L’éradication de la BVD est en marche
Après une campagne de mise en route, le plan d’éradication de la BVD est désormais obligatoire en France continentale. Les premières remontées indiquent une situation plutôt favorable.
Après une campagne de mise en route, le plan d’éradication de la BVD est désormais obligatoire en France continentale. Les premières remontées indiquent une situation plutôt favorable.
C’est une bonne surprise. Une enquête réalisée par GDS France un peu avant la fin de la première campagne (2019-2020) du plan d’éradication de la BVD montre que le taux de cheptels foyers au niveau national est de l’ordre de 4,3 %, soit moins de 5 000 troupeaux. Une prévalence nettement plus faible que ne le laissaient prévoir des chiffres plus anciens. Le travail de dépistage et d’élimination des animaux IPI (Infecté permanent immunotolérant) réalisé dans nombre de départements a déjà porté ses fruits. Autre bonne surprise : 78 % des cheptels ont été dépistés dès la première campagne, ce qui traduit un réel intérêt des éleveurs pour le plan d’éradication issu des deux arrêtés signés en 2019. Il était possible de reporter le lancement du plan jusqu’au 31 juillet 2020 mais seulement quatre ou cinq départements ont fait cette demande. Et la première campagne ne prévoyait pas de sanction pour les éleveurs qui se seraient soustraits à cette obligation.
« Un enjeu stratégique pour la France »
Au-delà de la nécessité économique d’éradiquer cette maladie coûteuse pour les élevages affectés, ce plan de lutte se met en place dans un contexte européen mouvant. « L’enjeu stratégique pour la France est de rester dans la course afin d’être concurrentielle sur les marchés d’exportation et de ne pas se voir imposer des modalités de lutte et de qualification des cheptels ne correspondant pas à la situation de l’élevage français », assure David Ngwa-Mbot, vétérinaire conseil à GDS France, en charge des programmes IBR et BVD. Les pays européens sont dans des situations très différentes vis-à-vis de la BVD et plusieurs se préparent à demander la reconnaissance de leur programme de lutte dans le cadre de la loi de santé animale, qui doit théoriquement entrer en application en avril 2021. Or cette loi devrait imposer un niveau d’exigence très élevé. La France a donc fait le choix de ne pas demander pour l’instant cette reconnaissance européenne et de s’atteler d’abord à assainir son cheptel. La démarche de reconnaissance sera ainsi moins coûteuse.
Un arrêté imminent sur le contrôle des mouvements
Le programme français s’appuyait initialement sur trois types de mesures : la surveillance des cheptels pour détecter les animaux IPI ; leur assainissement, quand ils sont infectés, par élimination des IPI dans les quinze jours ; la prévention par un contrôle des mouvements d’animaux. Ces « trois étages de la fusée » selon les mots de David Ngwa-Mbot avaient été validés par l’administration française dans l’arrêté de juillet 2019, avant qu’elle ne revienne en arrière sur le contrôle des mouvements. D’où l’arrêté modifié de février 2020 qui n’inclut plus cette partie du programme. « Nous avons préféré suspendre les mesures de contrôle des mouvements afin de pouvoir commencer à déployer le programme d’éradication et se donner le temps de la réflexion. Mais il manque une pièce à l’édifice pour qu’il puisse être totalement efficace », précise le vétérinaire. Un nouvel arrêté portant sur ces mesures est attendu pour cette fin d’année.
Surveillance par virologie ou sérologie
Deux moyens de surveillance des cheptels ont été laissés au choix des départements, virologie ou sérologie. La virologie, méthode de référence, consiste à dépister les animaux IPI à la naissance (avant 21 jours), ainsi que les veaux mort-nés et les avortons, par un prélèvement auriculaire de cartilage lors du bouclage et recherche du virus par PCR en mélange de dix échantillons. Si le test s’avère positif, on refait des PCR individuelles pour identifier le veau en cause dans le mélange. La recherche peut se faire aussi par antigénémie individuelle (identification des antigènes). Si le résultat est négatif, le veau et sa mère sont certifiés non IPI. La deuxième méthode, dite sérologique, permet d’identifier la circulation du virus via les anticorps. Pour les cheptels laitiers, elle est effectuée sur le lait de tank plusieurs fois par an et, pour les élevages allaitants, sur sérum de mélange d’un échantillon d’animaux lors de la prophylaxie annuelle. La difficulté est de choisir le bon échantillon d’animaux indicateurs de la situation réelle du cheptel. Il faut notamment éviter les animaux vaccinés.
En moyenne deux IPI par foyer
L’enquête de GDS France a montré que 43,6 % des cheptels touchés avaient été dépistés en virologie et 62,1 % en sérologie. La première méthode est appelée à augmenter car les départements qui avaient reporté le démarrage pourraient plutôt opter pour celle-ci. Le total supérieur à 100 % s’explique par le fait que les élevages dépistés positifs en sérologie basculent en virologie pendant un an après la fin de détention du dernier animal porteur du virus. Dans les cheptels infectés, la prévalence moyenne est de deux animaux IPI. Le choix de la méthode s’est effectué selon la situation épidémiologique de chaque département ou région et selon les moyens financiers qui pouvaient y être consacrés. La méthode virologique est nettement plus coûteuse (environ 7 €/veau). La sérologie a été préférée dans les régions où la densité des élevages de bovins est faible ou lorsque des plans de lutte en place depuis de longues années ont déjà permis d’atteindre un niveau élevé d’assainissement, comme en Bretagne par exemple.
« Sortir les IPI le plus rapidement possible »
Lorsqu’on a identifié une circulation virale, soit directement (virologie) soit indirectement (sérologie), « on déclenche un plan d’assainissement dans l’élevage où on va rechercher le statut de tous les animaux par un dépistage virologique », explique David Ngwa-Mbot. L’ensemble des animaux dont le statut n’est pas connu fait l’objet d’un dépistage virologique sur sérum de mélange dans le mois qui suit la détection de l’infection. Et tous les veaux sont suivis pendant un an après la sortie du dernier porteur de virus avec la méthode auriculaire afin de détecter les éventuelles créations d’IPI, qui se produisent entre le premier et le quatrième mois de gestation des mères. Une enquête épidémiologique permet enfin de rechercher les sources de contamination. Lorsqu’un animal IPI est repéré, il doit quitter l’exploitation dans les quinze jours (équarrissage ou abattoir sans rupture de charge). « L’objectif est d’identifier tous les animaux IPI et de les sortir le plus rapidement possible de l’élevage pour limiter les dégâts car ce sont des bombes à virus. C’est la clé de l’efficacité du programme d’éradication », souligne le vétérinaire conseil de GDS France.
Les prochaines règles pour les mouvements
Le contrôle des mouvements d’animaux, qui va être formalisé dans un nouvel arrêté, imposera de ne mettre sur le marché ou laisser participer à des rassemblements (concours…) que des animaux bénéficiant d’une appellation « BVD : bovin non IPI ».
Cheptels infectés. Aucun animal ne pourra sortir (hormis pour l’abattoir) pendant le délai d’assainissement, le temps de vérifier s’il n’y a pas d’autres IPI. Pendant un mois supplémentaire, les animaux pourront sortir moyennant un dépistage virologique dans les 15 jours précédant la sortie. Ceci pour prévenir les contaminations par des animaux virémiques transitoires. Ensuite, la circulation redeviendra libre pour tous les animaux non IPI. Ces mesures s’appliqueront pour les mâles et les femelles non gestantes.
Femelles gestantes. Dans les élevages infectés, elles sont à risque car, si elles sont contaminées entre un et quatre mois de gestation, elles peuvent faire naître un veau IPI. Elles ne pourront pas sortir de l’exploitation tant qu’elles n’ont pas vêlé et que leur veau n’aura pas été dépisté. Des dérogations seront possibles si l’élevage est capable de mettre en place une quarantaine stricte de l’animal suivie d’un dépistage.
Troupeaux suspects. Ces élevages, soit parce qu’ils ont introduit un animal viropositif soit parce qu’ils sont dans le proche voisinage ou en lien avec un cheptel infecté, ne pourront faire sortir que des animaux bénéficiant d’une appellation non IPI.
Cheptels non conformes. Les animaux des éleveurs qui refuseraient d’appliquer les mesures ne pourront aller qu’à l’abattoir avec un laissez-passer sanitaire.
Cheptels en situation favorable. Pour la grande majorité des cheptels sains, le statut non IPI de l’ensemble des animaux permettra la libre circulation.
Report possible de deux ans. Cette obligation de statut non IPI avant sortie pourra être reportée de deux ans, après parution de l’arrêté, dans les régions qui en décideront. Mais, un an au plus tard après sa parution, pour rentrer dans un cheptel en carte verte, tout animal devra avoir l’appellation non IPI ou faire l’objet d’un dépistage virologique et, l’année suivante, cette appellation non IPI devra être connue avant sa sortie.
Statut non IPI : incertitudes pour les cheptels allaitants en sérologie
Pour les cheptels en dépistage virologique à la naissance, l’obtention du statut non IPI est liée à l’absence de veau viropositif. Pour les troupeaux laitiers en surveillance sérologique, la recherche des anticorps plusieurs fois par an dans le lait de tank permet d’attribuer ce statut. « Pour les cheptels allaitants en surveillance sérologique, aujourd’hui, on ne sait pas délivrer d’appellation non IPI à un animal sur la base du statut du cheptel, explique David Ngwa-Mbot. Mais nous avons prévu des critères allégés pour les broutards et un report possible pendant deux ans de l’obligation de détenir le statut non IPI afin de ne pas gêner leur commercialisation. Deux années pendant lesquelles nous allons mener des travaux de recherche dans l’espoir de trouver un moyen de délivrer cette appellation avec une seule surveillance sérologique par an. Et si nous n’y parvenons pas, il sera possible de commercialiser un lot de broutards à partir d’un échantillonnage sans contrôler tout le lot. »
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