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« Apprends-moi à danser »

La danse des abeilles est un comportement animal des plus fascinants ! Rien n’illustre mieux l’organisation sociale d’une colonie que cette communication qui oriente un butinage collectif sur une même ressource.

« Apprends-moi à danser »

La richesse des informations transmises lors de cette danse en forme de 8 suscite toujours l’admiration : direction, distance et abondance des ressources sont autant d’informations encodées dans cette danse dite « frétillante ». Mais quelle est la part d’inné et celle d’acquis dans la maîtrise de cette danse ? Une étude récemment parue dans Science a voulu le déterminer.

Une expérimentation astucieuse

Les scientifiques ont observé les danses dans des colonies constituées uniquement de jeunes ouvrières privées de butineuses expérimentées. Ils les ont comparées aux danses dans des colonies classiques, avec plusieurs générations d’ouvrières. Cela a permis de mesurer l’influence du contact entre les jeunes ouvrières et les plus âgées sur la précision des danses exécutées.

Les abeilles douées de culture !

Les ouvrières sans contact avec des butineuses plus âgées commençaient leur « carrière » de danseuse en commettant plus d’erreurs, tant sur la direction de la ressource, que sur sa distance à la ruche. Avec l’âge et l’expérience, elles parvenaient à réduire ces erreurs, sauf pour la distance qui restait souvent surestimée.

Cet apprentissage peut être considéré comme une forme de transmission culturelle entre plusieurs générations. Si les ouvrières naissent en capacité de réaliser cette communication dansée, elles bénéficient de l’expérience de leurs aînées pour optimiser leurs danses.

Entretien avec Mathieu Lihoreau, chercheur au Centre de cognition animale (CNRS, Toulouse)

De récentes publications abordent le sujet de la transmission de comportements complexes entre abeilles. En quoi ces nouvelles études modifient nos connaissances de ces insectes ?

Mathieu Lihoreau - L’apprentissage et la mémorisation des couleurs, des formes et des odeurs sont essentiels aux abeilles pour reconnaître les fleurs et s’orienter. Ce que l’on ignorait il y a encore peu, c’est la capacité de ces insectes à apprendre en s’observant les uns les autres, comme nous le faisons tous les jours entre nous.

Ainsi des bourdons sont capables d’apprendre des nouvelles techniques de butinage par observation. En laboratoire, les bourdons sont capables de tirer des cordes ou pousser des balles pour obtenir une récompense. Ils ont appris ces comportements en regardant faire d’autres bourdons. Et parfois, ces informations se transmettent de génération en génération.

Ces phénomènes culturels ne se produisent pas qu’en laboratoire. Il arrive souvent que des bourdons percent des trous à la base des fleurs pour récolter le nectar. Cette technique peut alors se répandre dans la population par simple observation. Les abeilles domestiques, et certaines autres espèces sauvages, peuvent aussi copier les bourdons en utilisant les trous percés pour butiner à leur tour. La culture se transmet donc entre les espèces d’insectes. On était loin de le soupçonner il y a encore quelques années…

Quelles questions restent à approfondir dans les laboratoires ?

M. L. - Si on commence à avoir une vision précise de la richesse des capacités d’apprentissage des abeilles, il est aujourd’hui difficile de dire avec certitude ce dont les abeilles ne sont pas capables. Les chercheurs s’attaquent désormais aux concepts de plus en plus complexes : les abeilles ont-elles des émotions ? Une conscience ? Ressentent-elles la douleur ? Répondre à ces questions est un véritable défi pour la recherche en biologie, avec des conséquences au niveau éthique, philosophique et politique.

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