Bien-être animal : Comment les consommateurs voient l’ovosexage
Les consommateurs vont-ils soutenir la fin de l’élimination des poussins mâles, modifier leurs habitudes d’achat ou revoir leurs exigences pour amortir l’effet prix ? Peu de travaux ont été réalisés pour le prévoir.
Les consommateurs vont-ils soutenir la fin de l’élimination des poussins mâles, modifier leurs habitudes d’achat ou revoir leurs exigences pour amortir l’effet prix ? Peu de travaux ont été réalisés pour le prévoir.
Le niveau d’information des consommateurs sur l’élimination des poussins de ponte mâles semble différer d’un pays à l’autre. Dans une étude néerlandaise de 2018 auprès d’environ mille consommateurs, seuls 55 % des répondants étaient informés de l’élimination des poussins d’un jour. En Suisse, dans une étude équivalente, seulement 25 % des répondants en avaient connaissance. A contrario, près de 70 % des citoyens allemands confirmaient être sensibilisés en 2019. En France, le CSA a posé la question en avril 2021 à 1 007 consommateurs : 55 % étaient informés de la problématique.
Des niveaux d’acceptabilité variés
Les niveaux d’information diffèrent et les avis aussi ! À « quelle est votre opinion sur l’élimination du poussin mâle ? », 50 % des Néerlandais affirment que ce n’est pas un problème ou que c’est inévitable, 40 % réclament des alternatives et 8 % seulement réclament l’arrêt. En 2019, 90 % des Allemands jugeaient l’élimination des poussins « problématique » ou « très problématique ». En France, dans l'enquête CSA, 67 % des consommateurs informés la trouvent « choquante » et 21 % « normale ou inévitable ».
En revanche, dans ces études 25 à 30 % des répondants n’ont pas de « préférences » ou estiment que l’élimination des poussins reste « acceptable ». Derrière cette observation, c’est l’extrême sensibilité au prix qui ressort.
Finalement, il existe plusieurs profils de consommateurs avec des attentes variables et parfois contradictoires.
Un fort consentement à payer… en théorie
Le « consentement à payer » (CAP), c’est-à-dire l’écart de prix qu’on accepte de payer pour une nouveauté, est corrélé à son niveau d’information, à ses valeurs et bien sûr à ses moyens. En Allemagne, le CAP pour les alternatives à l’élimination des poussins mâles peut être relativement faible, inférieur à 1,6 ct/œuf pour 52 % de la population. Mais 25 % d’entre eux seraient prêts à payer jusqu’à 50 ct/œuf avec les mâles issus de l’élevage de souche à double fin élevés en condition biologique !
Dans une enquête récente de l’université de Göttingen, le CAP a été évalué pour plusieurs techniques d’ovosexage. L’augmentation allait de zéro à 1,70 € selon un ovosexage à J 1, J4 ou J9, prenant en compte un taux d’erreur de la méthode et une valorisation des œufs mâles (petfood, déchet…).
Ce travail a aussi permis d’identifier quatre classes de consommateurs. Seules deux sont évoquées ici. Les « éthiques » (41 % des enquêtés) attachent une grande importante au mode d’élevage. Ils sont capables d’ajouter plus de 8 € pour une boîte de 10 œufs si l’ovosexage intervient avant l’incubation, 6,80 € à J4 et 3,50 € à J9. Les « économes » (20 % des enquêtés) sont prêts à débourser entre 0,4 et 0,80 €/10 œufs, quelle que soit la méthode.
Entre le dire et le faire
Même pour les « économes » de l’étude de Göttingen, ces 4 à 8 centimes supplémentaires de l’œuf sont très élevés par rapport au 0,5 à 2 centimes du surcoût des méthodes d’ovosexage. Le prix unitaire d’un œuf étant faible, une augmentation de quelques centimes est probablement plus facilement acceptable pour le porte-monnaie.
C’est une bonne nouvelle pour la filière, mais elle est à nuancer. Face au rayon, les consommateurs pourraient être tentés de revoir leur niveau d’exigence et de se tourner vers du premier prix, voire de réduire leur consommation.
Dans une étude récente du service économique de l’Itavi, une analyse de l’élasticité du prix entre 2018 et 2021 montre que 1 % d’augmentation du prix de l’oeuf se traduit par une baisse de 4 % de la consommation ! Les conséquences sur les fragiles équilibres de production seraient potentiellement dramatiques.
Plutôt une réticence des distributeurs
Un autre argument en faveur du consentement à payer des consommateurs pourrait venir de l’évolution de la consommation. En 2012, 68 % des œufs consommés étaient produits en cage, aujourd’hui, ils ne sont plus que 28 %. Les œufs plein air (label rouge compris) et le bio sont passés de 35 % à 58 %. Et le consommateur a accepté de payer plus cher ses œufs sans remettre en question les volumes.
Cette vision, probablement trop angélique, est difficilement partagée par des éleveurs et les professionnels qui devront répercuter des hausses très importantes. L’arrêt de l’élimination des poussins mâles représente une augmentation de 25 à 125 % du prix de la poulette et un coût de production de l’œuf qui augmente de 4,5 à 15 % selon la méthode d’ovosexage.
Même si finalement les consommateurs acceptent une hausse de l’œuf coquille, les distributeurs sont-ils prêts à jouer le jeu ? Enfin, n’oublions pas que 40 % des œufs sont consommés sous forme d’ovoproduits… La volonté des consommateurs à payer l’ovosexage pour un produit contenant seulement une part d’œuf est sans doute encore plus difficile à caractériser. En tout cas, elle n’a pas été investiguée.
Les alternatives les plus acceptables
Au Pays Bas, l’élevage des mâles ou des souches mixtes a retenu 34 % des suffrages, devant l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (21 %) et l’ovosexage (17 %).
En Allemagne en 2019, les supporters des méthodes in-ovo représentaient près de 50 % des répondants contre 27 % pour l’élevage des souches mixtes. L’arrivée d’outils d’ovosexage efficaces et la communication intense autour de ces méthodes ont sans aucun doute permis d’améliorer très significativement leur acceptabilité.