dans la Manche
A chaque élevage son co-produit
La conjoncture amène les éleveurs à se poser des questions quand à la valeur des co-produits. Enquète auprès de Didier Cousin du groupe Bonda.
Même si certains éleveurs comme Philippe Dolley, dans la Manche, sont interpellés et inquiets de l’augmentation des prix des co-produits, liée à celle des matières premières,«l’intérêt énergétique des sous-produits est aujourd’hui démontré », note Frédéric Lechevallier, du groupement de producteur Copelveau, situé à quelques kilomètres de Gavray dans la Manche. «Le risque pour les éleveurs est de voir l’utilisation de ces produits détournée au profit de débouchés plus rentables tel que la biométhanisation.» À l’heure actuelle, Philippe Dolley fait comme la plupart des éleveurs. Il garde ses céréales pour les vendre et se tourne donc vers les co-produits. Et son père d’ajouter qu’«avec la conjoncture de l’hiver 2007, on gagne plus d’argent à entreposer ses céréales ou sa paille et à attendre que les cours montent qu’à travailler en engraissant ses animaux».
Approvisionnement saisonnier
L’approvisionnement en certains co-produits est saisonnier, comme les matières premières dont ils sont originaires. «Dans la mesure du possible, je conseille un co-produit pour les mois à venir en fonction de sa disponibilité. Dans le cas des pulpes de pomme de terre, de nombreux éleveurs font leur stock en fin de campagne, à moins de repartir sur un nouveau produit », explique Didier Cousin, du groupe Bonda. C’est lui qui met en place, avec l’éleveur, la nouvelle stratégie concernant le plan de rationnement et la gestion des coûts. Il doit donc connaître parfaitement les grands principes de l’alimentation animale afin d’établir la meilleur ration possible en fonction de chaque élevage. Même si Philippe Dolley rêve d’une ration stable durant des années, cela reste impossible actuellement. «Le coût des concentrés peut varier très vite, comme cela a été le cas cette année. Et l’éleveur se doit, particulièrement pour l’engraissement, de connaître et d’optimiser au quotidien son coût alimentaire. Quand on connaît les besoins d’un taurillon, son coût de ration et les prix d’intérêt, on s’adapte très vite à tel ou tel produit», reprend-il.
Une utilisation déjà ancienne
Pourtant, certains éleveurs continuent de payer plus cher leur ration. «Il y a souvent une méconnaissance des co- produits. Le stockage et le mode de distribution (mélangeuse, dalle bétonnée...) nécessitent parfois des aménagements qui peuvent être pris comme une contrainte. C’est surtout cela qui freine les éleveurs dans leur réflexion », explique Frédéric Lechevallier. Selon Didier Cousin, «les co-produits correspondent souvent à des éleveurs opportunistes ou en tout cas avec une certaine ouverture d’esprit. Ils ont toujours été utilisés dans certaines régions de France, particulièrement dans le Nord. Nous ne faisons que généraliser cette pratique». La grande crainte des éleveurs réside dans la variabilité en matière sèche (MS) des co-produits.«Nous annonçons un minimum de MS du produit. Il arrive parfois que la teneur en MS varie un peu. Les produits sont régulièrement analysés en laboratoire. C’est une garantie pour nous et pour nos clients», reprend Didier. De plus, pour Frédéric Lechevallier, «l’impact de la variation de MS est moindre pour les co-produits que pour un blé, avec lequel on peut avoir des poids spécifiques variant de vingt points ou des impuretés...»
Le but est de tenir
Et même si Jean-François Bouillon, éleveur laitier et engraisseur,ne veut pas avoir à gérer plusieurs petits tas d’ali- ments pour ses vaches, la pomme de terre l’intéresse vivement, comme la fibre de blé, plus équilibrée dans sa composition. Son bâtiment d’engraissement est vide aux trois quarts. Normalement, il contient près de 150 jeunes bovins. Cette année, avec le contexte de l’engraissement, des quotas laitiers et un prix du lait en hausse, il va probablement diminuer cette activité, comme la plupart des éleveurs mixtes. Il cherche cependant des solutions pour tenir et passer cette période difficile. Grâce aux co-produits, il pourra gagner dix centimes par jour et par taurillon. «Les co-produits ne sauveront pas l’agriculture», déplore Philippe Dolley, reconnaissant cependantqu’ils permettent de tenir durant cette mauvaise passe.