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L'eau peut contaminer la gelée royale

La contamination de la gelée royale par des pesticides, via le pollen et le sirop, a été démontrée. De nouvelles preuves pointent l'eau comme un autre facteur d'exposition.

Dotée de propriétés nutritionnelles bénéfiques à la santé, la gelée royale entre dans la composition de divers compléments alimentaires censés renforcer nos défenses naturelles, lutter contre le vieillissement ou améliorer nos facultés de mémorisation (Guo et al., 2021). Mais elle n'est pas vierge de toute pollution. Ainsi, des résidus de pesticides, dont des herbicides (Martínez-Domínguez et al., 2016), ou encore l’insecticide néonicotinoïde thiamethoxam (Giroud et al., 2019) ont été retrouvés dans de la gelée royale commercialisée.

Le système glandulaire ne filtre pas

La gelée royale est produite par les glandes hypopharyngiennes et mandibulaires des jeunes ouvrières qui puisent dans leur hémolymphe les nutriments nécessaires à sa fabrication. On pourrait penser que le système glandulaire de l’abeille agit comme un filtre épurant la gelée des polluants environnementaux contenus dans les ressources florales. Or, il n’en est rien. En condition expérimentale, avec du pollen ou du sirop artificiellement contaminés, les résultats confirment que divers polluants peuvent être transférés à la gelée royale. Une récente synthèse des travaux sur la contamination de la gelée royale (Wueppenhorst et al., 2022) rapporte la présence de 30 pesticides sur les 176 recherchés. Même si la majorité de ces observations faisait suite à l’ingestion de pollen ou de sirop artificiellement contaminés, ces résultats confirment que divers polluants peuvent être transférés à la gelée royale à partir d’aliments contaminés. Le taux de transfert reste cependant faible, dans la plupart des cas inférieur à 1%. Il dépend de la nature des molécules et des niveaux initiaux de contamination.

L’eau, une autre source de contamination de la gelée royale

Étonnamment, alors que la gelée royale est composée de près de 60 % d’eau, le transfert de contaminants entre l’eau collectée par les butineuses et la gelée n’a jamais été étudié. Aussi, nous avons réalisé une étude sous tunnel en contraignant les abeilles à collecter de l’eau contaminée soit par l’insecticide fénoxycarbe, un régulateur de croissance des insectes, soit par l’herbicide glyphosate, l’un des polluants le plus souvent retrouvés dans l’eau des rivières françaises (Carles et al., 2019). Un dispositif comparable à celui utilisé par les éleveurs de reines (starters orphelins avec introduction de 2 barrettes de 15 cupules pourvues de jeunes larves greffées) a permis de réaliser des prélèvements de gelée royale. Pour chaque pesticide, un gradient de contamination a été testé.

Les analyses de gelée révèlent qu’une consommation d’eau contenant environ 1 200 µg/l de fénoxycarbe conduit à une contamination de la gelée de l’ordre de 5 à 10 µg/kg. Des résultats similaires sont observés avec le glyphosate. La collecte d’une eau contenant 250 µg/l de glyphosate, une concentration proche des teneurs maximales relevées dans les cours d’eau français, se traduit par une teneur de 15 µg/kg dans la gelée.

Effet sur les larves et sur la reine

La gelée, qu’elle soit royale ou d’ouvrière, joue un rôle crucial dans la vie d’une colonie d’abeilles. La reine toute sa vie durant sera nourrie de gelée royale, tandis que chaque ouvrière aura consommé de la gelée d’ouvrière. Aussi la présence de résidus de pesticides dans la gelée pourrait non seulement induire des effets sublétaux sur les larves mais également impacter la viabilité et les performances de la reine. Il est donc primordial que l’apiculteur s’assure que ses abeilles disposent en quantité suffisante d’une eau vierge de polluants. Le meilleur moyen pour cela restant la mise à disposition sur le rucher d’un abreuvoir permettant l’accès à une eau propre et en toute sécurité.

Gelée royale ou gelée d’ouvrière

La gelée royale, produite par les abeilles nourrices, est l’alimentation des larves des futures reines mais aussi de la reine durant toute sa vie. Jusqu’à récemment, il était admis que les larves d’ouvrières étaient nourries avec cette même gelée royale les trois premiers jours de leur vie. De récents travaux (Wang et al., 2016) ont montré que ce n’était pas le cas, les larves d’ouvrières sont nourries avec une gelée qui, malgré une composition très proche de la gelée royale, présente des particularités. Par rapport à la gelée royale, cette gelée dite d’ouvrière contient plus d’eau (en moyenne 73 % contre 58 % pour la gelée royale) et quatre fois moins de sucres.

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