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Sécheresse : « Les agriculteurs ont besoin urgemment de moyens financiers ! »

Joël Limouzin, président de la commission gestion des risques de la FNSEA.

Joël Limouzin, président de la commission gestion des risques de la FNSEA.
Joël Limouzin, président de la commission gestion des risques de la FNSEA.
© Actuagri

Depuis déjà plusieurs années des agriculteurs de toute la France sont durement touchées par des phénomènes climatiques. Comme l’an passé sécheresse et canicule mettent les agriculteurs à rude épreuve. Pour faire face à ces événements Joël Limouzin, président de la commission gestion des risques de la FNSEA, appelle à un meilleur accompagnement par le gouvernement. Il souligne aussi qu’il existe des dispositifs assurantiels qu’il souhaite rendre plus incitatifs. Pour inciter un plus grand nombre d’agriculteur à s’assurer, Joel Limouzin, appelle à rendre les assurances plus attractives.

Comment les agriculteurs sont-ils impactés par le contexte climatique actuel ?
Depuis plusieurs années, on constate que le contexte climatique a changé. Les intempéries de fortes intensités, gel, inondation, grêle, etc. sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. La sécheresse actuelle est catastrophique pour l’agriculture française. Les prairies sont devenues des paillassons, les éleveurs doivent donc puiser dans leurs stocks de fourrage pour nourrir leurs animaux. On fait face au même scénario que l’an passé, avec une ampleur qui semble plus importante car il y a plus de départements touchés. Les cultures non irriguées sont en train de sécher et certains agriculteurs font récolter plutôt pour sauver ce qui peut encore l’être. Les maïs irrigués ne sont pas épargnés, avec une évapotranspiration de 10 mm par jour. Les besoins sont très importants et on risque d’observer d’importantes chutes de rendements. Je prédis même que les assurances récoltes vont fonctionner pour des cultures irriguées. Ce qui est entrain de se passer n’est vraiment pas brillant et la canicule amplifie cette pénurie en eau.

Le Gouvernement prend-il les mesures nécessaires ?
Nous entendons l’annonce du ministre de l’Agriculture sur l’avance de trésoreries des aides PAC qui passera en octobre de 50 à 70 % mais il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’argent supplémentaire, il n’y a pas 1 milliard mis sur la table, c’est de l’argent de la PAC. Nous regrettons que certains départements soient exclus de cette mesure, il n’est pas sérieux de faire des différence. De plus, cela ne règle pas le problème de la sécheresse, les agriculteurs ont besoin urgemment de moyens financiers pour acheter du fourrage. Les réseaux JA et FNSEA ont mis en place depuis mai des mises en relation entre départements pour l’achat de paille et de fourrage. En Vendée, dans mon département, la FDSEA a contractualisé 4 100 tonnes de paille négociées localement.

De quels outils disposent les agriculteurs pour se prémunir des risques ?
Pour prendre les choses dans l’ordre il faut commencer par faire de la prévention, en faisant, de la sécurisation en matière d’eau en ayant la possibilité de la stocker. La sécheresse de 2018 a éveillé les consciences sur ce sujet. Il faut aussi pouvoir gérer les excès d’eau en ayant une politique de drainage. Il faut donc avoir une politique d’investissement ambitieuse pour apporter de la résilience aux exploitations mais il faut aussi pouvoir s’assurer correctement.

Comment l’agriculteur peut-il s’assurer ?
Pour faire face à ces événements, nous avons à notre disposition le fonds des calamités agricoles, qui existe depuis plus de 40 ans. Il s’agissait à la base d’une bonne idée qui se base sur la contribution des agriculteurs afin d’activer des fonds publics afin de faire face aux calamités. Il fonctionnait bien quand les exploitations françaises étaient plus homogènes car pour en bénéficier il faut perdre cumulativement 30 % de production physique par rapport à la production annuelle et 13 % par rapport au produit brut théorique de l’exploitation. Ces dernières années, avec l’évolution des exploitations, qui grossissent, opèrent des investissements lourds, mais aussi avec la violence accrue des événements climatiques on réalise que ce fonds n’est plus adapté. Je ne dis pas qu’il faut le supprimer, il est essentiel pour préserver le principe de mutualisation. Ce fonds n’est pas le seul à accompagner les agriculteurs en cas de pertes de récoltes, il y a aussi le système assurantiel qui a fait ses preuves pour ceux qui l’ont sollicité, notamment dans le secteur des grandes cultures et de la viticulture. Dans ces filières, le taux de pénétration est d’environ 30 % avec un principe de cotisation qui est adapté par rapport au système de couverture. Le contrat socle mis en place depuis 3 ans, permet aujourd’hui d’avoir une offre plus compétitive pour l’assurance multirisque climatique.

Comment inciter les agriculteurs à s’assurer ?
L’urgence selon moi est de communiquer sur les assurances pour en expliquer l’intérêt. L’assurance climatique doit se réfléchir comme cela est fait avec l’assurance pour les bâtiments et non comme un investissement, avec ce genre de raisonnement on n’avance pas. Il ne viendrait pas à l’idée aux agriculteurs de ne pas s’assurer contre l’incendie avec les sinistres climatiques il faut réfléchir de la même manière. Il faut aussi rendre ces assurances plus accessibles. En arboriculture, où le taux de pénétration est de moins de 5 % le montant de la cotisation est trop prohibitif. J’attends des assureurs un vrai travail de transparence dans l’affichage des tarifs. La commission « gestion des risques » de la FNSEA propose donc de conditionner certaines aides à la prise d’une assurance climatique. Nous sommes favorables à ce dispositif, notamment pour les jeunes agriculteurs qui sont les plus vulnérables.

Quels sont les autres freins à l’assurance ?
Le seuil de déclenchement à 30 % est aussi rédhibitoire pour certains exploitants. Pourtant, le règlement européen « Omnibus » permet de baisser ce seuil à 20 %. La France n’a pas encore décidé d’appliquer cette mesure qui pourrait pourtant donner une impulsion au développement de l’assurance. Il faut aussi doter la nouvelle PAC d’une réelle politique de gestion des risques qu’ils soient économiques, climatiques ou sanitaires. Sur ce dernier point, à la FNSEA nous avons pris nos responsabilités en créant le FMSE comme la réglementation européenne nous le permettait.

La semaine dernière le Gouvernement a présenté sa feuille de route pour la rénovation des outils de gestion des risques, qu’en avez-vous retenu ?
Le 19 juillet, le ministère nous a en effet présenté son ambition pour le futur de la gestion des risques. Un calendrier et une feuille de route ont été fixés. Une courrier devrait être adressé à l’ensemble des organisations agricoles d’ici fin juillet afin que nous puissions adresser nos contributions au mois de septembre. Cela devrait permettre d’aboutir à une feuille de route précise d’ici la fin de l’année et à des décisions législatives et réglementaires. Le Gouvernement a tenu à distinguer le débat sur la future PAC et les décisions de court terme qui se prennent au niveau nationale. Il pose le débat à plusieurs niveau. Le premier est celui de la prévention, et là on ne peut être que d’accord. Toutefois il ne souhaite pas revenir sur la question du stockage de l’eau. Il estime qu’elle a été traitée durant les assises de l’eau. Selon moi, les mesures annoncée manquent d’ambition sur ce sujet ! Le ministère évoque aussi le principe de mutualisation en questionnant l’avenir du fond de calamité. Le ministère inclut aussi dans ses réflexions les assurances privées qui manquent d’attractivité et qu’il faudrait moderniser. Concernant les fonds publics, le Gouvernement ne semble pas exclure l’application de règlement Omnibus.

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