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Congrès FMBV : face à la décapitalisation, « on est là pour regarder les choses en face et avancer ensemble »

En 2023, les marchés de bétail vif ont enregistré une baisse d’activité de 8,8 %, en lien notamment avec la décapitalisation. Une étude d’évaluation des impacts de la baisse de production de viande bovine à l’horizon 2030 a été présentée lors du congrès de la FMBV les 6 et 7 mai dans le Cantal.

Marché au cadran de betail vif de Laissac
Au marché au cadran de Mauriac (Cantal), l'assemblée générale de la FMBV a planché sur l’importance de se projeter et de se préparer aux effets de la décapitalisation bovine.
© F.Pigot/APAP

D’habitude, Bruno Debray, président de la Fédération des marchés de bétail vif (FMBV), n’aime pas trop les études, car « elles coûtent cher et finissent au fond d’un tiroir ». Mais celle du cabinet Ceresco sur l’évaluation des impacts de la décapitalisation et de la baisse de production de viande bovine en France, il a tenu à la partager. 

« Cette étude, je la trouve très bien, on est là pour regarder les choses en face et pour avancer ensemble », a-t-il déclaré. L’étude commanditée par Interbev évalue les impacts de la décapitalisation à l’horizon 2030 sur différents aspects : économie, territoire, environnement,…

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Si la trajectoire de déclin du cheptel se poursuit comme en 2020-2022, la baisse du cheptel laitier pourrait atteindre 15 % en 2030, soit 500 000 vaches en moins et 23 % pour le cheptel viande, soit 800 000 vaches allaitantes en moins. Les deux cumulés, la production finie chute de 18 % en 2030. 

« On est là pour regarder les choses en face et pour avancer ensemble" a déclaré Bruno Debray, président de la FMBV, ici avec Bertrand Oudin, pdg du cabinet Ceresco.

Le phénomène est global en allaitant avec une décapitalisation qui s’accélère sur tous les bassins ; c’est plus discriminant en lait où les départements du grand ouest sont plus fortement affectés. Avec un impact fort sur les emplois agricoles : 37 000 ETP en jeu sur l’ensemble de la filière animale, en élevage, dans les abattoirs et sur tous les autres maillons aval et amont (aliments, équipements, commerce, services non-marchands…). 

Découplage accru entre la production et la consommation

L’impact sur les territoires où l’emploi rural est fortement agricole (Massif central notamment) est considérable au niveau économique, social et pour le maintien des services publics. L’incidence sur les outils et sur les abattoirs en cours de restructuration se ressentira aussi (concentration économique et fermetures) avec des impacts sur l’existence de certaines filières, les circuits courts, etc.

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Toujours selon ce scénario de baisse de 18 % de production finie, le solde de la balance commerciale s’inverse et passe d’un excédent de 750 millions d’euros en 2022 à un déficit de 330 millions d’euros en 2030, soit un milliard d’euros de différentiel, avec un remaniement du mix produits : moins d’exports en vif et plus d’importations de viande désossée congelée. 

Le découplage qui s’observe déjà entre production et consommation de viande bovine va s’accentuer : la production décroît plus vite que la consommation et cet écart qui se crée génère des importations de viande et un changement des habitudes alimentaires avec davantage de restauration rapide et de produits transformés

Biodiversité, bilan carbone, ...

Au niveau environnemental, si la baisse de production finie atteint 18 %, l’étude estime qu’un million d’hectares de prairies seront réaffectées sur une période très courte, soit l’équivalent d’un département comme les Yvelines tous les ans. 

« Ça veut dire que les milieux vont se fermer, il va y avoir une perte patrimoniale et des risques d’incendie », a résumé Bertrand Oudin, du cabinet Ceresco. Plusieurs hypothèses ont été envisagées selon le pourcentage de prairies dédiées à l’extensification, à l’afforestation, au retournement ou à l’artificialisation.

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Sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), on pourrait penser que la décapitalisation entraîne mécaniquement une baisse des émissions « mais ce qu’on ne produit pas en GES, on l’importe et suivant d’où vient cette viande, on peut augmenter notre bilan carbone », a alerté l’intervenant. D’autant que le retournement des prairies entraîne le déstockage de carbone. 

La biodiversité aussi est menacée, l’élevage contribuant à l’entretien de surfaces qui rendent des services écosystémiques. Les prairies, notamment, jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau, la couverture des sols, la lutte contre l’érosion, la qualité des paysages,… Selon le schéma de prairies retournées, les pertes de biodiversité seront plus ou moins importantes. « Mais c’est difficile à chiffrer, car c’est de l’immatériel. »

Un projet pour l’élevage

En conclusion de cette étude, Bertrand Oudin a souligné l’importance de se projeter et de se préparer à cette tendance baissière qui va déstructurer les filières. « Ce n’est pas pour être pessimiste, mais on a beaucoup de choses à faire, a commenté Bruno Debray. L’élevage en France est en danger et je pense qu’il faut ouvrir les yeux. Si on ne bouge pas, on va droit dans le mur. Il faut communiquer sur l’installation des jeunes, il n’y a pas qu’un seul type d’agriculture en France, il y en a plein, il faut les garder. »

Pour Michèle Chastan, directrice du marché au cadran de Mauriac et trésorière à la FMBV, « cette étude a l’avantage de poser les bonnes questions pour ne pas en arriver là. Tous ensemble, on peut y arriver, il y a le renouvellement des générations et il faudra certainement aller chercher des gens à l’extérieur, mais il faut être positif, car c’est comme ça qu’on avance. L'enjeu est aussi de maintenir ce maillage local que sont les marchés, nous sommes des acteurs au même titre que les coopératives, les négociants,... Tout ça, c'est de la vie agricole... »

Philippe Auger, président d’Elvea France, a rappelé qu’il y a deux sortes de décapitalisation : sociale due à l’âge des exploitants et au manque d’attractivité du métier, et économique « avec des éleveurs qui font les comptes et qui souhaitent arrêter ». Sur l’impact environnemental, « il faut se mettre à part égale autour de la table, et pas un éleveur pour dix écolos, a-t-il poursuivi. Il faut arrêter l’agri-bashing. »

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Les politiques ont un rôle à jouer, « tout n’est pas dans la main des agriculteurs », a estimé Bruno Debray. Le président du conseil départemental du Cantal, Bruno Faure, a soutenu que « dans des départements comme les nôtres, l'élevage doit être une cause départementale, car c'est notre maillage économique et social, quand les effectifs bovins baissent, ça se traduit par moins d'agriculteurs et par moins d'habitants. Si on décapitalise, on légitime aussi les importations ». 

« Il faut être conscient qu’on va arriver au point de bascule dans beaucoup de départements si le cheptel baisse encore, il faut arrêter ce cercle infernal, a souligné Patrick Escure, président de la chambre d’agriculture du Cantal et vice-président de la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes chargé de l’élevage. Il faut un projet pour notre agriculture et pour l’élevage. »

Les consommateurs auront aussi leur mot à dire, en choisissant ce qu’ils mettront dans leurs assiettes. « Le ‘consommer Français’ est d’autant plus vrai que les importations sont là, a indiqué Bertrand Oudin. La question est de savoir comment on arrive à mettre en place cette préférence. Certains consommateurs peuvent être sensibles à ces arguments de patriotisme économique. »

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