Banane de Guadeloupe et Martinique : « En 2025 beaucoup de planteurs parmi nous vont malheureusement disparaître. Je pèse mes mots »
Sur le Salon de l’Agriculture les producteurs de l'UGPBAN ont à nouveau alerté des dangers auxquels la filière banane fait face. Ils réclament un soutien politique pour être autorisés à recourir aux drones et plus tard aux NGT, afin de faire face à la baisse de production et de rendement auxquelles ils font face. Il en va de la survie de la filière, dont le nombre de producteurs et les surfaces ne font que baisser.
Sur le Salon de l’Agriculture les producteurs de l'UGPBAN ont à nouveau alerté des dangers auxquels la filière banane fait face. Ils réclament un soutien politique pour être autorisés à recourir aux drones et plus tard aux NGT, afin de faire face à la baisse de production et de rendement auxquelles ils font face. Il en va de la survie de la filière, dont le nombre de producteurs et les surfaces ne font que baisser.
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De belles nouvelles -mais aussi de moins bonnes- pour la banane de Guadeloupe et de Martinique ont été célébrées -ou soulignées- sur le stand de l’UGPBAN, l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique, lors du Salon de l’Agriculture.
Tout d’abord, la banane est désormais le fruit le plus consommé en France. En outre, la Banane de Guadeloupe et de Martinique a été plébiscitée par les Français puisqu’elle est leur marque préférée en banane.
Enfin, la segmentation enrubannée bleu blanc rouge La Banane Française fête ses 10 ans, un succès jusqu’ici, parti de zéro et représentant aujourd’hui 42 000 tonnes valorisées par la grande distribution française.
« On hésite à installer des jeunes »
Ça, ce sont les bonnes nouvelles. En parallèle, la filière fait face à « une crise majeure, une crise existentielle ».
« En 2025 beaucoup de planteurs parmi nous vont malheureusement disparaître. Je pèse mes mots », a alerté Francis Lignières, producteur et président de LPG, le groupement des producteurs de bananes de Guadeloupe, à l’occasion d’une conférence de presse donnée sur le stand de l’UGBAN au Salon de l’Agriculture.
Alors que la Guadeloupe et la Martinique comptaient plus de 650 producteurs en 2015, ils ne sont plus que 450 en ce début 2025. Les surfaces bananières aussi baissent : elles sont passées de 8 500 hectares à 6 000 hectares.
Et ce nombre de producteurs va encore baisser ces prochains mois, « d’abord les plus fragiles économiquement, les petits, puis les moyens et gros planteurs suivront », s’émeut Francis Lignières. Rien que sur les 3 derniers mois, « la Martinique a vu 4 liquidations judiciaires sur des exploitations pourtant conséquentes », illustre Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN.
En outre, les Antilles font face au non-renouvellement des générations : les exploitations ne sont pas reprises après les départs en retraite. « Une exploitation sur deux n’est pas remplacée, confirme Francis Lignières. Dans ce contexte difficile, on hésite à installer des jeunes, et pourtant j’ai des demandes. »
La cercosporiose, des pertes de 10 millions d’euros rien qu’à Dunkerque
Les exploitations sont fragiles économiquement. En cause : la succession d’événements climatiques, mais surtout une pression fongique de plus en plus forte. Depuis 2010 pour la Martinique et 2012 pour la Guadeloupe, les bananeraies sont touchées par la cercosporiose noire, maladie fongique majeur chez le bananier.
En parallèle, la profession s’est vue réduire le nombre de solutions curatives autorisées. En climat tropical humide, c’est « une catastrophe ». Les bananiers sont fatigués, la productivité est en forte chute et la qualité des fruits s’en ressent.
L’UGPBAN estime, depuis 2-3 ans, des pertes annuelles de 8 à 10 millions d’euros de marchandises jetées à l’arrivée des bateaux à Dunkerque, soit 6 000 tonnes. A ceci il faut ajoutés 10 à 20 % de la production jetée aux champs. « Nous sommes à peine à 85 % de taux de récolte », souffle Alexis Gouyé, président de Banamart (groupement des producteurs de bananes de Martinique).
Côté volumes commercialisés, l’UGPBAN a totalisé 186 000 tonnes en 2024, un chiffre plutôt stable sur un an mais loin, très loin des 250 000 tonnes des années 2015 et 2016.
Enfin, il est important de noter que la banane de Guadeloupe et Martinique est engagée volontairement depuis 2008 dans une démarche de progrès (avec entre autres les Plans Banane Durable) visant à produire toujours plus durable. A date, la filière a déjà réduit ses usages de produits phytosanitaires de -83 %.
A relire : une série de reportages sur Comment la banane de Guadeloupe et de Martinique se produit toujours plus durable ?
Les solutions pour les producteurs de bananes existent : drones et NGT
Les producteurs ne « sont pas là pour réclamer des aides » mais un soutien des pouvoirs publics. Car des solutions, il en existe. Elles peuvent se résumer pour l’UGPBAN en deux mots : drones et NGT (nouvelles techniques génomiques). Les drones, la solution à court terme ; les NGT la solution à long terme. L’objectif si ces deux techniques sont autorisées : juguler la baisse de production* par une hausse de rendement. « Si l’on revient à des rendements de 40 tonnes/ha… » se prend à rêver Pierre Monteux.
*Notons que les planteurs ont déjà 70 % de charges fixes ; une baisse de production impacte donc immédiatement et fortement le cout de revient du producteur.
Vers une autorisation de l’épandage aérien par drones… mais uniquement pour les produits de biocontrôle
Les producteurs demandent l'autorisation d'utiliser des drones pour les traitements phytosanitaires, en remplacement des épandages aériens interdits depuis 2013. A date, une proposition de loi du député Jean-Luc Fugit adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 27 janvier 2025 autorise l’épandage par drone notamment sur les bananeraies mais uniquement pour des produits autorisés en agriculture biologique et des produits dits à faible risque. Des produits déjà utilisés aujourd’hui en terrestre mais dont la faible rémanence oblige des passages plus fréquents et qui obligerait les planteurs à faire coexister des traitements aériens et terrestres. «Il est incompréhensible d’exclure de l’épandage aérien des produits autorisés par voie terrestre», regrette Pierre Monteux.
Les drones présentent une réelle opportunité pour la filière de par leur rapidité d’exécution des traitements (en quelques heures contre une vingtaine de jours aujourd’hui) et l’efficacité permise par le ciblage des foyers de champignon (plutôt que traiter toute la parcelle). « On parle d’une efficacité à 2 cm près ! », souligne Alexis Gouyé. Selon des tests de l’UGPBAN, le recours aux drones permettraient de faire baisser d’encore 40 % l’usage des phytosanitaires.
Les nouvelles variétés obtenues par NGT pourraient être disponibles en 2028
Autre coup de pouce politique que réclame l’UGPBAN : l’autorisation des NGT (nouvelles techniques génomiques) pour la création de variétés résistantes à la cercosporiose, qui se joue au niveau européen. Les producteurs attendent un soutien sans faille de l’Etat.
« On estime que l’aspect politique va intervenir sous 12 à 18 mois. Pour l’aspect technique, on nous annonce un début de commercialisation de ces nouveaux micro plants courant 2028 », calcule Pierre Monteux.
« Un métier passion » : le témoignage de Johan Edvige
« Malgré toutes leurs contraintes, les producteurs sont très fiers de produire la banane la plus propre du monde et une banane française. Mais ça a un coût et les pouvoirs publics ne l’ont pas assez pris en compte et ne nous ont pas assez accompagnés », martèle Alexis Gouyé.
« Je suis fier de produire de la banane malgré les contraintes », confirme Johan Edvige, producteur à Saint Esprit en Martinique. Passionné « depuis tout jeune », ne venant pas de parents planteurs, le jeune producteur de 26 ans a débuté par la banane plantain avant de venir à la Cavendish en 2023. Aujourd’hui il cultive 9 ha de Cavendish (pour 400 tonnes de référence ; et une production de 100 tonnes de Banane Française) et 1,5 ha de plantain. Le jeune passionné ne compte pas ses heures (« il est dans la bananeraie 7 jours sur 7 qu’importe le temps », confirment les anciens). Mais il admet : « Ça devient difficile. Cette année sera charnière »
La banane, « un produit irremplaçable » pour les Antilles
« Notre banane est une banane française, un produit familial issu de petites structures », rappelle Nicolas Marraud des Grottes, producteur et président de l’UGPBAN.
La banane représente 6 000 hectares et 6 000 emplois direct en Guadeloupe et Martinique, et 1 million d’emplois indirects, selon les chiffres de l’UGPBAN.
C’est aussi un produit irremplaçable pour les paysages et l’économie antillaise. « On entend que la banane aux Antilles a fait son temps et qu’il faut aujourd’hui faire de la diversification. Mais le bananier est la seule culture la mieux adaptée au contexte climatique des Antilles !, affirme haut et fort Alexis Gouyé. Quel produit peut se targuer d’être à nouveau en production 7 mois à peine après un cyclone ? »
Elle a aussi un rôle de maintien des paysages puisqu’elle permet de limiter l’érosion. D’autant plus que les friches agricoles augmentent aux Antilles, selon Philippe Aliane, directeur général de LPG : les bananeraies abandonnées ne sont pas remplacées par des projets de diversification.
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