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Maires du Cantal : "La préoccupation majeure, c’est la rupture du lien social"

Président de l’association des maires du Cantal, Christian Montin redoute davantage les effets psychologiques liés à la disparition de la vie sociale que l’impact sanitaire de la pandémie.

Christian Montin : "Le moral des élus, comme de la population en général, se dégrade quand même de manière sensible."
Christian Montin : "Le moral des élus, comme de la population en général, se dégrade quand même de manière sensible."
© RSA

C’est un début de mandat singulier pour les équipes municipales dont les dernières ont été installées cet été entre deux confinements avec une actualité phagocytée par la crise sanitaire. Quel est aujourd’hui le moral, l’état d’esprit des maires du Cantal ?
Christian Montin, maire de Marcolès et président de l’association des maires du Cantal (AMF 15) : "Globalement, le moral des élus, comme de la population en général, se dégrade quand même de manière sensible. Ce qui me frappe, c’est la disparition quasi complète de la vie associative dans nos communes, il ne se passe plus rien et j’ai peur que ça ne redémarre que très difficilement et qu’on paie le prix fort de tout ça..
Du coup, l’isolement continue à augmenter, des gens qui étaient actifs dans des associations ne peuvent plus sortir, je pense aux aînés mais pas que, c’est vrai aussi pour les comités d’animation, les visites du village comme à Marcolès... C’est compliqué aujourd’hui d’animer la vie d’une commune. On a l’impression que la seule préoccupation, c’est cette bestiole alors que je n’ai pas le sentiment d’une menace sanitaire avérée sur notre territoire. Je ne dis pas que le virus n’est pas là, que certains n’en ont pas souffert ou n’en souffrent pas mais je ressens beaucoup plus la menace de la déprime. Je crois qu’il pourrait se faire des choses ici, dans nos communes, sans qu’on menace la sécurité sanitaire."
Les maires de nos territoires font-ils état d’une précarité et paupérisation accrues parmi leurs
administrés ?
C. M. : "D’une manière raisonnable, rationnelle, je me dis qu’on va connaître de telles situations mais  aujourd’hui, ce n’est pas notre inquiétude majeure sur nos petites communes rurales. Encore une fois, la préoccupation majeure pour moi c’est plus la rupture du lien social, le repli sur soi, une espèce de déprime générale qui s’abat sur le pays."

Pour lutter contre la pandémie et faciliter la vaccination, certains élus - dont vous êtes - militent pour que l’échelon communal soit associé à cette campagne de vaccination(1) aux allures de course contre-la-montre. Êtes-vous entendus ?
C. M. : "Depuis le début de cette crise, l’AMF et les maires du Cantal ont été actifs pour aider, accompagner, mettre en œuvre tout un tas de mesures : les protocoles dans les écoles, la distribution des masques, l’ouverture de la pêche... Notre dernier engagement à l’AMF15, c’est une newsletter qu’on a envoyée à toutes les collectivités en demandant aux maires et aux CCAS (centre communal d’action sociale) d’être au service des personnes isolées ou qui n’ont pas d’autres moyens pour aller se faire vacciner que la solidarité locale. Ce qu’on demande aux maires, c’est de recenser toutes les personnes de plus de 75 ans qui sont vaccinables, de leur demander si elles ont besoin d’un coup de main pour prendre rendez-vous, ou éventuellement pour aller jusqu’au centre de vaccination. C’est quelque chose qui est en cours, c’est parti. Dans toutes les communes, ça réagit beaucoup à cette demande. Et on a effectivement des concitoyens qui nous disent qu’ils veulent bien se faire vacciner, mais qu’ils ne savent pas faire par Doctolib, qu’ils ne peuvent pas se déplacer...
On observe aussi ce qui se passe sur les communes et on va faire remonter très fortement une remarque auprès de la préfecture et de l’ARS : si on ne met pas en place un dispositif de vaccination à domicile, un certain nombre de gens vont passer à côté. On pourra toujours dire que ce sont des gens qui, du fait qu’ils sont seuls, sont moins en danger, mais c’est quand même une discrimination insupportable. Aussi je pense qu’il faut imaginer très vite que les médecins, infirmières, puissent effectuer cette vaccination à domicile pour ceux qui ont une vraie raison de le demander."

Sentez-vous la population cantalienne favorable à la vaccination ?
C. M. : "Oui, plus ça va, plus la population l’est. S’agissant des plus de 75 ans, il n’y pas d’hostilité vis-à-vis de la vaccination ou peu, c’est plus une difficulté matérielle à aller vers les centres."

Les collectivités locales(2) ont-elles retrouvé un fonctionnement normal ?
C. M. : "Oui, on réunit nos instances, avec les précautions d’usage. Les écoles, fort heureusement, fonctionnent, même le dernier protocole ne nous a pas abattus... Les agents travaillent. La vie interne des collectivités me paraît aujourd’hui beaucoup plus résistante qu’elle ne l’a été au printemps."

Avec des inquiétudes néanmoins sur l’impact financier de la crise sur leur budget ?
C. M. : "Il va y avoir des conséquences économiques pour nos collectivités, c’est une évidence. Avec, par exemple, la question des loyers d’entreprises qui ne peuvent plus travailler - comme les restaurants - et qui occupent des locaux dont la mairie est propriétaire-bailleur. Je ne sais pas comment on va faire. Il va aussi y avoir un impact, notamment au niveau des communautés de communes, sur des recettes fiscales, sur les impôts économiques en n+1, n+2. Il y a également des dépenses supplémentaires liées aux protocoles, aux consignes sanitaires données : je pense notamment aux heures supplémentaires pour les personnels des écoles, voire parfois des embauches nécessaires pour tenir les protocoles de désinfection, multiplier les services à la cantine... Ça ne sera pas neutre dans les budgets communaux."

Vos collègues font-ils remonter d’autres préoccupations ?
C. M. : "La préoccupation des élus aujourd’hui, c’est celle de l’avenir. Gouverner, c’est prévoir. La majorité de notre action consiste à prévoir, proposer des travaux, des chantiers, des aménagements, à accompagner la vie associative, proposer des activités culturelles, organiser l’accueil de touristes, penser à des projets. Aujourd’hui, on n’a pas de lisibilité sur le futur. Du coup, ça va se ressentir aussi demain sur les chantiers, la commande publique... et donc sur la vie économique, de l’artisanat, la vie quotidienne de nos concitoyens."

Plus que jamais sans doute dans cette crise, la cellule de proximité que représente la commune - les fameuses "sentinelles de la République" - a montré sa pertinence et pourrait en sortir renforcée...
C. M. : "On voit à travers cette période de crise tout l’intérêt de ce réseau d’élus locaux, de bénévoles de CCAS par exemple. Ça montre encore plus la nécessité de ce tissu de proximité, l’importance des communes, même des petites. C’est là qu’on s’aperçoit qu’il y a un rôle à jouer, que c’est utile, que les communes, les élus, restent quand même un pilier, un point d’appui, des relais pour les populations, mais aussi pour les décideurs nationaux, départementaux. Avec un œil toujours sur les plus fragiles, les plus isolés, les plus démunis. C’est un constat positif sur le bienfondé de notre organisation territoriale. Ça montre sa raison d’être et aussi sa raison de travailler en partenariat. Le rôle des communautés de communes est aussi intéressant dans de ce
dispositif.
Pour finir sur une note optimiste, je pense qu’il faut résolument tout faire pour réussir la campagne de vaccination parce qu’à mon sens, c’est la seule solution pour une issue durable. Là, il y a des raisons d’espérer, je ne sais pas à quelle échéance mais on y arrivera. J’ai confiance dans le monde scientifique et le développement de toutes ces techniques qui, au cours de l’histoire de l’humanité, ont montré leur efficacité."

(1) Christian Montin a signé début janvier,  comme 1 500 élus de la région Auvergne-Rhône-Alpes,  une lettre ouverte au président Macron  réclamant de "confier aux Régions avec les Départements et les communes, le soin de mettre en œuvre la politique de vaccination de façon décentralisée".  
(2) On recense dans le Cantal 246 communes et 9 EPCI.

 

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