« J’ai gagné quatre heures par jour grâce à mon nouveau bâtiment vaches laitières en Ille-et-Vilaine »
En Ille-et-Vilaine, Henri-Jean Dolaine a réalisé LE projet de sa carrière. L’éleveur a façonné son exploitation pour exercer son métier seul, en sécurité et sans surcharge de travail. Tout en maximisant le confort de son cheptel.
En Ille-et-Vilaine, Henri-Jean Dolaine a réalisé LE projet de sa carrière. L’éleveur a façonné son exploitation pour exercer son métier seul, en sécurité et sans surcharge de travail. Tout en maximisant le confort de son cheptel.
« Par rapport à mon ancien bâtiment, j’ai raccourci les journées : je me suis libéré quatre heures quotidiennes. Avant, c’était la course. J’avais une salle de traite qui datait de 1986, je perdais du temps à raboter, à curer, à pailler. Maintenant, en une heure et trente minutes maximum le matin, tout est fait : je vérifie que tout est OK au robot, je regarde si j’ai des vaches en chaleur et les logettes sont nettoyées. Je travaille tout seul, car j’aime être libre et autonome dans mes décisions. Alors dans mon système d’exploitation, tout est pensé pour le confort de travail, pour alléger l’astreinte et la pénibilité, décrit, avec un sourire tranquille, Henri-Jean Dolaine. Beaucoup de choses se jouent dans le détail : une bonne contention, une barrière bien placée, etc. » Les détails en question font partie d’un projet global de bâtiment avec robot, mis en service en 2023, pour un montant de 900 000 euros. Bâtiment qui se fond dans un système pâturant et autonome pour les 70 vaches.
Henri-Jean Dolaine a pris un an et « un paquet de pages blanches griffonnées » pour imaginer et concevoir sa ferme aux petits oignons. « Il faut aussi compter une année pour l’administratif et une autre pour les travaux. Je n’ai pas raisonné à l’économie, mais je n’ai pas laissé les coûts des travaux déraper non plus. »
Fiche élevage
EARL Dolaine
• 1 UTH
• 70 vaches laitières croisées jersiaises, brunes et prim’Holstein, dont 58 au robot en moyenne à 5 000 l
• 1 robot
• 340 000 l de lait
• 2,3 traites/j l’hiver
• 95 ha de SAU, dont 79 ha d’herbe
• 40 ares/VL
• 1 UGB/ha
Service de remplacement et crise du lait
Avant de s’installer en 2008, Henri-Jean Dolaine a travaillé au service de remplacement pendant six ans. « J’ai vu des vieux bâtiments très fonctionnels, et d’autres tous neufs mais pas adaptés pour travailler à une personne. Quand on est agent de remplacement, on est souvent tout seul. Alors on repère ce qui fonctionne ou pas. » C’est à partir de ces années-là qu’Henri-Jean Dolaine commence à constituer « une liste d’idées dans sa tête » pour sa future ferme.
En 2009, c’est la crise du lait. L’éleveur tente de dégager davantage de revenu en augmentant sa production laitière. Sans résultat. « Les charges avaient grimpé, les vaches étaient plus fragiles et, finalement, je n’avais pas un centime de plus sur le résultat comptable. » Il décide alors de faire évoluer son système en augmentant progressivement la part d’herbe. En parallèle, la charge de travail diminue. En 2019, l’exploitation passe en bio. « C’était le résultat du cheminement, toutes les cases étaient cochées. »
« La priorité du nouveau bâtiment était que les vaches accèdent au pâturage »
Fin 2021 : fin de la conversion. Mais aussi fin des emprunts contractés pour l’achat de l’exploitation. Henri-Jean Dolaine commence à mettre son projet bâtiment sur papier. « La première chose que je voulais, c’est que le bâtiment ne change pas le fonctionnement de la ferme : autonome et pâturant. Son placement dans l’exploitation était ma priorité pour que les vaches continuent d’accéder au parcellaire jour et nuit. Le reste s’articule autour. »
Le robot ? « J’y pensais pour alléger l’astreinte et me libérer les week-ends. Désormais, le samedi et le dimanche, je peux venir trente minutes le matin et le soir. J’ai du temps pour les loisirs. » Une fois la décision actée, Henri-Jean Dolaine réfléchit l’espace autour du robot pour pouvoir « isoler facilement une vache ». Il installe une barrière qui descend, pour « guider naturellement les laitières vers le robot ou une aire paillée de 40 m2 pour quatre vaches si besoin ».
La porte de tri à la sortie du robot oriente les laitières vers la stabulation ou vers une travée de quatre logettes, s'il y a besoin de garder une vache quelques heures. De là, l'éleveur peut amener une vache dans un box de contention.
« Je me suis posé la question de passer en logettes. En bio, j’ai le droit d’utiliser de la paille produite en conventionnel, mais les logettes me déchargent en temps de travail. » Henri-Jean fait le choix de la farine de paille pour les logettes. S’il consommait, avant, entre 50 et 60 tonnes de paille, il n’en utilise désormais que 3 à 4 tonnes. Le choix se justifie d’autant plus qu’il a arrêté les cultures, car « elles n’étaient pas une piste de simplification ». Autre point de réflexion : le mode d’évacuation du lisier. « L’aspirateur à lisier coûtait le même prix que le racleur. Avec l’aspirateur, le bâtiment est plus propre, je n’ai pas à nettoyer à la main les zones où le racleur ne passe pas et les vaches n’ont pas à l’enjamber. »
Trente minutes par jour pour gérer le pâturage des laitières
La porte de pâturage trois voies se situe à l’opposé du robot dans le bâtiment, « pour éviter les engorgements. C’est un point important pour la circulation ». Les vaches accèdent à 24 hectares autour de la stabulation, découpés en 28 paddocks selon la pousse. « Chaque demi-journée, après la traite, elles ont de l’herbe fraîche. C’est ce qui les motive, car au robot, elles n’ont que 700 grammes de concentrés par jour. »
Tous les paddocks ont un point d’eau fixe. « C’est un peu d’installation au début, mais ensuite je gagne du temps au quotidien : je compte deux fois quinze minutes par jour pour changer les fils avec mon quad. » Les laitières sortent toute l’année, « même quelques heures dans la journée. Elles se dégourdissent les pattes et mangent un peu d’herbe ».
IA par l’éleveur et deux périodes de vêlages
Depuis 2017, Henri-Jean Dolaine insémine ses vaches lui-même. « C’était d’abord pour le bien-être des laitières. Elles sont tout le temps dehors et, pendant une partie de l’année, il n’y a rien à l’auge. Je ne voulais pas qu’elles passent une demi-journée enfermées à attendre. » S’il reconnaît y consacrer du temps, Henri-Jean y gagne lui aussi en confort de travail. « L’hiver, je les insémine aux cornadis. Si elles sont dehors, le robot les trie, les envoie dans les quatre logettes d’isolement et je les vois rapidement. Il y a moins de stress et c’est plus simple. »
L’éleveur groupe les vêlages sur deux périodes, « pour mon confort de travail, parce que je veux me concentrer sur une seule tâche : les vêlages ou l’IA ». Pour définir les périodes de reproduction et celles de naissance, il a « surtout choisi les périodes de non-vêlage : juin, juillet, août car c’est plus facile de se faire remplacer sans vêlages ni jeunes veaux pendant mes vacances ; et décembre, janvier, février car il y a les vacances de Noël ». Avec des naissances calées au printemps et à l’automne, il s’assure au passage que « 99 % des vêlages se déroulent au pâturage. Je limite les risques microbiens et le stress des vaches ».
Moins de temps consacré à l’élevage des veaux grâce aux vaches nourrices
À la naissance, le veau reste sous la mère une journée. Puis les génisses sont élevées par des vaches nourrices. Henri-Jean sélectionne dans le troupeau les laitières « les plus sociables et produisant un minimum de lait pour nourrir trois veaux : entre 20 et 22 litres par jour par vache, soit 7 litres par veau, mais avec un lait riche en MG (49) et MP (35), ce qui est largement suffisant pour avoir de bonnes croissances ». Sur un effectif de 70 mères, cela lui permet de descendre à 58 vaches au robot et de ne pas le saturer.
« Le lait des nourrices pour nourrir les veaux est produit sur un îlot d’herbe non accessible pour les laitières. L’élevage des génisses est donc très économique et je les habitue toutes jeunes aux petits paddocks. En temps de travail, ce mode d’élevage des veaux est idéal : je n’ai pas de paillage, pas de distribution de lait et mes veaux ne sont jamais malades. » Les génisses passent entre huit et neuf mois sous la mère. Puis elles rentrent en bâtiment deux mois l’hiver, avant de ressortir. « Elles vêlent à 25-26 mois. Mais je vise 24 mois. »
Henri-Jean complète les lots avec quelques mâles. Il en garde huit par an, qu’il engraisse pour vendre la viande en caissettes au voisinage. « Ça fait partie de la vie de la ferme et de son environnement. C’est un atelier simple, sans risque et réversible. Et qui me rend fier de mon métier. »
Bureau avec vue sur vaches
Henri-Jean Dolaine a construit son bureau avec vue sur les laitières. « J’avais repéré cela lors de visites et j’ai trouvé que c’était super. Ce n’était pas nécessaire pour moi, mais plus un plaisir. » Pour un peu plus de confort, la pièce est au même niveau que la stabulation. « Je ne voulais pas d’escalier à monter et descendre, c’est pénible. » Il a aussi créé un local indépendant de la maison, « fonctionnel, avec vestiaire et toilettes ».
Anne Briend, conseillère lait, chambre d’agriculture de Bretagne
« Un projet qui n’altère pas le revenu disponible »
« L’objectif de l’éleveur était de gagner en confort de travail sans dégrader son revenu. Face aux nouvelles annuités, il a donc fallu trouver un équilibre financier. C’est notamment l’installation de panneaux photovoltaïques avec la possibilité d’une marge brute complémentaire à l’atelier lait qui a permis au projet de voir le jour. Enfin, Henri-Jean a su attendre que les annuités liées à son installation soient quasi-nulles avant d’investir dans ce nouveau projet. »
« Ma marge est produite par le lait au pâturage »
L’idée d’Henri-Jean Dolaine, c’est que l’herbe soit pâturée le plus possible pour limiter l’utilisation du tracteur.
« Quand on est en système herbe, on ne cherche pas à équilibrer une ration parfaite, car la valeur de l’herbe n’est pas la même d’un paddock à l’autre. Je fais le choix de donner la meilleure herbe possible, mais ce n’est pas grave si je perds un peu de lait produit », relativise Henri-Jean Dolaine. Au printemps, les laitières sont nourries exclusivement à l’herbe pâturée. L’été, « quand ça grille », l’éleveur affourage avec de l’enrubannage, « une botte par jour maximum. Et le strict minimum d’affouragement en vert ». L’hiver, il apporte de l’ensilage d’herbe dont il adapte la quantité à donner en fonction des besoins, « et du maïs, mais très peu. Je donne 32 tonnes en trois mois ».
L’objectif derrière cette stratégie, c’est de passer le moins d’heures possible en cabine. « Le tracteur s’arrête à la distribution de l’alimentation », explique-t-il. Si Henri-Jean possède du matériel, comme une autochargeuse pour affourager en vert, ne pas l’utiliser n’est pas un problème : « si elle ne tourne pas, elle ne s’use pas ».
Des bouchons déshydratés au robot
Au robot, les vaches ont droit à 700 grammes de concentrés : des bouchons de maïs épi déshydraté ou de luzerne déshydratée, transformés par sa coopérative. « L’année dernière, j’ai récolté une seule coupe de luzerne en déshydraté dans une parcelle de 4 hectares pour un rendement de 8 tonnes. Les autres coupes sont ensilées ou enrubannées. J’ai récolté 1,8 hectare de maïs épi déshydraté qui m’ont donné 17,2 tonnes. Tout n’est pas mangé, il m’en reste plein. Le coût total des bouchons, culture plus déshydratation, me revient à 262 €/t pour la luzerne et 166 €/t pour le maïs. »
« Mes vaches n’ont pas gagné en lait lorsque que je suis passé en traite robotisée. Je ne demande pas au robot d’être rentable mais de soulager mon travail. » Des vaches à 5 000 litres mais avec très peu de charges, « c’est largement assez. Ma marge est produite par le lait au pâturage ».