La méthanisation s'installe en Dordogne
La Ferme de l'oie valorise ses effluents
La station expérimentale avicole de Coulaures, dédiée à la recherche appliquée sur les palmipèdes gras, valorise ses fumiers et lisiers pour produire de la chaleur et de l'électricité.
C’est une première en Dordogne, où plusieurs projets de production d’énergie à partir du biogaz produit à la ferme sont en cours. Le méthaniseur de la station expérimentale de l’oie est opérationnel depuis quelques semaines. « Nous mûrissions le projet du méthaniseur depuis 2002-2003. Mais lors des premières simulations, ça ne passait pas financièrement. Pour concrétiser, il aura fallu qu’EDF revoie à la hausse ses prix de rachat(1) et que l’État, via le Pôle d’excellence rurale (PER), nous permette d’accéder à de nouveaux financements », précise Jean-Pierre Dubois, responsable de la station expérimentale. Le projet d’un montant de 270 000 euros hors taxes a été financé à 31 % par l’État (PER), à 30 % par l’Europe (Feder), à 12 % par le conseil général de la Dordogne, à 7 % par le conseil régional d’Aquitaine et l’Ademe. Les 20 % restants ont été autofinancés. La technologie choisie est celle du mélange en continu, selon un procédé développé avec la société d’ingénierie Aria(2).
BRASSAGE EN CONTINU
Après avoir été stockés dans des silos prévus à cette fin, les déchets solides sont déchargés dans deux préfosses dans lesquelles ils sont mélangés au lisier. Tous les jours, une pompe achemine 2,5 à 3 m3 dans le digesteur en inox en forme de citerne contenant 100 m3. Celle-ci est munie d’un axe à pâles qui brasse et homogénéise en permanence les phases liquides et solides. C’est dans ce mélange que se développent les bactéries naturellement présentes et à l’origine de la formation du biogaz, contenant surtout du méthane. Le biogaz produit sort de la citerne et est stocké dans une fosse de 450 m3 recouverte d’une géomembrane étanche. Dès à présent, la Ferme de l’oie sait qu’elle pourra compter sur les apports du fumier des ovins de la Sica Creo, station d’expérimentation ovine, voisine de son site. Elle a aussi prévu de travailler avec des producteurs fermiers d’oies et de canards qui pourront écouler la graisse des conserveries. Elle pourra recevoir aussi des refus de céréales d’une coopérative et des déchets de fabrication de pâtisseries industrielles. Le projet a été dimensionné pour écouler 800 tonnes de déjections et coproduits. Il s’agit dans un premier temps de traiter 500 m3 de lisier de la ferme, 120 tonnes de fumiers de palmipèdes et d’ovins, 25 tonnes de graisses, 150 tonnes de refus de céréales et divers. Cette capacité devrait permettre de produire 200 000 kWh d’électricité via la combustion du gaz dans un moteur et de récupérer 320 000 kWh de chaleur via un échangeur. « La vente d’électricité (environ 25000 euros) est une diversification intéressante pour le site, explique Jean-Pierre Dubois, surtout quand on y associe les économies d’énergie fossile permises par la production de chaleur. » Celle-ci est utilisée pour réchauffer le digesteur et activer la fermentation,mais également pour chauffer une poussinière. Cette économie est estimée à 2000 euros. Le retour sur investissement est évalué aux environs de quatre ans, avec subventions. Sans celles-ci, il fallait compter plus de vingt ans.
BILAN CARBONE LARGEMENT POSITIF
La méthanisation rend inodores les déjections animales, digère une partie du carbone mais affecte peu la fraction azotée et phosphorée. Le digestat, qui est la partie semi-liquide restant après traitement, servira à amender les prairies. Par ce procédé, la station de l’oie peut valoriser 100 % de ses effluents. Outre les économies de chauffage, la station contribue à limiter le réchauffement climatique. Selon un calcul de Aria, plus de 100 tonnes d’émission de CO2 seront évitées pour deux tonnes correspondant à la consommation d’électricité nécessaire au fonctionnement du méthaniseur. La méthanisation ouvre aussi de nouvelles pistes en termes d’expérimentions, financées notamment par l’interprofession du foie gras. La station s’est équipée d’outils de mesure et de pesage pour évaluer quels effluents optimisent le système. « Nous pourrons faire des enregistrements qui intéresseront nos producteurs de foie gras, mais également d’autres filières. Nous pourrons ainsi valoriser l’herbe des parcours entre deux lots d’élevage de palmipèdes, en permettant d’exporter l’azote et le phosphore en excès, les résidus de tonte de pelouses, mais aussi les déchets alimentaires. » Pour le directeur de la station expérimentale, la méthanisation impose aussi des études approfondies sur les valeurs agronomiques du digestat épandu qui « à condition d’être utilisé au plus près des besoins de la plante, peut réduire les pollutions azotées ». Un tel projet s’inscrit bien dans la démarche de durabilité dont la société se préoccupe de plus en plus. La réalité de l’élevage des palmipèdes gras n’est pas toujours en adéquation avec l’image que le consommateur se fait d’une production de luxe comme celle du foie gras. La Ferme de l’oie ferme la boucle. Après s’être intéressée à la gestion des parcours, à l’agroforesterie (synergie oies-noyers), à la valorisation des effluents (compostage), la méthanisation met l’accent sur la recherche de l’autonomie énergétique. Sans nul doute un ‘plus’ pour consolider une production traditionnelle qui a su évoluer tout en restant ancrée au territoire périgourdin.
(1) En juillet 2006, le tarif de rachat du biogaz a été fortement augmenté. Il atteint 0,14 €/kWh à condition de valoriser la chaleur produite (voir arrêté du 10 juillet 2006 publié au Journal officiel n° 171 du 26 juillet 2006, page 11134). (2) www.aria-enr.fr. Aria a été le partenaire de l’installation au Gaec Joly (voir Réussir Aviculture n° 140 octobre 2008, pages 38-40).