Pour que le roi des forêts ne vacille pas
Essence emblématique des massifs forestiers d’Auvergne-Rhône-Alpes, de l’Est, de Bourgogne, d’Occitanie… le sapin pectiné souffre d’un déficit de valorisation tandis que comme son cousin l’épicéa, les sécheresses répétées l’ont beaucoup affecté.
La fédération du bois Auvergne-Rhône-Alpes (Fibois) dresse régulièrement un état des lieux du potentiel sylvicole régional et bien au-delà. Dans ce cadre, elle a organisé dernièrement, à Clermont-Ferrand, avec ses confrères des régions Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et Occitanie, un colloque sur le sapin pectiné, appelé aussi sapin blanc. Moins connu que l’épicéa, ce résineux est pourtant la seconde essence la plus présente dans les forêts françaises. Abondant, le sapin pectiné peine pourtant à trouver un marché, en raison du vieillissement des gros arbres et de leur qualité jugée moindre par les acteurs de la transformation. Les opérateurs de l’aval de la filière privilégient en effet actuellement l’épicéa et le douglas dont les récoltes sont en forte expansion. « La sylviculture du sapin historiquement en futaie jardinée, généralement en mélange avec d’autres essences, avait l’avantage de permettre une régénération naturelle et un revenu réparti dans les décennies au gré des coupes successives d’arbres matures utilisées surtout en charpente traditionnelle. Aujourd’hui, force est de constater qu’une partie de ces sapinières s’est régularisée vers des arbres de gros et très gros diamètres, vieillissants notamment du fait du morcellement et de la succession des propriétés privées, ainsi que d’une récolte insuffisante », explique Jean Gilbert, président de Fibois Auvergne-Rhône-Alpes.
Des pistes de valorisation
Aujourd’hui, l’enjeu est donc de redonner de l’attractivité à ce roi des forêts. À l’issue d’une étude de marché conduite au printemps par l’interprofession, des préconisations ont été établies parmi lesquelles : mieux valoriser la bonne résistance mécanique de cette essence, améliorer le processus du séchage (un des gros points noirs du sapin), ou encore se positionner davantage sur le marché des bois secs raboté non structurels, comprenez, les menuiseries intérieures, les plinthes et lambris où sa teinte claire correspond à la mode du moment. Équivalent à celui de la charpente au total, ce marché représente un volume de plus en plus important (voir graphique). Pour autant, dire que le sapin pectiné bénéficie d’une voie royale serait exagéré.
Secoué par le changement climatique
En effet, au-delà des problématiques structurelles de valorisation, le résineux accuse le coup après deux sécheresses successives et des canicules particulièrement violentes, qui ont, par ailleurs, favorisé l’apparition de maladies, scolytes en tête. Au niveau de la grande région, plusieurs sapinières sont clairement en crise : dans l’Ain, sur la zone du Bugey, dans la Loire et le Rhône, sur la zone du Beaujolais, dans le Cantal sur la châtaigneraie, dans le Puy-de-Dôme côté Artense et chaîne des Puys et la Haute-Loire, côté brivadois. Ce qui inquiètent les spécialistes du pôle régional santé des forêts, ce sont les brûlures de sapins constatés y compris à 1 000 mètres d’altitude. « Le sapin a beau être le peuplement le plus résilient, on a du mal à imaginer que certains parviendront à renaître », analyse le responsable régional du pôle santé des forêts. Sans avancer de solutions miracles, les forestiers tracent ce qui pourraient être les itinéraires sylvicoles de demain : instaurer plus d’hétérogénéité dans les espèces, et exploiter la ressource tant qu’il est temps.