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Les problématiques complexes d’analyses du miel de lavande

Dès 2019 la Coopérative Provence miel a alerté l’Adapi, le Sympas et le SPMF sur des aberrations de résultats d’analyses de « naturalité » des miels de lavandes (présence de sucres exogènes). Grâce à une volonté commune, les organismes de la filière apicole régionale ont organisé la collecte d’échantillons tracés afin de constituer une base de données solide pour un travail conjoint avec les laboratoires.

Retour sur le cadre réglementaire pour la « naturalité » des miels

Basée sur la directive européenne miel 2001/110/CE, la présence de sucres provenant de sources non mellifères, qu’elle ait une origine intentionnelle (ajout volontaire) ou non (résidus de nourrissement), est répréhensible par la loi. Pour confirmer la naturalité d’un miel et donc l’absence de sucres exogènes, de très nombreuses méthodes ont été développées au cours des années. Actuellement, les laboratoires s’appuient sur une combinaison de plusieurs méthodes d’analyses : ratios isotopiques du carbone (IRMS), recherche d’oligosaccharides, HRMS, IRMN, recherche d’enzymes étrangères, recherche de marqueurs spécifiques de certains sirops, etc.

Le cas particulier des analyses par IRMN

L’IRMN est une technique qui permet de relever les composés du miel contenants de l’hydrogène tel que les sucres et ainsi déterminer son profil en termes de composition. L’analyse d’un échantillon est basée sur une évaluation statistique ; le miel ciblé « inconnu » est comparé à un groupe de référence afin de relever les différences entre les empreintes spectrales et ainsi repérer les potentielles adultérations.

Cette technique implique donc la constitution d’une base de données référençant les profils des différents types de miels (appellations florales et origines géographiques) à partir de miels jugés « authentiques ». Il est estimé qu’il faut au moins 500 références par type de miel pour constituer une base de données fiable, sachant que celle-ci doit évoluer en permanence en fonction de la variabilité des profils en fonction des années.

Le cas spécifique du miel de lavande – un taux important de non-conformités avec l’IRMN

Deux années d’analyses IRMN démontrent des incohérences entre les résultats de l’analyse et la pratique des apiculteurs. Un nombre important de lots de miels de lavande sont déclarés non conformes à la législation (49 %), alors que pour un certain nombre d’entre eux la pratique apicole ne semble pas devoir être mise en cause. De plus, d’autres incohérences sont constatées : des miels produits plus tôt dans la saison issus des mêmes ruchers, et donc plus proches des nourrissements sont quant à eux considérés conformes suite aux analyses.

Une mobilisation conjointe des organismes techniques et économiques de la filière régionale appuyée par le syndicalisme

Dès 2021, le Sympas et l’Adapi ont commencé à récolter quelques échantillons de miel de lavande répartis en deux catégories pour être ensuite analysés par plusieurs laboratoires : des miels issus de deux lots d’essaims nourris tardivement et des miels issus de deux lots de colonies de production ayant reçu un seul nourrissement en février. Les résultats démontrent des incohérences au niveau des conclusions des analyses de recherche de sucres exogènes, aussi bien concernant les pratiques apicoles, qu’entre les différents laboratoires.

Ces résultats ont été partagés avec les laboratoires, ce qui a conduit à la mise en place d’un groupe de travail afin d’adapter les bases de données aux spécificités de l’appellation lavande, avec l’appui du SPMF.

L’implication des laboratoires

Grâce à cette mobilisation, début 2023, une révision partielle de la base de données IRMN d’un consortium développant cette technologie, pour le modèle « miel de lavande de Provence », a permis d’abaisser le taux de non-conformités à 13 %. En 2022, la Coopérative Provence miel a collecté près de 80 échantillons de miels de lavandes tracés auxquels se sont rajoutés 30 échantillons issus des expérimentations de l’Adapi sur le nourrissement, dans le but de les soumettre à cette nouvelle base de données.

Mais il existe encore beaucoup d’incohérences dans les résultats et le travail de collecte et d’analyses d’échantillons continue en 2023 afin d’affiner le modèle du miel de lavande.

Avis d’expert - Claudine Guinet du laboratoire d’analyse de Naturalim

Miel de lavande et analyses, une longue histoire !

« Pour utiliser une dénomination florale, le miel doit provenir essentiellement du nectar d’une espèce florale récolté par les abeilles et doit correspondre aux caractéristiques physico-chimiques, polliniques et organoleptiques de l’appellation.

Ces caractéristiques doivent tenir compte des variations induites par les différents environnements de production et par l’abondance relative en nectar, elle-même souvent influencée par les conditions météorologiques.

Des travaux des années 1970 de l’Inra et de l’Itapi (le précédent Institut technique de l’apiculture) ont montré que le miel de lavande a la particularité d’avoir une forte proportion de saccharose, parfois jusqu’à 10 %, surtout si la miellée est forte et courte. C’est pour cela que la législation autorise une teneur maximale de 15 % dans ce type de miel contre 5 % pour la plupart des miels.

Cette teneur naturellement élevée en saccharose doit être prise en compte dans l’interprétation des analyses dites de « naturalité » des miels.

D’autres paramètres sont importants comme l’analyse pollinique. Dans le cas de ce miel, elle ne permet pas, à elle seule de définir son appellation, la fréquence en pollen de lavande ou lavandin est souvent faible voire très faible. C’est pour cela qu’il faut compléter les analyses avec d’autres critères comme le pH (__SWYP_INC__ 3,90), la conductivité (__SWYP_INC__ 350 microsiemens), la couleur (__SWYP_INC__ 4,5 cm pfund) et la présence d’un sucre particulier, l’erlose.

N’oublions pas le paramètre le plus important, l’examen organoleptique : les arômes fruités et floraux, l’odeur de lavande sèche, sa forte sucrosité, son acidité, qui nous rappellent ces champs bleus de lavande typique de la Provence. »

À savoir

Définitions

HRMS : High-Resolution Mass Spectrometry (spectrométrie de masse haute résolution)

IRMN : imagerie à résonance magnétique nucléaire

IRMS : Isotope Ratio Mass Spectrometry (spectrométrie de masse des ratios isotopiques)

SYMPAS : Syndicat des miels de provence et des Alpes du Sud

SPMF : Syndicat des producteurs de miel français

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