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[Covid-19] Pour Paul Lopez, président de la Fédération des industries avicoles « il faut trouver l’adéquation entre baisse de production et déstockage »

Le président de la Fédération française des industries avicoles (Fia) et des entreprises européennes d’abattage avicole (Avec) Paul Lopez, fait un point de situation et évoque les pistes de relance.

De quel ordre sont les baisses de volumes commercialisés à l’issue du  premier mois de confinement ?

Paul Lopez- Il faut d’abord souligner que nos entreprises ont su s'adapter à de nouvelles contraintes, garder la confiance des salariés en leur offrant des conditions de travail adaptées, avec les moyens disponibles dans l'urgence. Nous n’avons eu que 5 à 10 % d’absentéisme supplémentaire. Aujourd'hui (1), la hausse des ventes en magasins ne compense pas la baisse ou la disparition des secteurs hors-domicile. Le bilan est une baisse globale des ventes dans une fourchette de  5 % à 10 %. Mais certaines usines dédiées à la RHD sont fermées ou avec une activité très faible avec des perspectives de réouverture non établies. Les stocks sont beaucoup plus importants pour les produits qui leur étaient destinés et la problématique de l’ajustement des plannings d’élevage se pose déjà. Il est à raisonner selon l’espèce, le débouché et les outils industriels, plus ou moins spécialisés. Quand tout marche bien, la spécialisation est un atout de compétitivité, mais là cela a pu être un inconvénient. 

Faut-il s'attendre à un recalibrage des volumes mis en production ?

P.L. -Notre filière, basée sur la contractualisation, assume la production engagée plusieurs mois à l'avance. Dans un tel contexte il a fallu stocker, mais il faut aussi envisager de réduire les prochaines mises en place sans faire des corrections trop violentes pour les couvoirs, les éleveurs et les abattoirs. L’ajustement se fera en jouant à la fois sur le lissage des volumes produits et sur le déstockage. Le calendrier de déstockage est très aléatoire, car il reste des interrogations sur les dates de redémarrage de la consommation hors domicile.

Les entreprises d’abattage ont-elles des capacités physiques et financières à stocker ?

P.L.- Les capacités de congélation, et surtout de stockage en congelé, sont très limitées au vu des besoins de l'ensemble des secteurs alimentaires. Nous sommes en train de les inventorier. Une demande d'appui au stockage privé exceptionnel est effectuée auprès de la puissance publique pour faire face à ces charges supplémentaires, et surtout ne pas peser en permanence sur le marché. C’est probablement la France qui le financera après accord de Bruxelles, qui laissera les Etats membres fixer leurs mesures nationales.

Quelle est la situation des flux internationaux ?

P.L.- L'exportation vers les pays tiers est plutôt stable, avec cependant une augmentation très forte des coûts logistiques maritimes. Le Moyen-Orient achète normalement. S'agissant des échanges intra-européens, la situation est erratique en fonction de l'actualité de nos voisins. Cette baisse soudaine de la demande a deux effets délétères : le stockage et la perte de valeur pour les produits destinés aux circuits de RHD et qui ne sont pas stockés.Augmentant un peu partout en Europe, le niveau des stocks génère une adaptation des acteurs, parfois violente, variant suivant les espèces et les positionnements de marché. Dans les pays sans contractualisation, le cours du poulet vif s’est effondré. Le prix européen du filet de poulet a dévissé de 20 à 30 %, sous l'influence des importations des pays-tiers mais aussi européennes, plutôt de l’est moins chères que les prix brésiliens.  Nous sommes en pleine spéculation au sens propre du terme. Nous ne savons pas encore si ces pays européens continueront à produire autant ou réduiront leurs mises en place. Nous ne savons pas comment anticiper le très important marché estival de la consommation touristique du sud de l’Europe.

Faut-il empêcher l'entrée de viandes importées des pays tiers ?

P.L.- La Fia en France et l’Avec au niveau européen ont fait part de leurs inquiétudes à la Commission Européenne. Elles ont demandé une réduction des volumes importés des pays tiers au second semestre 2020, car son arrêt est illusoire. Je rappelle que 25% des filets de poulets consommés dans l'UE viennent des pays tiers (Brésil, Thaïlande, Ukraine) et sont majoritairement utilisés pour la consommation hors domicile. Comment accepter d'avoir des bâtiments vides en Europe pour s'adapter à la disparition des ventes en RHD et continuer à importer ? Nous attendons un signal fort pour protéger un peu un marché déjà très ouvert. Sinon, nombre de bâtiments d'élevage risquent de rester vides un temps anormalement long...Puis ce seront les outils de transformation qui réduiront leur activité, alors que les couvoirs y sont déjà confrontés. La dynamique économique est basée sur la confiance. Si les acteurs économiques ne voient pas un signal fort, ils doivent être prudents, mais cette spirale peut être désastreuse…

Quelles sont les actions de rebond envisagées ?

P.L.- Le rebond pourra se faire dans de moins mauvaises conditions si on a déjà en partie fermé le robinet des importations Pays Tiers au second semestre. Ensuite, il faudra vider les stocks européens ce qui va avoir un impact durant au moins un an. En France, le rebond, c'est l'adaptation très rapide de nos élevages et nos entreprises, en jouant sur la polyvalence durant cette période mais avec un coût parfois très important. Le rebond c'est de poursuivre l'effort  de communication collective sur l’origine Volaille Française mené par l'APVF, en n’oubliant pas les petites espèces. Le rebond, c'est l'accélération nécessaire de l'obligation d'étiquetage d'origine sur toutes les volailles et les produits transformés en France (il reste encore beaucoup de secteurs à couvrir) et en Europe. A commencer par indiquer l’origine dans les réponses aux appels d’offres des marchés publics (armée, écoles, hôpitaux…). Cette mesure, qui ne coûterait rien, engendrerait une prise de conscience directe de tous les décideurs, donneurs d'ordre, du local au national.

Propos recueillis par P.L.D.

(1) Entretien réalisé après l’annonce de la prolongation du confinement

 

Des impacts contrastés

« L’évolution de la demande a été différente dans le temps et selon les espèces, avec d’un côté poulet et dinde et de l’autre les espèces dites « mineures », avec des volumes inférieurs (canard, pintade, caille, pigeon). Les trois-quatre premiers jours du confinement, la demande de poulet-dinde a été très forte alors que la plupart des circuits de vente hors domicile se fermaient. La bascule a été violente à gérer. La situation des autres volailles a été immédiatement dramatique. Les GMS ne les ont pas jugées prioritaires dans un contexte logistique tendu, ce qui s’est ajouté à la disparition des circuits hors domicile, leurs principaux débouchés. D’où des reculs importants (en canard) ou très importants (50 % et plus en cailles, pigeons) et dans une moindre mesure en pintade. A partir de la deuxième semaine, les achats ont été erratiques, avec la fermeture des marchés, puis leur réouverture très partielle. L'équilibre des pièces de découpe n'était pas là tous les jours. Le poulet certifié MDD rôtissoire a presque disparu. Les petites productions font face à une situation beaucoup plus difficile que le poulet ou la dinde, ces productions sont l'illustration de la diversité de la filière française, et des mesures d'adaptation sont élaborées au sein des entreprises, mais aussi des interprofessions espèce concernées. La Fia se félicite de la participation active et constructive des distributeurs aux échanges organisés au sein de l'interprofession (dont ils sont membres) sur les problématiques, à la fois nouvelles et brutales. »

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