Nutréa expérimente l'élevage de poulet à croissance rapide sans coccidiostat
Près de 70 % des lots de poulets à croissance rapide vont être vaccinés contre la coccidiose durant trois lots. Une démarche à grande échelle demandant l’implication de tous les maillons.
Près de 70 % des lots de poulets à croissance rapide vont être vaccinés contre la coccidiose durant trois lots. Une démarche à grande échelle demandant l’implication de tous les maillons.
Depuis le 13 mars, tous les élevages de poulets de Nutréa approvisionnés par l’usine d’aliment de Plouagat dans les Côtes d’Armor, sont vaccinés contre la coccidiose et reçoivent un aliment sans coccidiostat.
Le protocole, qui court sur trois lots consécutifs, concernera 12 millions de poulets (standard, semi-lourd et lourd ou export), soit 70 % des volumes de l’organisation de production Univol rattachée à Nutréa. Une démarche inédite en France pour des productions à croissance rapide, par son ampleur mais surtout par sa dimension collective et innovante. Tous les maillons de la filière sont impliqués, du couvoir de Cléden-Poher qui administre le vaccin Paracox 5 à un jour, jusqu’à l’abattoir Galliance de Languidic qui mesure l’impact sur le rendement et l’homogénéité des lots. Mais également les firmes services Techna et Provimi, et le laboratoire MSD Santé Animale avec qui le projet a été mené. « C’est un challenge auquel on se prépare depuis 18 mois !, relève Pascale Madec, directrice de Nutréa Volailles. « On n’a pas seulement supprimé le coccidiostat, vacciné les poussins et mesuré ce que cela donnait : un travail a été fait en amont pour éviter tout risque de contamination croisée, renforcer l’immunité des poulets et optimiser les performances à tous niveaux. Un projet rendu possible grâce à notre organisation intégrant l’accouvage et la fabrique d’aliment. »
Une usine d’aliment et un transport dédiés
Le passage à la vaccination anticoccidienne a demandé une communication plus fluide (gestion des plannings) et une réorganisation de la logistique. À commencer par le transport et la fabrication de l’aliment. Le vaccin vivant étant sensible aux traces d’anticoccidiens, une ligne de fabrication de l’usine de Plouagat a été dédiée à l’aliment blanc. Les procédures de rinçage ont été renforcées. Nutréa a affecté une flotte de camions. Des investissements ont été réalisés dans l’usine pour améliorer l’homogénéité de l’aliment. Sa formulation a été sécurisée avec des matières premières plus nobles et des additifs pour agir sur trois axes : digestif, croissance et réduction de l’inflammation intestinale. Le couvoir de Cléden-Poher s’est équipé d’une nouvelle machine de vaccination, avec une personne affectée au suivi. Les actions en place depuis plusieurs mois au niveau du couvoir et du parc de reproducteurs ont déjà permis d’améliorer la qualité de la coquille et du poussin.
Une implication essentielle de l’éleveur
Tous les éleveurs de l’essai et les techniciens ont suivi une formation sur la vaccination coccidiose et l’importance des bonnes pratiques pour favoriser la mise en place précoce de l’immunité, en insistant sur la qualité du démarrage. « La réplication du vaccin est influencée par les conditions d’élevage, l’état général des oiseaux et leur statut immunitaire », souligne Ludovic Le Gall, de MSD Santé Animale. « Pour la « monitorer », des comptages d’oocystes sont réalisés dans chaque élevage à partir de prélèvements de fientes (cinq par lot à partir de 14 jours). L’objectif est d’atteindre une immunité maximale à 15-21 jours). » « Le protocole de vaccination coccidiose se fait sans surcoût pour l’éleveur », poursuit Pascale Madec. « Par contre, son implication est essentielle. »
Mieux protéger les poulets alourdis
Pour Nutréa, l’enjeu est multiple. Il s’agit de répondre à l’évolution des attentes sociétales et d’anticiper la demande des distributeurs. « Nous avons depuis plusieurs années engagé une démarche de démédication. 70 % de nos lots de dindes ne reçoivent aucun antibiotique. Notre objectif est d’être précurseur et d’avoir un temps d’avance sur la production sans antibiotique et/ou sans coccidiostat. On voit déjà apparaître des cahiers des charges d’abattoirs limitant la durée et les molécules coccidiostatiques dans l’aliment. » En cinq ans, Nutréa a basculé du poulet export à des productions à plus longue durée d’élevage. L’intérêt de la vaccination est d’avoir une couverture jusqu’à la fin du lot et de mieux maîtriser le risque coccidiose. « Si ce dernier est éliminé, on pourra expérimenter le « sans antibiotique » dès le deuxième lot », complète Georges le Bras, responsable production de Nutréa. "L’ambition à terme est d’aller vers le retrait des coccidiostats en alternant trois lots vaccinés pour permettre la contamination de l’environnement par les oocystes du vaccin, puis trois lots sans." Nutréa prend en charge tous les coûts supplémentaires. Le bilan économique de la filière sera fait à l’issue des six mois d’essai. Elle en attend de meilleures performances pour l’éleveur, une meilleure homogénéité des lots pour l’abattoir et une suppression des contraintes usine liées au coccidiostat.
Une machine pour vacciner BI et coccidiose
Le couvoir de Cléden-Poher vient de s’équiper d’une nouvelle machine développée par MSD Santé Animale et Nectra. « Le but était de coupler les vaccinations coccidiose et bronchite infectieuse, précise Ludovic Le Gall. Placée au niveau du convoyeur de caisses, la machine dispose de deux couples de buses, le premier créant de très fines gouttelettes pour la vaccination BI par nébulisation, le second pulvérisant le vaccin Paracox 5 sous forme de plus grosses gouttes. Les jeux de buses sont actionnés indépendamment lors de l’avancée des caisses devant les capteurs. » Le colorant rouge ajouté dans la solution vaccinale anticoccidienne attire le poussin et l’incite à lécher le plumage de ses congénères, le but étant d’ingérer le vaccin. En colorant la langue en rouge, il facilite le contrôle de la prise vaccinale. « L’objectif est d’atteindre un taux de 90 % de langues colorées dix minutes après la vaccination. »
« La vaccination contre les coccidies est un pas de plus vers la démédication »
Benoît Cornec, éleveur
"J’ai été particulièrement réceptif à la démarche de Nutréa d’autant plus que mon élevage (4 poulaillers soit 5700 m2) est régulièrement touché par la coccidiose. J’ai tout essayé pour réduire la pression de coccidies dans l’environnement (désinfection des sols, réfection du sol en terre battue…). Même mes bâtiments neufs en sol béton ont été touchés dès le premier lot. La coccidiose ne s’exprime pas par des signes cliniques. Mais on observe régulièrement des indices lésionnels supérieurs à 2 voire 3 pour E. acervulina, qui peuvent impacter le GMQ et l’IC. Il est prématuré de faire un bilan du premier lot en test qui atteint 30 jours. Aucun bâtiment n’a reçu de traitement anticoccidien, c’est déjà une grande satisfaction ! La litière est un peu plus humide, ce qui nécessite des repaillages plus fréquents et encore plus de technicité. Avec cette démarche, on continue de progresser vers la démédication. C’est une demande sociétale de plus en plus forte. On a tout intérêt à s’y préparer en étant précurseur. On va vers une montée une gamme de la production. Mais il faudrait qu’elle puisse être valorisée au niveau du consommateur. »
Six mesures clés pour une bonne prise vaccinale
Lors de la formation des éleveurs, Nutréa et MSD Santé Animale ont souligné les points à respecter en cas de vaccination coccidiose pour permettre un bon recyclage des coccidies :
1 Baisser la pression de coccidies sauvages dans l’environnement grâce à un nettoyage et une désinfection rigoureux lors du vide sanitaire (décapage avec détergent en insistant sur les soubassements, le petit matériel sans oublier les engins ; désinfection du sol ainsi que des abords…). Les silos doivent être nettoyés et fumigés pour éliminer toute trace d’additif anticoccidien.
2 Maintenir une bonne santé intestinale dès le démarrage avec un abreuvement de qualité (désinfection de l’eau, 3 purges par jour au démarrage). Éviter les ruptures d’aliment contribuant à un dérèglement digestif.
3 Favoriser le recyclage des coccidies vaccinales en maintenant la litière à au moins 25-28°C et 25 % d’humidité.
4 Assurer un démarrage optimal : préchauffage, luminosité, accès à l’eau et à l’aliment. Laisser les papiers de démarrage jusqu’à 4 à 6 jours : ils facilitent l’ingestion des oocystes sporulés et isolent le poussin des coccidies sauvages
5 Renforcer l’immunité du poulet vers 15 à 18 jours avec une cure de vitamine E/sélénium et éviter toute immunodépression en vaccinant contre les maladies de Gumboro et BI.
6 N’utiliser aucun antibiotique à effet anticoccidien (sulfamides)