Les éleveurs sont-ils réceptifs aux pratiques sans antibiotique ? Ont-ils conscience des dangers de l’antibiorésistance ?
Christine Filliat -
Cela fait 30 ans que je propose cette démarche globale avec recours à l’homéopathie et à la phytothérapie. Je propose ces thérapies en élevage pour répondre à des pathologies où la médecine chimique n’a pas de solution et parce qu’elles sont sans résidu pour l’environnement et pour les produits finaux. Elles permettent aussi de lutter contre l’antibiorésistance.
Il y a quelques années, il fallait sensibiliser les éleveurs et les motiver. Aujourd’hui avec le plan Ecoantibio, les cahiers des charges en agriculture bio, l’évolution de la demande des consommateurs, leur expérience en face des résultats… Les éleveurs sont demandeurs. Ils sont informés sur l’antibiorésistance, mais leur motivation première est le "sans résidu".
Vous parlez de médecine complémentaire, qu’entendez-vous par là ?
C. F. -
Médecine complémentaire parce qu’elle ne se substitue pas à l’allopathie. C’est une autre démarche en élevage et on peut associer les deux. Il a été montré que l’utilisation d’huiles essentielles en parallèle des antibiotiques bonifiait leurs effets. Chaque thérapeutique peut se compléter, dans l’idée d’augmenter le retour des animaux à la santé plus rapidement. L’arsenal thérapeutique est plus complet. Toute exclusivité de médicament est condamnable lorsqu’on constate des échecs sans s’ouvrir sur d’autres possibilités. Les molécules antibiotiques sont précieuses dans certaines pathologies. C’est leur usage qui doit être raisonné.
Quels sont les freins réglementaires aux produits alternatifs ?
C. F. -
L’Administration n’a pas encore attribué un statut bien défini aux produits phytothérapiques : sont-ils des médicaments, des compléments alimentaires, des biocides ? Ceci laisse planer des doutes chez certains praticiens et ouvre la porte à l’automédication avec des achats sur Internet ou auprès de fabricants non évalués sur la qualité de leurs produits.
Pour l’homéopathie, il s’agit de médicaments bénéficiant d’une AMM, donc pas de souci pour nous. Mais pour suivre la législation, il faudrait une ordonnance pour la délivrance en pharmacie, en dehors des cabinets vétérinaires.
Le rôle des vétérinaires ne change pas : auditer les élevages, poser un diagnostic et prescrire le médicament adapté à la pathologie ou au trouble identifiés, quelle que soit sa catégorie.