« Les parlementaires ont les moyens de renverser la vapeur »
Avec la loi Sapin 2, les parlementaires disposent d’une occasion inespérée d’intégrer les coûts de production dans toutes les clauses des contrats. À eux de s’en saisir pour ne pas hypothéquer l’avenir des producteurs. Le point avec Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central.

En février dernier les agriculteurs se sont mobilisés massivement pour dénoncer une mauvaise répartition des marges au sein des filières. Avec quelles suites ?
Dans le grand Massif central et en Rhône-Alpes, la mobilisation a effectivement été forte et très suivie puisque toutes les centrales d’achat ont été bloquées. Suite à ces blocages, au Salon de l’agriculture, le Chef de l’État s’est engagé à revoir la loi de modernisation de l’économie (LME), dans un premier temps dans le cadre de la loi Sapin 2, examinée en ce moment par les deux assemblées.
Avec la FNSEA, nous avons engagé un travail de fond sur ce dossier crucial pour le maillon producteur, avec la ferme intention de mettre un terme à ce jeu de massacre qui dessert autant les consommateurs que les producteurs.
Les conclusions de l’observatoire des prix et des marges vous ont-elles apporté des arguments supplémentaires ?
Pour 2015, le constat de l’observatoire est sans appel. Hors vins, spiritueux et poissons, il y a eu un transfert de valeurs de la production vers les industriels et la grande distribution d’1,5 milliard d’euros. Dans le même temps, les prix à la consommation en GMS sur ces mêmes produits ont augmenté de 500 millions d’euros. Ce déséquilibre criant se poursuit en ce moment même pour l’ensemble des productions.
Comment renverser la balance ?
En intégrant les coûts de production, qui s’appuieront sur des indicateurs fiabilisés par l’observatoire des prix et des marges, dans toutes les clauses des contrats. Depuis plusieurs années, aucune filière ne couvre ses coûts de production. Nous avons donc apporté des éléments aux parlementaires pour qu’ils déposent des amendements dans ce sens. Avec la loi Sapin 2, ils ont l’opportunité de faire bouger les lignes. C’est d’ailleurs ce que le réseau des FDSEA a fait savoir aux élus dernièrement.
À ce stade des débats, il est donc essentiel de ne pas relâcher la pression ?
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait, il est en effet primordial que les FDSEA saisissent sans tarder l’ensemble des parlementaires sur cette question. Les politiques ne peuvent pas d’un côté nous dire que nous avons raison et de l’autre ne pas faire en sorte que cette loi permette de rétablir l’équilibre. D’autant que du chemin reste à faire, car si certaines choses avancent positivement, le texte de loi en lui-même ne suffit pas pour renverser la vapeur d’une LME dont la finalité initiale était bel et bien de faire baisser les prix. Le texte est désormais entre les mains des sénateurs. Nous comptons sur eux pour ajouter ce qui manque à ce texte à la sortie du débat au Parlement.
Au-delà de l’économie, la décision est clairement politique…
Au moment des blocages, les parlementaires ont été nombreux à nous assurer de leur soutien. Au moment de passer à l’acte, il serait bon qu’ils n’oublient pas leurs promesses. Lors des débats à l’Assemblée, nous avons pu mesurer que certains avaient vite oublié les mobilisations de cet hiver en défendant de surprenants amendements, comme cet amendement dit « Leclerc », adopté en première lecture, visant à avancer d’un mois la date butoir des négociations commerciales, au prétexte que fin février Monsieur Michel-Edouard Leclerc subissait la pression des éleveurs au Salon de l’agriculture. La décision de prendre en compte les coûts de production dans toutes les clauses commerciales est donc clairement politique.