Quatre bénéfices d’une association verger – élevage
Introduire des animaux dans ses vergers peut leur être bénéfique à plusieurs titres. Un projet impliquant le GIS Fruits dresse un état des lieux des pratiques en matière d’association entre verger et élevage en France.
Introduire des animaux dans ses vergers peut leur être bénéfique à plusieurs titres. Un projet impliquant le GIS Fruits dresse un état des lieux des pratiques en matière d’association entre verger et élevage en France.
Si l’association entre systèmes arboricoles et animaux est ancienne, la spécialisation de l’agriculture a favorisé la séparation entre ces deux activités agricoles. Aujourd’hui, ce couplage constitue une voie vers des systèmes arboricoles plus agroécologiques. Plusieurs Groupements d’intérêt scientifique, dont le GIS Fruits et le GIS PICLég, se sont associés pour mener le projet Reconnexion élevage-végétal (Reve). Celui-ci explore les multiples aspects des liens entre élevage et productions végétales, afin d’analyser les connaissances acquises et proposer des pistes d’amélioration des pratiques.
Une enquête pour mieux connaître les pratiques en matière d’association animal-végétal en arboriculture a été conduite en 2020-2021 par un groupe de trois étudiants dans le cadre du projet Reve*. Les trois étudiants d’Agrocampus Ouest - centre d’Angers ont lancé un appel à témoignages entre décembre 2020 et janvier 2021 auprès de producteurs pratiquant l’association verger – élevage. 24 témoignages d’arboriculteurs de toute la France ont été ainsi recueillis.
Ovins, bovins, volailles et équins
Sur cet échantillon, les animaux présents dans les exploitations sont essentiellement des ovins, bovins, volailles et équins. Dans certains cas, plusieurs espèces animales sont présentes simultanément. Les couples les plus observés sont ovins/volailles, bovins/ovins et bovins/équins. Lorsqu’une seule espèce est présente sur l’exploitation, ce sont majoritairement des bovins et des ovins.
Les agriculteurs ayant participé à l’enquête font état de certains inconvénients relatifs à l’association verger-animaux, dont les principaux sont une augmentation de la complexité dans l’organisation du travail (voir encadré), un manque de références et de conseils ainsi qu’une augmentation des UTH. Mais ils mettent aussi en avant de multiples avantages de ce couplage, dont voici les quatre principaux cités.
1. Sur l’enherbement
La gestion de l’enherbement est le premier bénéfice ressenti par les arboriculteurs ayant répondu à l’enquête. Le pâturage permet de contrôler l’enherbement sans avoir à utiliser d’herbicides ou d’outils mécaniques. Moutons, oies, poules, canards… sont capables de maîtriser le couvert végétal par leur effet « tonte ». Mais les densités recommandées sont très différentes selon les animaux, suivant la quantité d’herbe consommée et leur sélectivité vis-à-vis des espèces végétales.
Les travaux sur le sujet préconisent l’introduction de 4 brebis/ha ; pour les oies, 50 à 100/ha, les canards, 400 à 500, et même jusqu’à 910/ha pour les poulets (qui consomment individuellement environ 60 g d’herbe par jour). Quelle que soit l’espèce introduite, la gestion de la quantité d’herbe et de la charge animale reste un point crucial à maîtriser. Par une bonne gestion des animaux dans la parcelle, il est nécessaire de trouver un compromis entre une ration suffisante pour les animaux et la présence d’un couvert qui ne concurrence pas les arbres.
2. Sur la qualité du sol et la fertilisation
Le maintien de l’enherbement couplé à l’apport de déjections animales semblent améliorer la qualité du sol : augmentation de la teneur en matière organique, amélioration de la structure, augmentation de la biodiversité… Les arboriculteurs ayant participé à l’appel à témoignages ont mentionné « l’autonomie pour la fertilisation des parcelles » comme le deuxième principal avantage du couplage verger – élevage.
Le terme d’autonomie est cependant nuancé par un témoignage, « car les apports de composts sur ces parcelles ne couvrent pas les besoins nutritifs des arbres. On est plutôt sur un rôle d’amendement et d’amélioration des sols ». De plus, des travaux de recherche, cités dans le rapport du projet étudiant, ont montré qu’en pâturage bovin et ovin, les déjections des animaux étaient réparties de manière hétérogène dans la parcelle, provoquant des apports en azote très localisés.
3. Sur le bien-être animal
L’association verger - élevage n’est pas une relation à sens unique. Les apports des animaux au verger sont nombreux, mais l’inverse est vrai aussi. Les animaux sont élevés en plein air, les arbres créent un microclimat favorable lors de fortes chaleurs et protègent les animaux de la pluie et du vent. L’ingestion de fruits pourris peut cependant s’avérer dommageable pour leur santé dans certains cas, tout comme le surpâturage.
4. Sur la prophylaxie
« Les animaux peuvent contribuer à la prophylaxie en contrôlant certains bioagresseurs, indique Sylvie Colleu, INRAE, dans le dossier documentaire préliminaire au projet Reve. Le piétinement des animaux active la décomposition des feuilles contenant l’inoculum, ce qui est intéressant pour la tavelure ou la stemphyliose ». De plus, la consommation des fruits abîmés ou des fruits véreux au sol peut également participer à diminuer l’inoculum de certaines maladies ou ravageurs.
Les volailles peuvent consommer directement des insectes ravageurs. Enfin, le piétinement des animaux tend à limiter la présence des campagnols. Dans les témoignages d’arboriculteurs de l’enquête, si la prophylaxie est bien citée comme un avantage majeur attendu du couplage verger – élevage, certains arboriculteurs indiquent qu’il est difficile d’évaluer si les diminutions de problèmes phytosanitaires observées sont le fruit du couplage.
Un changement d’organisation
L’inconvénient majoritairement perçu par les arboriculteurs est l’augmentation de la complexité organisationnelle du travail citée dans 32 % des réponses. « Beaucoup d’agriculteurs doivent revoir leur façon de faire et leur gestion du temps avec la présence des animaux dans leur culture, souligne le rapport du projet étudiant. En effet, il est nécessaire de surveiller et d’adapter les rotations du troupeau en fonction des traitements, du stade des arbres, des récoltes si les fruits sont ramassés au sol et de la quantité d’herbe présente dans les vergers. »
Des retours différents sur le temps de travail
La gestion des effluents, notamment le compostage, demande beaucoup de temps et d’attention selon certains répondants. Le couplage entraîne une augmentation du temps de travail pour certains producteurs, alors que d’autres témoignent plutôt du contraire. Ceux-ci indiquent que le temps de travail dédié aux animaux peut être compensé par une baisse du temps consacré aux traitements et à la tonte. Les manques de références et de conseils sont également des difficultés récurrentes pour une part significative de producteurs ayant participé à l’enquête.