Crise de la bio : la filière désespère du ministère
FNSEA, Fnab et Confédération paysanne se sont réunies de manière inédite avec les chambres et les interprofessions pour porter un plan d'aide auprès du ministère de l'Agriculture. Ce dernier ne prévoirait pas pour l'heure de débloquer des aides d'urgence pour les filières bio en crise.
Alors que le chiffre d'affaires des rayons bio aurait reculé de 5 à 10 % sur un an selon les circuits, « à ce stade, le ministère n'a pas encore mesuré l'ampleur de la crise », regrette Étienne Gangneron, vice-président de la FNSEA en charge du bio. Sa déception est partagée par tous les acteurs qui ont assisté à la réunion du 21 février, laquelle a rassemblé syndicats, chambres d'agriculture, interprofessions et les transformateurs autour du cabinet du ministre.
Alliance inédite, ces acteurs portaient une demande commune pour créer un plan de sauvegarde pour l'agriculture biologique. Aides directes aux producteurs, revalorisation de l'écorégime, retour de l'aide au maintien, stockage de produits : toutes les mesures ne faisaient pas l'objet d'un consensus. Mais l'ensemble du secteur bio s'accordait sur le fond : « Si l'argent n'arrive pas rapidement, des agriculteurs vont mettre la clé sous la porte », résume Yves Sauvaget, président de la commission bio de l'interprofession laitière.
Face à ces demandes, le cabinet du ministre n'a pas évoqué d'aide directe aux filières touchées, préférant miser sur un soutien accru à la promotion, et sur une application plus stricte des objectifs Egalim dans les cantines. « Le porc, les betteraves, les producteurs de pommes de terre : le carnet de chèque s'ouvre pour tout le monde sauf pour la bio », regrette une source au sein de la Fnab. « La bio fait un AVC et on lui propose un doliprane », s'émeut une autre source suivant de près ces discussions.
Étienne Gangneron le regrette de son côté : « L'attaque de certains acteurs du bio sur la HVE ne met pas le ministère dans les meilleures dispositions. »
Un rapport confirme les pistes des acteurs
Interrogés lors de points presse organisés, le 22 février, en amont du Salon de l'agriculture, le ministre de l'Agriculture et les services de l'Elysée n'ont pas laissé présager d'annonces imminentes. Ils rappellent les travaux autour de la communication et du renouvellement du plan Ambition bio. Et ils soulignent leur intérêt pour la piste des cantines scolaires comme levier de soutien à la filière, sans préciser ni calendrier, ni moyens.
En plus de la déception sur une éventuelle aide d'urgence, les mesures proposées par le ministère semblent insuffisantes à la plupart des acteurs. « Les cantines scolaires ne seront pas en mesure d'absorber tout notre excédent », illustre Yves Sauvaget, alors que le déclassement en lait bio a atteint près de 40 % en 2022. De même, si tous s'accordent sur l'intérêt d'une nouvelle campagne de promotion grand public, « ses effets ne seront pas immédiats sur la consommation », alerte Yves Sauvaget.
L'étude sur la crise pilotée par l'Agence bio avec le soutien financier du ministère a d'ailleurs bien identifié les besoins de réponses à court comme à long terme. Dévoilée lors de la même réunion du 21 février, l'étude invite notamment à « mobiliser les outils de gestion de crise » pour financer « du déclassement, du stockage ou de la baisse volontaire de production ». En matière de politiques agricoles, le bureau d'études recommande également de « rouvrir l'aide au maintien », grâce aux aides à la conversion non utilisée. Et à un horizon plus lointain, le bureau d'études invite à valoriser les services environnementaux de l'agriculture biologique, par exemple à travers un système de bonus/malus sur les productions agricoles.
À la FNSEA, les yeux se tournent vers les voisins allemands, qui ont dévoilé un plan fédéral de soutien au lendemain du salon Biofach. « Les négociations ne font que commencer, nous allons continuer à sensibiliser le Gouvernement », prévoit Étienne Gangneron. Sur le terrain, le temps presse cependant, pour éviter ces déconversions que le ministre a désignées comme son « sujet ».