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Les méthodes populationnelles pour mieux traiter le varroa

Encagement, retrait ou destruction de couvain… Initialement destinées à sécuriser le traitement hivernal, ces pratiques sont maintenant appliquées en fin de saison.

Leur intérêt est plus divers en les couplant avec le développement du cheptel, et leur mise en œuvre peut s’insérer dans un itinéraire technique. Il nécessite de disposer de bonnes conditions pour préparer les colonies à la mise en hivernage. Cet article présente l’état des connaissances et les travaux en cours pour adapter ces méthodes aux pratiques des apiculteurs.

Qu’est-ce qu’une méthode populationnelle ?

Une méthode populationnelle est un procédé visant à modifier la population d’une colonie, principalement afin de créer une absence artificielle de couvain. Cette pratique a initialement été employée afin d’accélérer la transition des nourrices et renforcer la cohorte des butineuses lors d’une miellée. Afin de provoquer une absence de couvain ponctuelle ou temporaire plusieurs méthodes sont utilisées : principalement la destruction ou le retrait des cadres de couvain selon leur nombre dans la ruche, mais aussi l’encagement de la reine.

L’encagement de la reine en hiver : une pratique pour sécuriser le traitement à l’acide oxalique

Enfermée dans une cagette au cœur du paquet d’abeilles, la reine n’a pas accès aux cadres pour pondre. L’encagement peut être maintenu plusieurs semaines au cours de l’hiver pour mimer un arrêt de ponte et permettre de renouveler les traitements selon les conditions climatiques et la possibilité d’intervenir sur les colonies.

Différents types de cages sont disponibles, des plus simples et économiques (type cage « chinoise ») aux plus « complexes » comme les cages « Scalvini ». La cage doit être disposée sur un cadre de couvain ouvert, le plus jeune possible (stade œuf ou jeunes larves de préférence qui sera le dernier à émerger) et sur le tiers supérieur du cadre à proximité des réserves. Si le coût des cages est variable selon leur type, c’est surtout le temps nécessaire à l’encagement et le risque de suppression de la reine par la colonie qui peut rebuter les apiculteurs. Pourtant, cette pratique est très utilisée de l’autre côté des Alpes par les apiculteurs italiens dont nous pouvons profiter de l’expérience.

Le risque de suppression de la reine a été identifié dès les premières mises en œuvre à grande échelle de l’encagement ponctuel : en l’absence de ponte, les ouvrières peuvent considérer que la reine n’est plus capable d’assurer le renouvellement de leur population et veulent la remplacer. Les cages « Scalvini » permettent à la reine de maintenir sa ponte dans des cellules dessinées au fond de la cage sans que les larves puissent accomplir leur développement. Une fois les cellules nettoyées par les ouvrières, la reine peut à nouveau y pondre.

Les risques d’un encagement de longue durée sont liés à un déplacement de la grappe d’abeilles, qui peut laisser la cage et sa reine hors de la grappe d’abeilles. Pour pallier ce risque, les apiculteurs italiens ont développé la cage « Menna » qui remplace un cadre et permet à la reine de se déplacer vers l’avant ou l’arrière de la ruche pour suivre les déplacements de la grappe d’abeilles.

L’expérience acquise met en évidence un risque accru de perte de reines âgées. Lors de précédents essais réalisés en 2021-2022 (Apinverno), aucune perte n’a été observée après l’encagement hivernal de reines d’un an. De plus, la période optimale d’encagement hivernal est lorsque les colonies sont en décroissance, avec un ralentissement de l’activité de ponte ou un arrêt naturel. Des pertes de reines ont été observées sur des encagements trop précoces en octobre dans des conditions où une miellée permettait aux colonies de se développer. Il faut donc prendre en considération ces deux éléments : âge de la reine et période d’encagement pour réduire le risque de perte, car en hiver, l’absence de mâles ne permet pas un remplacement des reines.

Les méthodes populationnelles appliquées au traitement de fin de saison

Afin de pouvoir employer les traitements à base d’acide oxalique en été, l’interruption artificielle de ponte a été éprouvée en fin de saison apicole. Elle repose essentiellement sur trois approches : l’encagement ponctuel de la reine, la suppression (retrait ou destruction) et la concentration de couvain.

L’encagement ponctuel est effectué pendant 21 à 24 jours afin de couvrir un cycle complet de couvain. La durée moyenne d’un traitement, en considérant le temps d’encagement, de libération des reines et l’application par dégouttement ou sublimation de médicament à base d’acide oxalique, a été établie à respectivement 19 et 23 minutes en moyenne par colonie (Büchler et al., 2020). Cette durée dépend de la population des colonies, de l’expérience de l’apiculteur ainsi que du marquage préalable des reines, qui permet de les retrouver plus facilement au moment de l’encagement. De même, la libération de la reine peut être associée avec son remplacement afin de « rajeunir » la colonie.

La suppression de couvain repose sur le retrait et/ou la destruction de l’ensemble des cadres de couvain. Couplée à l’action d’un traitement visant les varroas phorétiques. Cette méthode permet d’exporter les varroas dans les cadres retirés et de « forcer » la phorésie des varroas restants. La destruction peut être réalisée par un simple grattage lorsque les colonies présentent de faibles quantités de couvain comme à l’issue d’une miellée bloquante. C’est le cas à la sortie des lavandes quand l’apiculteur peut mettre à profit le blocage en corps induit par cette miellée particulière. Il est important de détruire l’ensemble du couvain, même les plus jeunes stades, pour s’assurer d’un état hors couvain permettant de renouveler les traitements à quelques jours d’intervalle.

Aujourd’hui, des essais sont mis en place pour évaluer l’intérêt d’hiverner les colonies en conditions strictes pour provoquer l’arrêt de ponte ou, au mieux, une réduction drastique des quantités de couvain. Un hivernage en altitude « partiel » jusqu’à mi-décembre est une bonne solution. Le couvain résiduel peut ainsi être rapidement détruit à la faveur de conditions favorables à la manipulation des colonies et préalablement à l’application d’un traitement d’hiver. Une transhumance mi-décembre ou début janvier dans des zones plus chaudes permettra ensuite un redémarrage précoce.

Le retrait de couvain peut se décliner dans sa mise en œuvre, mais aussi dans sa finalité : en cas de forte infestation, le couvain retiré sera détruit par congélation ou combustion selon l’état des cadres ; dans le cas contraire, il peut être valorisé pour constituer des essaims ou renforcer des colonies après avoir estimé son niveau de parasitisme.

Les conditions de reprise pour préparer les colonies à hiverner

En créant une absence de couvain en fin de saison, le revers de la médaille est de provoquer une dépression de la population d’abeilles à une période où la colonie prépare ses abeilles d’hiver et peaufine ses réserves. La résilience naturelle des colonies d’abeilles permet de réduire ce risque, ainsi de nombreux témoignages d’apiculteurs font état d’une reprise dynamique de la ponte à la libération de la reine avec pour résultat un couvain plus sain et homogène. Encore faut-il pour cela que les colonies bénéficient de conditions favorables (floraisons de fin d’été nectarifères et pollinifères) alors que se profile un risque d’immobilisation des butineuses avec une pression frelon due aux Vespa velutina parfois très sévère, comme cela a été témoigné par les apiculteurs pour de nombreux ruchers en fin d’été 2023.

Mettre en œuvre des méthodes populationnelles : est-ce que cela en vaut vraiment le coût ?

Pour répondre à cela, l’Itsap-Institut de l’abeille a obtenu un financement Casdar « démultiplication » pour le projet Fall’Var mis en œuvre par l’ADA Nouvelle-Aquitaine, l’ADA Occitanie, l’ADA provençale, l’ADA Aura, l’ADA Bourgogne-Franche-Comté, l’ADA Grand Est et en partenariat avec la SNGTV. L’objectif de Fall’Var est de comprendre les conditions permettant d’intégrer les méthodes populationnelles dans un itinéraire technique et établir leur bilan technico-économique. Ce projet a débuté en janvier 2024 et permettra d’acquérir des références au cours de deux saisons de production ainsi que de transférer ces méthodes aux apiculteurs par la démonstration des différentes pratiques.

L’influence du changement climatique

Sous l’influence du changement climatique, les périodes hors couvain en hiver sont de plus en plus courtes, lorsqu’elles subsistent. Il est difficile d’identifier un moment où toutes les colonies sont hors couvain en même temps pour appliquer un traitement à l’ensemble d’un rucher. Le type d’abeille élevé, dont certaines lignées sont sélectionnées pour obtenir des colonies populeuses, participe aussi au phénomène. Or même dans un petit résidu de couvain operculé plusieurs centaines de varroas peuvent subsister. Ils sont alors hors d’atteinte d’une application d’acide oxalique dont l’effet n’est pas rémanent sous les formes de médicament disponibles, c’est-à-dire appliqué par dégouttement ou par sublimation. Les expérimentations réalisées par le réseau des ADA montrent, s’il fallait encore le prouver, que l’emploi d’acide oxalique en présence de couvain operculé réduit l’efficacité du traitement.

« Queen ringing » : de nouvelles méthodes populationnelles toujours en développement

Afin de permettre le déplacement de la reine avec la grappe d’abeilles pendant tout l’hiver, une nouvelle technique consistant à baguer la reine a été éprouvée en Chine. Ainsi, la pose d’un anneau autour de l’abdomen de la reine prévient efficacement la ponte sans gêner la reine dans ses déplacements. Cette technique a été comparée à l’encagement pour induire un arrêt de ponte en été et appliquer un traitement à base d’acide oxalique avec des développements de colonies similaire, mais il y a un risque accentué lié à la manipulation des reines et à l’effet de l’anneau (Uzunov et al., 2024).

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Rédaction Réussir

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