Gel et manque de pluie : quelles conséquences sur les céréales ?
CULTURES CÉRÉALIÈRES Baisse de la pluviométrie, gel, ont impacté les cultures des céréales. État des lieux en ce début de mois d’avril dans l’Allier.

L’hiver que nous venons de vivre a été particulièrement doux. Pour la région Auvergne les températures relevées ont été bien au-dessus des normales. Certaines stations ont enregistré 300 degrés jours cumulés de plus, sur la période de décembre 2019 à mars 2020, que la moyenne des vingt dernières années. A l’exception des secteurs Bocage et Sologne, la faible pluviométrie de cet hiver n’a pas permis de reconstituer les ressources en eau. Depuis janvier, certaines zones ont en effet reçu moins de 60 mm notamment en Limagne. Cela a entraîné un développement rapide des cultures d’hiver et des évapotranspirations supérieures à la normale.
Carences pour les céréales
Depuis mi-mars, la sécheresse s’est accentuée et l’absence de pluviométrie significative empêche d’épandre ou devaloriser correctement les deuxièmes apports d’azote sur céréales et des symptômes de carences azotées sont d’ores et déjà visibles dans certaines parcelles. L’incidence de la sécheresse sur les composantes du rendement dépend de la période : entre les stades 2 noeuds et dernière feuille étalée : réduction du nombre d’épis et de la fertilité épi (nombre de grains/épi) ; entre les stades dernière feuille étalée et floraison : réduction du nombre degrains/épi et de floraison à maturité : incidence sur le remplissage des grains. Les besoins en eau deviennent importants à partir du début de la montaison, mais c’est à partir du stade du déficit hydrique seront les plus pénalisantes. Espérons que d’ici là les pluies fassent leur retour mais certaines parcelles d’orge d’hiver avec des variétés précoces atteignent déjà le stade dernière feuille !
Colza : des surfaces en baisse
En ce qui concerne les colzas, pour la deuxième année (voire troisième dans certains secteurs) les surfaces sont en forte baisse, conséquence de la sécheresse estivale n’ayant pas permis soit de semer soit de faire lever les parcelles correctement et dans des dates optimales. Parmi les parcelles semées certaines ont levé tardivement. Dans ces situations, le potentiel de la culture du fait d’un peuplement trop faible et /ou de plantes insuffisamment développées avant l’hiver n’était déjà pas optimal dès la reprise de végétation. En effet, de tels peuplements sont plus exposés aux risques climatiques (gel) ou aux facteurs biotiques (ravageurs d’automne…). Au printemps, le manque d’eau limite le développement des plantes et handicape l’absorption des éléments fertilisants. Dans les cas extrêmes les boutons floraux et les plantes dépérissent. La sensibilité est forte entre le stade F1 début de la floraison et G4 (dix premières siliques bosselées) + 10 jours. En fin de cycle la sécheresse limite le PMG sans possibilité de compensation. Cette culture se trouve donc actuellement en pleine période de sensibilité au stress hydrique.
Les semis des cultures deprintemps démarrent
Les semis de tournesol et de maïs ont démarré début avril à la faveur des températures douces avec des états d’humidité de lit de semences très variables. Ne pas hésiter à semer assez profondément (4 à 5 cm) pour être sûr de placer les graines suffisamment dans l’humidité afin d’assurer une levée homogène. Des lits de semences suffisamment humides dans bon nombre de situations (alluvions ainsi que dans les argilo-calcaires préparés précocement) mais malheureusement dans les parcelles argilo-calcaires ou argileuses avec présence de mottes la situation est toute autre. Dans les parcelles avec état du lit de semences hétérogène et des zones sans aucune humidité sur les 5 premiers centimètres et sans irrigation possible,il est conseillé d’attendre un retour des pluies pour semer, au risque, sinon,d’avoir des levées échelonnées ou par zone. Pour l’ensemble des variétés de tournesol et pour les maïs précoces et demi-précoces les semis peuvent se faire jusqu’à début mai. En terme d’herbicide maïs, au vu des conditions météorologiques actuelles, les produits racinaires de prélevée sont déconseillés, la plupart peuvent être positionnés au stade 2 – 3 feuilles du maïs. Par contre sur tournesol, la gestion de l’ambroisie ne peut malheureusement pas reposer uniquement sur les produits de post-levée, il faut donc quand même intervenir avec un herbicide de prélevée stricte dans le cadre d’un programme, en privilégiant des applications aux heures les plus fraîches.
Dégâts foliaires suite au gel
Sur la semaine dernière, températures matinales basses et vent froid associés à des rayonnements élevés ont pu provoquer des dégâts foliaires qui seront sans conséquence. En revanche, dans les situations où les gelées ont été les plus fortes, certains maîtres-brins ont pu être détruits. Là encore, une perte de potentiel n’est pas systématique car les talles primaires prendront le relais. Une observation de l’état de l’épi dans la gaine des maîtres-brins est d’ores et déjà possible. Le colza peut avoir de fortes capacités de compensation, les avortements de fleurs ou de siliques classiques provoqués par les gelées peuvent être compensés par de nouvelles ramifications à condition que les pluies reviennent rapidement. Dans les parcelles irrigables, nous conseillons dès à présent d’irriguer. Dans les autres situations, il est conseillé de laisser la culture en place.
Pois d’hiver : des risques de bactériose
Au stade végétatif, le pois peut tolérer jusqu’à - 5°C en conditions optimales. Cependant les amplitudes thermiques des semaines précédentes n’ont pas du tout été favorables à son endurcissement aux températures gélives. Suite aux épisodes gélifs, des foyers de bactériose sur pois pourraient malheureusement apparaitre. Cette maladie est naturellement présente sur les plantes sans être nuisible et peut coloniser la plante par les lésions en cas de dégâts mécaniques du gel. Les symptômes caractéristiques : lésions vitreuses, grasses, vert foncé marron, touchant les organes aériens. Cette maladie peut alors entraîner le dessèchement de la plante par la suite. À ce jour, il n’existe aucun traitement curatif contre cette maladie. Seul un retour d’un temps chaud et sec peut alors stopper l’évolution des foyers.
MICKAËL BIMBARD,CONSEILLER EN AGRONOMIE,CHAMBRE D’AGRICULTURE DE L’ALLIER