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Le Mexique est le premier exportateur mondial de broutards

La filière viande bovine du Mexique a connu une croissance impressionnante, durant les dix dernières années, sous l’effet d’une politique volontariste. Les États-Unis absorbent la quasi-totalité des exportations, aussi bien de broutards que de viande.

Au Mexique, 2019 a été une année record pour la production et les exportations de viande bovine. Une capitalisation très importante a eu lieu dans les cheptels allaitants depuis dix ans. « Historiquement, le Mexique est un pays d’élevage, avec des traditions et un savoir-faire. Et un tissu économique industriel de groupes y fonctionne, avec des cadres de haut niveau, a présenté Arnault Villaret de l’Institut de l’élevage, lors d’un webinaire en juin 2020. C’est l’effet d’une politique fédérale volontariste, tant au niveau de l’élevage que de l’abattage, qui a été appuyée aussi aux niveaux des états. » Entre 2008 et 2018, le programme Progan a instauré une prime à la vache allaitante payée à la tête. Elle était octroyée sous conditions d’évolution des pratiques d’élevage, notamment de gestion des ressources pastorales, et d’intégration dans des filières organisées. Le budget de ce programme a représenté plus de 1,2 milliard d’euros en dix ans. Parallèlement, ont émergé des filières intégrées beaucoup plus organisées et des groupes industriels de taille mondiale. Les structures d’abattage se sont énormément modernisées, avec notamment la mise en place d’un système d’inspection fédérale. En 2016, a été inauguré le nouveau siège du groupe Sukarne par le président de la République : l’Agropaque Lucero serait le deuxième plus grand feedlot au monde, avec une production prévue de 800 000 têtes par an sur 475 hectares. Ce type de structure produit des bouvillons traités aux hormones de 250 kg C environ, engraissés pendant six mois et abattus vers l’âge de 20 mois. « Le groupe Sukarne a plus que triplé sa taille en dix ans pour atteindre 340 000 téc », illustre Arnault Villaret. Cette croissance des entreprises mexicaines s’est faite sur fonds privés, mais avec le soutien de l’État pour les autorisations d’installation et même le financement.

 

 

Elle est alimentée par une croissance régulière du cheptel depuis dix ans. Les élevages mexicains totalisent quelque 35 millions de têtes de bovins en 2019, à 93 % de type viande. Le cheptel laitier de 2,5 millions de tête est majoritairement Holstein. Le troupeau allaitant est majoritairement constitué de races anglo-saxonnes, avec aussi une forte présence des races zébuines à viande (surtout les races Nélore et Brahman) et des races zébuines mixtes dites « composito », qui sont élevées avec leurs veaux et en partie traites (dont la race Gir…).

Le cheptel est présent partout dans le pays, mais se concentre surtout dans les États de Veracruz sur la côte Atlantique, dans l’état de Jalisco sur la côte Pacifique, et au sud dans les Etats du Chiapas (ou 30 % à 60 % des surfaces agricoles utiles sont dédiées à l’élevage bovin). L’élevage est l’une des seules activités possibles dans les États du nord du Mexique, où des zones de parcours peuvent représenter 80 % à 95 % des surfaces agricoles, avec un chargement de l’ordre d’une vache pour dix hectares.

1,3 million de broutards par an exportés aux USA

« Le produit type des élevages naisseurs mexicains est un veau castré âgé de 6 à 7 mois, pesant 200 kilos vifs », présente Arnault Villaret. Une très grande partie de ces broutards est engraissée au Mexique. « La succession d’années de sécheresse, de 2010 à 2012, a écrêté les sorties de broutards en 2013 et 2014. Périodiquement, la croissance des exportations est d’autre part freinée par des accidents sanitaires. » Notamment en novembre 2019, certains États du Mexique ont perdu leur autorisation d’exporter aux États-Unis suite à des problèmes de gestion de la tuberculose. Ces exportations sont aussi limitées en raison du développement au Mexique des capacités d’engraissement. Et malgré tout cela, l’exportation de broutards a connu une progression de 26 % sur les dix dernières années. Le Mexique tient le rang depuis plusieurs années de premier exportateur mondial de broutards. Leur destination quasi-exclusive est les États-Unis. En 2019, 1,3 million de broutards y ont été expédiés.

« En ce qui concerne les exportations de viande bovine, on assiste depuis 2010 à une augmentation très forte et régulière des volumes. Les quelque 300 000 téc exportées en 2019 représentent 82 % de plus qu’en 2015, et 14 % de plus qu’en 2018. Le prix moyen est de 4,2 euros/kg C », informe d’autre part Arnault Villaret. Une très grande majorité de ces volumes – 255 000 téc – partent aux USA. La première clientèle visée est la population de classe moyenne et aisée d’origine mexicaine vivant aux USA. Le reste des volumes de viande bovine exportés sont orientés vers l’Asie, un débouché en croissance de 10 % sur l’année 2019 avec 36 000 téc. « Les Mexicains ont abandonné certains marchés, comme la Russie notamment, pour des niches nettement plus rémunératrices en Asie. »

Une traçabilité qui ne progresse pas beaucoup

« Il existe au Mexique une traçabilité individuelle du bétail gérée par chaque État, au stade ultime de l’abattage, qui renseigne sur la ferme d’origine et le statut pour les maladies réglementées. Elle est nécessaire pour pouvoir exporter aux Etats-Unis. Pour les animaux maigres et ceux en cours d’engraissement, le chemin vers une traçabilité individuelle est encore long », estime Arnault Villaret. Dans la filière mexicaine, si le maillon naisseur et le maillon engraisseur final sont bien identifiés, il existe tout un panel d’intermédiaires entre les deux, avec parfois jusqu’à dix interlocuteurs au final. D’autre part, toute une économie grise liée au narcotrafic irrigue directement ou indirectement la filière viande bovine comme l’ensemble des secteurs économiques. C’est un frein au progrès de la traçabilité.

Une prime à la vache allaitante a été versée entre 2008 et 2018

Un accord commercial avec l’Europe qui reste à être adopté

En avril 2020, ont été conclues entre l’Union européenne et le Mexique les clauses techniques d’un accord commercial. Elles portent sur un contingent de 10 000 tonnes de viande et 10 000 tonnes d’abats (dont font partie les onglets et les hampes) que le Mexique pourrait exporter en Europe à droits réduits, alors qu’il ouvrirait davantage son marché à des produits européens, agricoles ou non. Il semble très peu probable que le Mexique fasse machine arrière sur le principe de cet accord. « Les capacités du président actuel pour réorienter la dynamique sont limitées, et de puissants contre-pouvoirs existent dans le pays, notamment pour l’emploi », explique Arnault Villaret de l’Institut de l’élevage. Mais cet accord doit encore faire l’objet d’un screening juridique et d’une adoption politique, tant au Mexique qu’en Europe. Et en Europe, il faudrait pour voir le processus aboutir, un vote positif à la fois du conseil européen, du parlement européen, mais aussi de chaque État membre. Cette viande bovine mexicaine trouverait-t-elle quand bien même sa place sur le marché européen ? On peut en douter, car d’autres viandes d’importation pourraient répondre beaucoup mieux aux exigences des consommateurs européens (qualité sanitaire, traçabilité, voire engraissement à l’herbe).  

La croissance pourrait ralentir dans les prochaines années

 

D'importateur net de viande bovine dans les années 2000, le Mexique est devenu exportateur net depuis 2015. Cette croissance va-t-elle se poursuivre ? « Il parait difficile de conserver un tel rythme. D’autre part, le président López Obrador qui est à la tête du pays depuis janvier 2019 est de centre gauche. Les aides agricoles sont réorientées vers le développement rural et les petites exploitations. Le programme de soutien économique aux éleveurs de bovins viande et aux exportations est stoppé depuis janvier 2020 », analyse Arnault Villaret de l’Institut de l’élevage. Un ralentissement de la croissance des exportations était déjà prévu avant la crise du coronavirus : l’USDA prévoyait pour l’année 2020 une croissance de 10 % avec 330 000 téc de viande bovine exportées sur l’année. Avec la pandémie de Covid-19, la consommation de viande bovine et les prix de marché ont baissé. Les exportations de broutards rencontrent des difficultés. Les importations de viande bovine sont en forte baisse, en lien avec la fermeture des restaurants et une forte dévaluation du peso mexicain (-10 % en juin 2020 par rapport à mars).

A noter

Le Congrès mondial de la viande devait avoir lieu à Cancun en juin 2020. Il y est reporté pour juin 2021. Le choix du Mexique pour l’organisation de cet événement mondial traduit l’importance de l’expansion de sa filière viande bovine.

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