Boiteries du poulet à E. cecorum : Recherche d’alternatives aux antibiotiques
Conscients que l’arme antibiotique contre E. cecorum est inadaptée au contexte français de production, des acteurs de la santé animale planchent sur d’autres pistes.
Conscients que l’arme antibiotique contre E. cecorum est inadaptée au contexte français de production, des acteurs de la santé animale planchent sur d’autres pistes.
Entre un usage antibiotique curatif insatisfaisant et un usage antibiotique préventif non autorisé, le traitement antibiotique des poulets contre les souches d’E. cecorum pathogènes pose un dilemme aux praticiens vétérinaires.
En théorie, c’est avant le passage d’un E. cecorum pathogène dans la circulation sanguine qu’un antibiotique aurait le plus de chances d’agir. À condition d’avoir pu détecter le germe précocement, ce qui pour l’instant n’est pas possible.
En France, la pratique préventive n’est plus permise, notamment parce qu’il n’est pas certain que le lot aurait développé des boiteries s’il n’avait pas été traité. D’autre part, les autorités sanitaires veulent minimiser le risque de sélection de souches antibiorésistantes au sein de la flore digestive des poulets. En revanche, certains pays y compris en Europe, appliquent parfois un traitement préventif avec l’association lincomycine-spectinomycine au cours de la première semaine de vie. Des chercheurs allemands ont confirmé l’efficacité de cette pratique, mais ils n’ont pas réussi à comprendre comment et sur quoi il agissait.
Reste donc l’arme du traitement curatif, avec de l’amoxicilline administrée à des poulets diagnostiqués infectés. Mais il intervient souvent trop tardivement pour guérir les oiseaux déjà atteints de signes cliniques. Par ailleurs, des récidives sont constatées, occasionnant un nouveau traitement.
Trouver des produits aux effets similaires
Pour tenter de sortir de ce dilemme, le groupe Chêne Vert explore des solutions non antibiotiques. En 2023, dans le cadre du plan Ecoantibio 2, il a obtenu le financement de son projet Alterceco. Il s’agit de tester deux solutions alternatives sur des poulets Ross 308. L’une est à base d’acides gras à chaîne moyenne associés à des acides organiques ; l’autre comprend ces mêmes acides gras complétés par une flore de barrière.
Ces deux alternatives ont été choisies à l’issue de pré-essais terrain réalisés en 2022, et qui ont montré des résultats encourageants dans une quinzaine d’élevages (innocuité et efficacité des produits, effet notable sur les taux de saisies).
Des poulets Ross 308 seront également traités avec le duo antibiotique non autorisé en France. « Les financeurs publics ont accepté l’usage du couple lincomycine-spectinomycine, parce que ce sont des essais contrôlés en station expérimentale, souligne la vétérinaire Anouk Dronneau, cheffe du projet.
"Nous voulons étudier comment ces deux antibiotiques agissent sur la structure de l’intestin, ainsi que sur la composition de la flore digestive. En parallèle, nous suivrons les paramètres biologiques des poulets testés avec toutes les solutions. Notre objectif est de reproduire les effets des antibiotiques avec les deux produits alternatifs. »
L’enjeu est triple pour la filière du poulet à croissance rapide : limiter drastiquement cette pathologie invalidante qui nuit à l’image de la profession avicole, réduire très fortement l’utilisation des antibiotiques en élevage, et enfin limiter la sélection de souches d’E cecorum antibiorésistantes susceptibles de diffuser en dehors de la sphère du poulet.
Le calendrier 2024-2025 du projet Alterceco
. La phase expérimentale achevée en mars
Une expérimentation a été réalisée du 15 février au 21 mars 2024 dans une salle d’élevage conventionnelle équipée de 60 cases contenant 20 poulets abreuvés et alimentés séparément. Quatre modalités ont été testées les sept premiers jours de vie : aucun traitement, association lincomycine-spectinomycine, association acides gras-acides organiques, association acides gras-flore de barrière. Les premiers résultats sont attendus en fin d’année.
. La phase terrain se déroule de juin à septembre 2024 et 2025
Les essais ont démarré au mois de juin dans 20 élevages, selon un protocole allégé (trois dates de contrôles au lieu de huit, trois modalités de traitements au lieu de quatre : le témoin sans antibiotique et les deux alternatives). Seront exclus du protocole les lots subissant un traitement antibiotique qui limiterait l’expression d’un éventuel Enterococcus cecorum. En 2025, les essais porteront sur 40 élevages. Le compte rendu final est prévu pour la fin de l’année 2025.