La pyramide des âges, moteur de l’actuelle décapitalisation
Depuis cinq ans, le cheptel bovins viande français a entamé une phase de décapitalisation. Quelles en sont les causes ? Le sujet a été abordé à l’occasion d’une journée dans la Sarthe.
Depuis cinq ans, le cheptel bovins viande français a entamé une phase de décapitalisation. Quelles en sont les causes ? Le sujet a été abordé à l’occasion d’une journée dans la Sarthe.
Depuis 2016, le nombre de vaches allaitantes présentes sur le territoire français diminue de 2 % par an. Ce recul est encore plus important en région Pays de la Loire (- 3 % par an). Il est encore plus net pour la production de jeunes bovins mâles avec depuis 2018 un recul de 16,7 % au niveau national. La France a ainsi perdu un peu plus de 60 000 taurillons en dix ans. Près de 40 % de cette baisse a eu lieu en Pays de la Loire, qui demeure la première région pour la finition de jeunes bovins (JB). Comment expliquer cette régression historique ? Est-elle liée à une baisse de la consommation, à une hausse des importations, à une question de prix, à une diminution de la rentabilité des ateliers ou encore à la pyramide des âges des éleveurs ? Théo Nouailletas, chargé de mission à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire s’est penché sur la question lors de la journée viande bovine de la Sarthe, organisée le 1er juillet dernier par la chambre d’agriculture et le Seblis (syndicat des éleveurs limousins de la Sarthe).
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Pas une question de consommation, ni d’imports
La consommation française de viande bovine est certes en diminution (23 kg/habitant soit moins de 500 g par semaine en 2019, environ le niveau des années 1970) depuis la fin du XXe siècle. Mais, elle est compensée par l’augmentation de la population. Elle avoisine donc toujours 1,5 million de téc. « La baisse de consommation n’est donc pas un moteur fort de la décapitalisation, souligne Théo Nouailletas, alors peut-être est-ce en lien avec l’importation. Nous mangeons un peu moins de viande mais en proportion nous mangeons plus de viande d’origine France. Par ailleurs, la France produit moins que ce qu’elle consomme et notre pays exporte principalement du jeune bovin (86 % des exports sont le fait de cette catégorie). On a donc forcément besoin de l’import et 80 % des tonnages importés sont le fait de viande de vache laitière destinée en grande majorité à la restauration hors domicile, alors que la viande bovine française se consomme peu dans ce secteur. La GMS reste le premier point de vente de viande en France (47 % de la viande bovine produite en France est achetée dans les GMS françaises). L’import n’est donc pas non plus un moteur fort de décapitalisation. »
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Une légère érosion de la profitabilité
Lorsque l’on se penche sur le contexte économique de la viande bovine, on constate qu’à chaque pic de prix précède un pic d’effectifs. À chaque hausse de prix, les éleveurs augmentent leur capacité de production. Or, à partir de 2016, cette logique est mise à mal. La courbe d’effectifs se décorrèle de la courbe des prix. La loi de l’offre et de la demande semble prévaloir. Et si on juxtapose la courbe de l’Ipampa à la courbe des prix et des effectifs, on constate que l’Ipampa de la viande bovine est relativement stable, des années 1990 aux années 2006-2007 où il croît fortement, puis suit les cours. À partir de 2016, l’Ipampa se déconnecte des cours et augmente, alors qu’une baisse des prix est observée. « Ainsi on observe une érosion de l’efficacité économique des systèmes bovins allaitants depuis 2016 (perte de 5 points de l’’EBE sur produit brut depuis 2016 qui est passé de 30 % en 2016 à 25 % en 2020). Cette érosion de la profitabilité commence juste à impacter la rentabilité économique des systèmes (EBE sur capitaux relativement stables qui commence juste à s’infléchir). Certes, cette dégradation peut impacter la décapitalisation mais elle n’est pas une explication à elle seule », souligne le chargé de mission. Les installations ne sont pas par ailleurs une cause majeure de cette décapitalisation importante au vu de leur stabilité depuis dix ans en Pays de la Loire. « On n’observe pas non plus une recrudescence des cessations précoces (moins de 50 ans) des exploitations ligériennes."
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Ce recul des effectifs bovins s’explique d’abord par la pyramide des âges de leurs détenteurs avec de nombreux cheptels qui ne sont pas repris ou plus précisément qui ne sont pas repris dans leur intégralité au moment des cessations d’activité, et ce phénomène ne va faire qu’empirer dans les années à venir si le nombre d’installation ne repart pas à la hausse. "En Sarthe, par exemple, 52 % des détenteurs de bovins viande ont plus de 50 ans. C’est le pourcentage plus élevé au sein de toutes les productions animales. »