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Élevage bovin : l’épigénétique ouvre un nouveau champ pour la sélection

L’épigénétique, science qui étudie les changements dans l’expression des gènes, est en plein développement. Des recherches menées à l’étranger sur les bovins allaitants ont montré des résultats qui interpellent.

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La signature épigénétique commence au moment de la fabrication des gamètes mâles et femelles, soit une centaine de jours avant l’ovulation chez la femelle et soixante jours avant la fécondation chez le mâle. Elle dure jusqu’à l’âge de six mois environ après la naissance du veau.
© S. Bourgeois

« L’épigénétique, c’est ce qui module l’expression des gènes », a résumé Yann Martinot, directeur technique d’Elvup, entreprise de conseils et de services aux éleveurs de l’Orne, à l’occasion d’une journée destinée à l’élevage de bovins allaitants en février. « Les événements sur le chemin de vie de chaque individu orchestrent en effet comment le potentiel génétique va se concrétiser dans le temps », reprend le spécialiste.

La signature épigénétique commence au moment de la fabrication des gamètes mâles et femelles, soit une centaine de jours avant l’ovulation chez la femelle et soixante jours avant la fécondation chez le mâle. Elle dure jusqu’à l’âge de six mois environ après la naissance du veau. Certains de ces aspects sont temporaires, et d’autres sont pérennes. « On estime qu’une forte part de l’épigénome est mise en place au sevrage », explique Yann Martinot. « L’épigénétique peut embarquer jusqu’à la deuxième génération. Si une femelle subit un stress pendant la gestation, son veau dans son ventre est impacté, mais aussi potentiellement les follicules de ce fœtus si c’est une femelle. »

De nombreux mécanismes de régulation épigénétique de l’expression génique sont connus. Les trois principaux sont la méthylation de l’ADN, les modifications d’histones (les protéines qui entourent les chromosomes) et les micros ARN non codants. Ils font que l’expression d’un gène n’est pas nulle ou totale, mais qu’il existe tout un continuum de réponses en fonction de l’environnement. Le génome est inchangé, mais sa lecture et donc l’expression des gènes changent, selon le moment, selon les cellules.

Nutrition, comportement de la mère, stress thermique…

Des travaux scientifiques ont permis d’identifier les effets de l’environnement qui sont à l’origine de marques épigénétiques, ce qu’on appelle l’exposome : le comportement de la mère, tous les éléments de la nutrition de la mère (apports en excès ou insuffisants en énergie, azote, minéraux et vitamines) et de celle du veau après sa naissance, les pratiques d’élevage, le stress thermique, les toxiques et les polluants, les maladies et expositions à des éléments pathogènes, les traitements thérapeutiques, les effets diurnes et saisonniers ou encore les interactions sociales dans le troupeau.

Sur les bovins viande, des recherches en épigénétique ont été menées à l’étranger. Des essais sur la race wagyu au Japon ont montré qu’il y a une programmation dans le ventre de la mère et selon la ration du veau jusqu’à ses six mois du nombre de fibres musculaires et de leur taille, ainsi que du nombre des adipocytes et de leur type qu’il développe au cours de sa croissance. Sur des zébus au Brésil, une forte restriction alimentaire pendant la saison sèche des mères en milieu et fin de gestation a été liée à des croissances et à des couvertures de gras inférieurs chez leurs veaux en ateliers d’engraissement. Aux États-Unis, de nombreux essais ont porté sur la « programmation fœtale », notamment l’effet de l’alimentation des vaches gestantes sur le colostrum, le poids à la naissance, le système immunitaire du veau… « Un stress important peut mettre l’ensemble du génome en “mode économie”, et qu’il reste programmé ainsi pour tourner à peut-être 80 % de l’expression de son potentiel », rapporte Yann Martinot. En d’autres termes, « l’animal s’adapte à un environnement hostile ».

Une révolution dans la sélection des bovins à moyen terme

Beaucoup restent à découvrir sur l’épigénétique. Cette discipline a vu le jour il y a seulement une vingtaine d’années, mais elle fait l’objet de plus en plus de publications scientifiques. « Jusqu’à maintenant, la sélection des bovins est basée sur l’estimation des effets du génotype et de l’environnement pour prédire les performances. Une troisième variable due aux modifications épigénétiques va s’y ajouter à l’avenir. Aujourd’hui, on est capable de lire un épigénome sur les bovins, mais cela a un coût très important et change dans le temps. » D’ici à cinq à dix ans, il est possible que des centres d’insémination fassent épigénotyper leurs taureaux.

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