CRISE. Les acteurs de la filière porcine se serrent les coudes
La FDSEA 19 a réuni les intervenants de la filière vendredi 10 juin à Tulle pour faire le point sur la situation de crise induite par la hausse drastique des charges.
La section porcine de la FDSEA 19 a organisé au Puy Pinçon, une réunion d'information pour aborder la situation de crise et les perspectives pour 2022. Le rendez-vous n'a pas manqué de réunir de nombreux professionnels de la filière, de l'éleveur au banquier, en passant par la DDT, la chambre d'agriculture ou encore la MSA. Un rendez-vous attendu pour trouver des solutions à mettre en oeuvre ensemble, les participants étant bien conscients que la survie de la filière ne dépend pas que d'un seul acteur isolé, mais de tous.
Bilan et perspectives
Dans le secteur, l'année 2021 a vu les prix au cadran baisser, et parallèlement, le prix de l'alimentation animale, entre autres charges, n'a évolué qu'à la hausse, diminuant les marges et les revenus des éleveurs.
L'année 2022 voit la tonne d'alimentation animale augmenter de 50EUR sur le premier semestre, et une autre hausse de même ampleur est attendue pour le deuxième semestre. Quant au prix moyen des porcs charcutiers en 2021, ils étaient vendus à 1,575EUR/kg carcasse, alors que sur le cadran Breton, une progression est enregistrée pour le premier semestre 2022 avec un prix moyen de 1,75EUR/Kg carcasse. Ainsi, bien qu'une hausse du prix au cadran soit constatée, elle ne compense pas la hausse du prix de l'alimentation et des autres charges.
L'alimentation animale montrée du doigt
Les fournisseurs d'aliments présents à cette réunion furent questionnés, mais ils n'ont que peu de levier à actionner, étant eux-mêmes tributaires du marché. D'ailleurs, ils informent déjà que les récoltes 2022 seront plus chères que celles de l'année précédente. Les prix sont en effet extrêmement volatiles, et aucune visibilité n'est possible.
Les stocks existent pourtant, mais comme nous le savons, ils sont bloqués en Ukraine. Toutefois, si un export vers l'Europe et le reste du monde est négocié avec les Russes, les prix peuvent chuter en quelques jours. Nous n'en sommes pas encore là. Les compléments étant indexés sur les céréales, ils prennent une évolution vers le haut également. Les fournisseurs ne sont pas optimistes sur les prix, et l'alimentation animale sera encore plus chère dans les mois à venir, sans compter sur la disponibilité de produits comme le tournesol, qui viennent à manquer, si la situation en Europe de l'Est n'évolue pas.
La parole aux groupements
Pour les groupements de producteurs, le prix de vente est la préoccupation principale, et un prix à 1,70EUR/Kg au cadran est insuffisant pour obtenir une situation viable, et selon eux, une hausse jusqu'à 2EUR est absolument nécessaire. De l'avis des acteurs présents, la grande distribution et les consommateurs, doivent comprendre qu'il n'est plus possible de garder des prix aussi bas. Malgré une excellente fluidité du marché du porc, les producteurs connaissent une concurrence importante avec la viande espagnole qui n'exporte plus autant vers la Chine, elle-même fermée pour cause de Covid. Le message est clair : « si rien ne bouge, la crainte est l'arrêt de la filière » s'exclame l'un d'eux. « Les transformateurs n'auront plus de matière première » renchérit un autre producteur.
Un éleveur pointe du doigt une autre problématique : le renouvellement des élevages dont les coûts sont difficilement supportables par manque de moyens, ce qui met en danger la productivité sur le moyen terme. D'autre part, les mises aux normes souvent imposées par les pouvoirs publics ne sont plus supportables avec les cours actuels.
Les banques quant à elles, peuvent actionner les leviers habituels et favoriser la souplesse dans les financements, leur but étant de pérenniser leurs clients. Il est toujours possible de décaler les remboursements, voire de programmer des reports d'annuités. Cependant, des difficultés sont attendues, également pour de grosses structures.
Le syndicat des Jeunes Agriculteurs quant à lui, émet l'idée de mettre la pression, notamment sur les grandes surfaces, même si, d'après eux, il n'y a guère plus de viande étrangère dans les rayons en Corrèze. Une campagne par les réseaux sociaux peut être envisagée.
Les aides pour passer le cap
La MSA précise son dispositif de prise en charge de cotisations spécifique à l'accompagnement de la filière porcine. Il vise à compenser la perte subie entre septembre 2021 et février 2022 sur la hausse des charges. Une autre aide est à l'étude, toujours basée sur la prise en charge des cotisations, pour pallier les pertes dues à la hausse des charges liées à la guerre en Ukraine. Un numéro de téléphone pour obtenir des renseignements est mis en place[i].
La Direction Départementale des Territoires revient sur les aides qui ont été proposées avec un plan de sauvegarde en deux volets mis en place. Le premier volet concernait 20 dossiers pour 345 000EUR, alors que le deuxième volet est en cours d'instruction.
Que faire pour l'avenir ?
Sans surprise, tous les participants arrivent à la conclusion qu'il faut revaloriser le porc, puisque les leviers pour baisser les charges sont inexistants. Face à cette situation qui risque bien d'être structurelle, EGalim 2 doit s'imposer car les acheteurs en contournant les objectifs en faisant varier à leur guise, la part du prix du marché, et la part du coût de production dans le prix d'achat.
Finalement, c'est toute la filière qui doit se mobiliser, des éleveurs aux consommateurs, en passant par les grandes surfaces, ces dernières détenant une part importante des solutions envisageables.
[i] Numéro MSA « Crises agricoles » : 05 55 93 40 61