“L’impact des aléas climatiques serait moindre avec des prix à la hauteur”
Dossier Safer, fonds calamités, conjoncture laitière et bovine, loup...: la FDSEA aborde la nouvelle année avec des ambitions fortes pour l’agriculture cantalienne.
Vous avez de nouveau manifesté la semaine dernière contre la Safer Aura. Chacun campe sur ses positions...
Joël Piganiol : “Cette situation de blocage perdure dans la mesure où la Safer régionale refuse notre demande de réhabiliter le président du comité technique départemental, Pierre Cusset, injustement mis à pied. Cette requête est d’autant plus légitime qu’il est aujourd’hui clairement établi qu’il n’y a aucun élément de fond justifiant ce que ce dernier a subi. On a à faire à un problème de personnes, à du délit de faciès à l’encontre de Pierre Cusset de la part du directeur de la Safer Aura, Pierre Marnay.”
Existe-t-il aujourd’hui une porte de sortie à ce conflit ?
J. P. : “Nous avons engagé des discussions en fin d’année pour sortir politiquement de cette situation avec l’intervention du président national de la Safer qui n’a pu aboutir, lui comme nous ayant été confrontés à un refus de l’instance régionale de la solution avancée. Le nœud du problème réside pour nous aujourd’hui en la personne de Pierre Marnay, dont nous demandons le départ immédiat, sans préavis. Son parcours professionnel au sein de la Safer, que ce soit précédemment en région Centre ou depuis sa prise de poste à la direction de la Safer Aura, se caractérise par des méthodes affairistes dont l’objectif est de dégager le maximum de bénéfices. Et toute entrave à cette ambition commerciale - comme des préemptions avec révision de prix - est bridée. Malheureusement pour lui, et heureusement pour la profession agricole, il y a encore des responsables professionnels qui n’acceptent pas cette dérive, Pierre Cusset est de ceux-là. Ce dossier, qui créé énormément de tensions sur le département et au-delà à l’échelle régionale, n’est pas un sujet de confrontation entre syndicats agricoles - pour preuve, le soutien marqué apporté par la Confédération paysanne -, il s’agit bien d’un problème de respect de la profession agricole cantalienne dans l’ensemble de ses composantes. Un respect qui n’est plus d’actualité à la Safer Aura.”
L’examen du dossier calamités sécheresse par le comité national (CNGRA) le 18 décembre devrait se traduire par 15,6 M€ d’indemnisations pour les agriculteurs cantaliens. C’est moins qu’espéré ?
J. P. : “Nous regrettons effectivement une prise en compte erronée de la situation par le CNGRA puisque les taux de perte évalués par l’administration départementale ont été revus à la baisse, ce qui a entraîné l’exclusion du Sud-Châtaigneraie, que nous contestons vivement. Néanmoins, le travail conduit par la FDSEA et les Jeunes agriculteurs va permettre d’accompagner la quasi totalité des agriculteurs via le soutien financier du fonds calamités, l’aide de la Région et le dégrèvement de la TFNB (taxe sur le foncier non bâti), auxquels pourrait s’ajouter une prise en charge par la MSA des cotisations sociales. Tout cumulé, cela représente plus de 23 M€ d’aide pour l’agriculture du Cantal sachant que le Conseil départemental a également été sollicité et il devrait apporter, sur les mêmes bases que pour la sécheresse 2018, un geste d’accompagnement aux exploitants. Nous réclamons de plus à l’État d’abaisser le seuil d’éligibilité des dossiers calamités à 11 % par mesure d’équité par rapport à 2018. Nous savons aussi pertinemment que ces mesures ne couvriront pas la totalité des pertes subies et qu’un certain nombre d’agriculteurs sont en grande difficulté avec des stocks fourragers insuffisants pour couvrir les besoins hivernaux et une situation financière extrêmement dégradée. Nous demandons donc à l’État d’activer immédiatement la cellule d’urgence pour identifier et traiter ces situations en lien avec les organisations agricoles.”
La loi Égalim ne semble toujours pas synonyme de revalorisation des prix à la production et des revenus agricoles...
J. P. : “Une chose est sûre, l’impact des aléas climatiques à répétition serait atténué avec des prix au-delà des coûts de production. Aujourd’hui, nous assistons à une situation contrastée selon les filières. Après plusieurs années compliquées, les producteurs de porcs vivent une conjoncture favorable dont on espère qu’elle va se poursuivre, malgré la menace sanitaire de la peste porcine africaine.Situation positive également pour les filières laitières AOP avec un indicateur à 385 €/t et un prix du lait enfin différencié qui commence à porter ses fruits et donc à amener un vrai retour aux producteurs. Mais notre ambition est d’aller au-delà et nous souhaitons engager en 2020, avec les entreprises, un travail sur la gestion des volumes permettant de tenir les prix en sortie filière. Nous allons organiser en ce sens des rencontres avec les entreprises des filières AOP. Pour le lait conventionnel, si les + 10 €/1 000 l sur le prix sont un signal positif, il est loin d’être à la hauteur des besoins des producteurs (cf. 396 € de coût de production validé par l’interprofession) et d’être un élément suffisant de motivation pour eux et pour la jeune génération, surtout avec des petits veaux payés une bouchée de pain. Nous soutenons donc le travail de la FNPL(1) pour avoir un plein effet des États généraux (EGA).”
Le tableau est plus sombre pour la viande bovine...
J. P. : “Oui, avec un prix du maigre qui s’est dégradé au-delà de la baisse saisonnière automnale alors que les perspectives à l’export sont bien là. Les tendances sur la viande finie ne sont pas bonnes non plus et, là aussi, pas à la hauteur des coûts de production. C’est une situation d’autant plus incompréhensible que le cheptel a fondu de 200 000 têtes, que les opportunités à l’export sont réelles, que des engagements interprofessionnels ont été pris sur la montée en gamme... Parallèlement au travail de fond engagé par la FNB(2) en faveur d’un redressement de la situation, nous allons réunir les opérateurs locaux le 31 janvier pour travailler sur les labels, décliné un plan d’action et repartir en marche avant. Je n’oublie pas les éleveurs d’ovins : si les cours continuent de se redresser, la première préoccupation des moutonniers est de pérenniser leurs exploitations face au loup. Nous réitérons notre soutien à ces éleveurs, vecteurs de pastoralisme et actuellement en première ligne face à ce fléau qui, tôt ou tard, va concerner l’ensemble des éleveurs du département. Nous attendons sur ce sujet une application des nouveaux arrêtés du Plan loup qui tienne compte de la problématique cantalienne avec une faible densité d’élevages ovins qui ne permet pas le déclenchement de solutions de tirs et une difficulté à organiser la protection sur des territoires touristiques, si tant est que les chiens de protection soit la solution.”
(1) Fédération nationale des producteurs de lait.
(2) Fédération nationale bovine.
Retraites
La FDSEA du Cantal défend “une vraie réforme, ambitieuse” et “regrette l’égoïsme et l’oubli du sens de la solidarité qu’expriment les leaders et sympathisants des syndicats de salariés. Aujourd’hui, les ressortissants du deuxième régime de protection sociale méritent une reconnaissance et des pensions de retraite à la hauteur de leur investissement tout au long de leur carrière”, affirme Joël Piganiol. “Un salarié qui a une carrière tronquée perçoit plus qu’un agriculteur qui a fait l’effort de cotiser toute sa vie !” Et de réclamer un rééquilibrage y compris au profit des retraités agricoles actuels.