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La tactique anti-tiques du Gaec Cocural

Confrontée dès son installation à des cas de pyroplasmose transmise par les tiques à ses bovins, Émilie Cocural (Gaec Cocural dans le Cantal) a mis en œuvre différentes stratégies de prévention.


 

Les associés du Gaec Cocural et Justine Gaudré du GDS 15
© Patricia Olivieri

Ce jour-là de la mi-mai 2018, quand Émilie Cocural et son père, Jean-Pierre, avec lequel elle vient tout juste de créer le Gaec éponyme (à Rouffiac), se rendent sur l’une des parcelles que la jeune agricultrice a récupérées de son oncle en Corrèze, Jean-Pierre est affirmatif : c’est le “mauscarou” ! L’une des vaches salers du lot au pâturage dans ce secteur humide présente un jet de bouse pointu (diarrhée profuse en jets), un signe clinique caractéristique de la piroplasmose (ou babéliose), le nom scientifique du mauscarou occitan. Un diagnostic de l’éleveur que le cabinet vétérinaire de Pleaux va confirmer d’emblée en prescrivant pour l’animal contaminé par une tique de l’imidocarbe (Carbésia®), une molécule particulièrement efficace en traitement précoce pour stopper l’éclatement des globules rouges provoqué par l’agent pathogène, éclatement d’ailleurs responsable des urines rouges des bovins infectés. 

Attention cependant, précise Justine Gaudré, nouvelle vétérinaire conseil au GDS 15, qui a suivi l’élevage Cocural en tant que vétérinaire praticienne, la couleur rouge des urines peut être reliée à une autre pathologie, notamment dans ces secteurs proches de la Corrèze où la fougère aigle prolifère et dont une consommation répétée peut provoquer un cancer de la paroi de la vessie, avec du sang dans les urines. Le diagnostic différentiel se fait par centrifugation de l’urine : si cette dernière reste rouge, il s’agit d’hémoglobine donc de piroplasmose, dans le cas contraire, la centrifugation va séparer le sang de l’urine. 

Traitement préventif : pas automatique 

Fièvre, abattement, perte d’appétit, pâleur des muqueuses, yeux tristes comme voilés, chute de production et anémie accompagnent la piroplasmose, comme le confirment Émilie et Jean-Pierre, qui, ce printemps-là, vont voir apparaître quatre autres cas dans ce lot de 20 vaches. “Sur les conseils du cabinet vétérinaire, on n’a pas traité d’emblée les autres animaux car on nous a expliqué que s’ils étaient déjà contaminés et qu’on les traitait en préventif avec une dose qui dans ce cas est plus que doublée, on risquait de les tuer”, expose Émilie. En effet, cette dose élevée sur des animaux infestés peut provoquer une libération massive de toxines dans le sang et un choc toxique fatal. Les deux associés vont donc redoubler de vigilance et de surveillance sur ce lot : “On y allait à deux, deux fois par jour, très tôt le matin et le soir, pour les faire se lever, regarder comment elles urinaient et bousaient... On a fait ça pendant dix jours et on a réussi à identifier les quatre autres vaches contaminées” poursuit Émilie. Après traitement toutes s’en sortiront. 

L’année d’après, les éleveurs prennent leurs précautions avant la mise au pâturage sur cet îlot corrézien : nettoyage de la parcelle, débroussaillage mécanique des fougères, des lignes, zone humide délimitée et exclue du pâturage, traitement antiparasitaire des animaux (Butox®) et mise à disposition d’un seau à lécher très riche en ail, à l’odeur répulsive (émanant des bovins) pour les acariens et autres culicoïdes même si les performances restent aléatoires. Cette lutte préventive associant acaricide et surveillance accrue est maintenue les années suivantes et fait ses preuves. 

Agir sur le biotope des tiques 

C’est sur un autre îlot, cette fois côté Cantal, là où Émilie et Jean-Pierre ne l’attendaient pas, que la piroplasmose refait parler d’elle en 2021, touchant deux salers, en pleine période de fenaison et donc de moindre surveillance. Jusque-là considérée sans problème par son propriétaire, cette parcelle affiche un combo “gagnant’ pour les tiques : zone humide et fougères (les parcelles à genêts ayant aussi cette propriété). Depuis, le Gaec, au sein duquel Simon, le compagnon d’Émilie, a remplacé Jean-Pierre, ne déroge pas : les zones humides à risque sont clôturées et donc inaccessibles quand bien même elles rendaient jusque-là de précieux services en période sèche. “On a préféré se servir de l’eau du réseau, mettre un baquet plutôt que de laisser boire les vaches dans ces zones humides”, indique Émilie Cocural. Les éleveurs ont aussi pris le parti de remettre chaque année les mêmes animaux sur ces parcelles à risques en espérant qu’ils s’immunisent. Une disposition aux vertus plus psychologiques que sanitaires... conviennent-ils. En 2023 et 2024, ils ont aussi choisi de traiter préventivement les vaches plus exposées malgré le coût de l’imidocarbe (compter 230 € pour traiter six vaches), et une durée d’efficacité en préventif ne dépassant pas 4 à 6 semaines. Autre handicap du produit : un délais d’attente viande particulièrement long, à plus de 210 jours (6 jours pour le lait). 

Zones humides, à fougères et genêts, à éviter 

Pour Justine Gaudré, la prophylaxie des maladies transmises par les tiques (piroplasmose, ehrlichiose, anaplasmose, borréliose...) repose en premier lieu sur une surveillance maximisée et sur la lutte contre les vecteurs, à savoir les tiques, ce qui suppose autant que faire se peut, d’éviter les zones humides et boisées, d’entretenir les parcelles par le broyage des zones en friche, d’empêcher l’accès aux haies, de recourir à des acaricides même si ces produits, du fait du développement de résistances, sont moins efficaces. Il est par ailleurs recommandé de destiner les parcelles “à tiques” aux jeunes animaux de renouvellement leur première année de pâture. Plus résistants, ces derniers vont ainsi pouvoir s’immuniser. 

Autre préconisation de la vétérinaire conseil : traiter en préventif à l’imidocarbe les animaux naïfs introduits dans le Cantal, comme les taureaux charolais issus du berceau de la race. Enfin, les mesures d’hygiène restent de rigueur (aiguilles jetables...) notamment pour éviter l’apparition au sein du cheptel de l’anaplasmose, qui peut se transmettre, outre par les tiques, par du matériel contaminé. Autant de maladies loin d’être discrètes dans l’Ouest-Cantal : chaque année, ce sont pas loin de 100 cas(1) de piroplasmose qui sont recensés par le cabinet vétérinaire de Pleaux, où Justine Gaudré officiait jusqu’à peu avec sept autres praticiens. Avec des issues parfois fatales, surtout en cas de détection et donc de traitement tardifs. Il y a quelques semaines encore, la jeune vétérinaire a sauvé in extremis une petite génisse laitière gravement anémiée grâce à une transfusion sanguine. L’occasion pour la professionnelle de mettre en garde : compte tenu de la faiblesse des animaux atteints, il ne faut surtout pas chercher à les faire marcher ou se déplacer tant qu’ils n’ont pas retrouvé un taux de globules rouges correct (35 %), ce qui prend trois à quatre semaines. 

(1) En 2002, une enquête nationale montrait une prévalence clinique annuelle faible de l’ordre de 0,1 % mais une prévalence sérologique de 20 à 90 %, selon les troupeaux et la saison (Jammes, 2009).

 

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