printemps après les avoir conservés tout l’hiver dans une boîte de plastique dans le bas d’un réfrigérateur. « D’apparence simple, cette technique a fait ses preuves : plusieurs agriculteurs ont ainsi restauré une trame de chênes à moindres frais en 15 ans. »
F. A.