Arboriculture : en vingt ans, les produits phyto ont évolué
Le profil toxicologique des produits phytosanitaires disponibles en arboriculture a évolué en vingt ans. Les matières actives sont de moins en moins toxiques. Mais le durcissement des critères de classement des spécialités commerciales a dégradé leur profil.
Le profil toxicologique des produits phytosanitaires disponibles en arboriculture a évolué en vingt ans. Les matières actives sont de moins en moins toxiques. Mais le durcissement des critères de classement des spécialités commerciales a dégradé leur profil.
« Depuis vingt ans, la toxicité des matières actives utilisés en arboriculture a nettement diminué », souligne Valérie Gallia, responsable du BSV arboriculture de la Chambre d’agriculture du Gard et du pôle « Fruits à noyau » à Sudexpé, au cours de la conférence des vingt ans du réseau Sud-Arbo lors du Sitevi en novembre dernier. « Mais la sévérité de classement des spécialités commerciales a, elle, augmenté au cours de cette période, ce qui rend impossible une comparaison stricte entre les produits autorisés en 1999 et ceux autorisés en 2019 », ajoute-t-elle. En 2012, la classification des produits a en effet changé avec un durcissement des critères d’évaluation. Les résultats de l’étude présentés ici prennent donc en compte deux périodes, celle de 1999 à 2012 avec l’ancienne classification (DPD) et celle de 2012 à 2019 avec la classification actuelle (CLP). Selon les deux grands groupes, insecticides et fongicides, les évolutions diffèrent.
Une évolution très favorable pour les insecticides
Les insecticides ont vu leur profil toxicologique s’améliorer nettement. « Les produits les plus toxiques pour l’homme ont été supprimés et les nouveaux ont un meilleur classement », complète l’ingénieure. Ainsi sur les 31 produits retirés entre 1999 et 2012, plus de la moitié était classée Toxiques/Danger et près d’un tiers nocif CMR (Cancérogène, Mutagène, Reprotoxique suspectés). Sur les 17 nouveaux, aucun n’était toxique et seulement un quart nocif CMR. Sur la période 2012 à 2019, des 11 produits retirés, les trois quarts étaient toxiques, nocifs CMR ou nocifs non CMR et seulement deux ont été homologués. A noter que le nombre de produits disponibles a été réduit de moitié en vingt ans, passant de 46 spécialités disponibles en 1999 à 23 en 2019. « Le changement de formulation a aussi permis une diminution de la toxicité des produits phytosanitaires », ajoute Valérie Gallia. Entre 1999 et 2012, six spécialités ont été reformulées. Un changement qui a permis à la moitié d’être requalifiée en « non classé » et 17 % en irritant contre 83 % des spécialités classés en nocif non CMR en 1999. « En revanche, le changement de formulation entre 2012 et 2019 n’a pas permis d’améliorer le profil de toxicité des trois produits concernés. » Pour les produits inchangés entre 1999 et 2019, leur profil s’est globalement détérioré en raison de l’augmentation de la sévérité des classements. Sur les 18 produits communs entre 2012 et 2019, la moitié était considérée comme non classés en 2012. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 40 % et deux produits sont maintenant considérés toxiques.
Une situation plus mitigée pour les fongicides
Pour les fongicides, le constat est tout autre. D’un, le nombre de spécialités a peu diminué : une trentaine de produits restent à la disposition des arboriculteurs. De deux, les changements de formulation survenus pour 13 produits entre 1999 et 2012 et 6 entre 2012 et 2019 n’ont pas permis d’améliorer la situation. Au contraire, les profils toxicologiques se sont fortement dégradés, faisant apparaître des produits classés toxiques alors qu’aucun ne l’était en 1999. De plus, les 7 nouveaux produits apparus entre 1999 et 2012 et la disparition de 13 spécialités ont dégradé le profil toxicologique, un tiers était classé nocifs CMR en 2012 alors qu’aucun produit ne l’était en 1999. « En revanche, 40 % des 5 nouveaux produits apparus entre 2012 et 2019 ne sont pas classés alors qu’aucun des 5 retirés sur la même période ne l’était », nuance l’expérimentatrice. L’augmentation de la sévérité de classement a aussi participé à cette dégradation. Sur les 8 spécialités inchangées entre 1999 et 2012, seule une était non classée en 2012 alors qu’elles étaient 4 en 1999. Une était classée nocive CMR en 2012 alors qu’elle ne l’était pas en 1999. Cette tendance s’est accentuée entre 2012 et 2019 : un tiers des 19 produits inchangés entre les deux dates était classé toxique alors qu’un seul l’était en 2012. Les non classés et irritants représentaient presque la moitié des produits en 2012 mais plus qu’un tiers en 2019. « En vingt ans, les outils de protection des vergers ont été bouleversés, conclut l’ingénieure. Beaucoup de spécialités ont disparu, les produits les plus toxiques en 1999 ont été éliminés ou leur formulation a été changée. D’une manière plus générale, l’apparition des produits de biocontrôle, la mise en œuvre de nouvelles pratiques et le développement de modèles informatiques ont permis de rationaliser les stratégies et parfois de diminuer le nombre d’applications. A titre d’exemple, la confusion sexuelle est déployée dans 89 % des vergers de pommiers et de poiriers et dans 70 % des vergers de pêchers. Elle est aussi mise en œuvre en vergers de pruniers, noyers et châtaigniers. » Sur la même période, les menaces sur la filière se sont accrues, notamment avec le changement climatique qui apporte de nouveaux cortèges de maladies et de ravageurs. « Des solutions vont être trouvées mais la filière a besoin d’un temps plus long pour arriver au zéro produit phytosanitaire que la société attend », lance Valérie Gallia.
La mortalité des rats pour évaluer la toxicité des matières actives
La toxicité des matières actives est notamment évaluée au niveau européen par la notion de DL50/rat. Il s’agit de la dose de matière active qui provoque la mortalité de la moitié d’une population de rats. Plus cette dose est élevée, moins la matière active est dangereuse. Cette dose a globalement augmenté entre 1999 et 2019. « Sur cette période, la DL50 moyenne des fongicides est passée de 2 006 mg/kg à 2 754 mg/kg, précise Valérie Gallia. Et pour les insecticides, l’évolution est encore plus nette : en moyenne, 1 067 mg/kg d’insecticides utilisés en arboriculture suffisaient à tuer la moitié des rats en 1999, il en faut aujourd’hui 2 591 mg/kg. »
L’apparition de la notion d’écotoxicité
Sur ces vingt ans d’évolution, la notion d’écotoxicologie est apparue. « Il s’agissait d’étendre la notion de toxicité aux autres organismes vivants que l’humain et notamment d’évaluer l’impact des produits phytosanitaires sur la vie aquatique et les abeilles », indique Valérie Gallia. Cette notion existait pour les matières actives dès 1999. Les spécialités commerciales ont été classées à partir de 2012. Elles ont souvent un meilleur profil que les matières actives qui les composent. La création de la « mention abeille » date, elle, de 2003. « Là aussi l’augmentation de la sévérité de classement a fait passer de nombreux produits de « non classé » à « très toxique » », constate la spécialiste. Et les changements de formulation n’ont pas amélioré les profils. Les deux tiers des 22 insecticides disponibles sont considérés comme très toxiques pour la vie aquatique. 40% sont dangereux pour les abeilles. Néanmoins, les nouvelles homologations sont souvent moins toxiques.