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Bio
Mettre une valeur derrière le prix du bio

Les débats du 14 novembre des Assises de l’Agriculture Biologique ont porté sur la construction et la déconstruction des prix des produits bio et les pistes pour convaincre les consommateurs d'acheter plus cher ou pour baisser les coûts de ces produits. A l'issue des débats, l'Agence Bio a annoncé vouloir créer sa Commission des prix du bio.

Objectif : réaliser un classement des variétés résistantes au Bremia en culture de salades. © Sica Centrex
La première table ronde a réuni les grands distributeurs : Benoit Soury, directeur du marché bio Carrefour et représentant de la FCD ; Pierrick de Ronne, président de Biocoop ; Lyse Manzoni, adhérente Intermarché ; Michel-Édouard Leclerc, PDG de E. Leclerc ; et Emmanuel Vasseneix, président de la Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel.
© Julia Commandeur - FLD

Pour leur 12ème édition le 14 novembre à Paris, les débats des Assises de l’Agriculture Biologique organisées par l’Agence Bio ont porté sur la question du « prix du bio ». Vaste question car comme le rappelle en introduction Philippe Henry, président de l’Agence Bio : « Nous confondons sans cesse prix et valeur ». Alors que met-on derrière un prix bio ?

 

Construire un prix bio ?

Même les agriculteurs ne le savent pas. Selon Stéphanie Pageot, secrétaire nationale de la Fnab, « à la Fnab on travaille à une formation sur les coûts de revient des agriculteurs, pour savoir comment les construire et pouvoir échanger avec nos clients industriels et distributeurs : quelle rémunération souhaitent les producteurs ? Quelles sont les charges opérationnelles et coûts de structure, les coûts de R&D, le besoin en fond de roulement ? Faut-il prendre en compte la capacité d’investissement et le risque climatique ? »

« Chez Biocoop, nous construisons le prix par des sommes de valeur alors que la GMS le construit selon la valeur que lui accorde le consommateur, explique Pierrick de Ronne, président de Biocoop. Ça a marché à un moment mais aujourd’hui ils sont englués dans les promotions et une logique de déconstruction. Il faut en sortir. Et cela passe par l’explication du prix. » Michel-Edouard Leclerc en est aussi persuadé : « on peut vendre plus cher si on arrive à le justifier ».

 

Un budget alimentaire en baisse

Alors oui, premier frein à l’achat : le bio coûte plus cher en magasin. « Ce qui est problématique quand on sait qu’un Français sur six est à 10€ près et que 14% sont même à 1€ près, regrette Lyse Manzoni, adhérente Intermarché. Sans tomber dans la guerre des prix, il faut donc quand même aborder cette question du prix pour pouvoir communiquer. Nous on joue sur les promotions de la carte fidélité. »

Chez C’est Qui le Patron, on estime que « la plupart de nos produits ne sont pas bio car ils ne représentent que 25 à 30 % des votes des consommateurs ; c’est surtout l’agriculture raisonnée qui est privilégiée, souligne Raphaël Petit, juriste et sociétaire de la marque. On pense que le prix qui est lié au bio a forcément un impact sur le choix des consomm’acteurs. »

Pour le député Jean-Baptiste Moreau, « le problème de base aujourd’hui, c’est la baisse constante de la part de l’alimentation dans le budget des Français, peu importe son niveau de vie. L’enjeu, c’est l’éducation : expliquer que s’alimenter ce n’est pas anodin et qu’il faut peut-être ajouter quelques euros de plus pour mieux manger. » Ce que réfute Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation à l’UFC Que-Choisir : « La part de l’alimentation baisse car celle du logement -qui est un coût incompressible- augmente, pas parce que le consommateur achète plus de smartphones. »

 

Un problème de marges

Pour l’association de consommateurs, le plus gros problème dans cette question du prix est la marge importante que s’accorde la GMS sur les produits bio comparés aux conventionnels :  +75% sur les f&l, en particulier sur les f&l les plus consommés que sont la pomme de terre (+83%), la tomate (+109%) et la pomme (+144%). « Le prix agricole d’une pomme est de 1,06€/kg en conventionnel et de 1,80€/kg en bio. La différence s’accentue au détail : la marge de la GMS est de 0,87€/kg en conventionnel et de 2,17€/kg en bio ! », détaille Olivier Andrault.

Selon le dernier sondage Opinion Way pour l’Agence Bio, seuls 36% des Français pensent que le principal élément du prix d’un produit bio est lié au travail de l’agriculteur. Les autres attribuent le coût du bio à la marge du distributeur (26%) et de l’industriel (23%) ou au marketing/communication (12%).

 

Réduire le prix des produits bio

Pour rendre le bio plus accessible, de nombreuses pistes ont été évoquées pour baisser le prix des produits bio. Michel-Edouard Leclerc propose un fonds auquel participeraient distributeurs, restaurateurs et industriels, « une sorte de mécénat ». Benoit Soury, directeur du marché bio Carrefour et représentant de la FCD, rappelle que Carrefour l’a déjà fait à titre individuel avec le fonds de transition alimentaire Act for Food et le partenariat avec Miimosa. La plupart des opérateurs présents ont appelé à un engagement financier et une prise de responsabilité des Pouvoirs publics.

Selon un autre sondage Opinion Way, pour faire baisser les prix des produits bio, les Français proposent de développer vente directe et circuits courts (61%), de produire plus de bio français (47%), de baisser la TVA sur les produits bio (42%) ou d’accorder plus de subventions aux producteurs bio (23%).

« Mais pourquoi vouloir absolument baisser les prix du bio ?, se révolte Claude Choux, adhérent de Forébio et directeur de Probiolor. On s’est barrés du conventionnel parce qu’on n’en pouvait plus de ce système. Le bio est plus cher parce qu’il faut le valoriser, c’est normal. » Jean-Baptiste Moreau le rejoint : « Il faut arrêter de vouloir faire du bio moins cher comme certains distributeurs le clament. Il faut aussi que le consommateur soit “consomm’acteur” et qu’en rayon il achète en phase avec son éthique. »

Enfin, Daniel Sauvaitre, secrétaire général d’Interfel, a insisté sur l’importance de maintenir l’offre et la demande en adéquation « pour que les prix ne s’effondrent pas, comme cela a été le cas l’année dernière avec des pommes bio trop abondantes et qui ont dû être vendues en tant que conventionnelles. »

 

 

Prendre en compte les externalités positives

Autre sujet : les questions sociales, environnementales et de coopération sont peu prises en compte dans l’élaboration du prix. « Il va falloir travailler sur les services rendus à l’environnement et les externalités positives du bio », approuve Jean-Baptiste Moreau. L’objectif est de passer d’une valeur matérielle basée sur un prix-volume pour aller vers une valeur immatérielle. « C’est le modèle économique de la fonctionnalité à haute valeur environnementale et sociale, où l’économie se base non plus sur la propriété stricto sensu mais sur la valeur des services rendus : sociaux, de santé, de gestion et maintien du territoire et des populations… », explique Arnaud Leroy, président de l’Ademe.

 

L’Agence Bio veut sa Commission des Prix du Bio

A l’issue des débats, Philippe Henry a évoqué l’ambition de l’Agence Bio de créer une commission sur la question du prix et qui auraient le triple objectif « d’assurer des revenus décents aux agriculteurs, de rendre les produits bio accessibles à tous et d’assurer la transparence des marges tout le long de la chaîne. L’idée est d’associer les acteurs de l’Agence Bio, les distributeurs (FCD, Intermarché et E. Leclerc), le Synabio, les associations de consommateurs ; et de s’appuyer sur les données de l’Agence Bio, de FranceAgriMer, de l’Observatoire de la formation des prix et des marges et sur les éventuels travaux d’opérateurs et d’interprofessions. » Le projet sera en discussion lors du prochain Conseil d’administration de l’Agence Bio le 26 novembre.

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