Une transmission par étapes avec le share-milking en Nouvelle Zélande
En Nouvelle-Zélande, le statut de chef d’exploitation alliant capital, cheptel et travail n’est pas la norme. Une carrière d’éleveur laitier s’effectue progressivement, par étapes, avec une prise progressive du capital. Notamment dans un contexte familial où les trusts complètent le tableau des transmissions.
En Nouvelle-Zélande, le statut de chef d’exploitation alliant capital, cheptel et travail n’est pas la norme. Une carrière d’éleveur laitier s’effectue progressivement, par étapes, avec une prise progressive du capital. Notamment dans un contexte familial où les trusts complètent le tableau des transmissions.
Le métayage a peu à peu disparu du paysage agricole français. Il s’agit pour un propriétaire d’apporter des moyens de production, et non uniquement du foncier, à un agriculteur qui le rémunérera par une part de la production.
En Nouvelle-Zélande, il est courant d’exploiter une ferme sans en être le propriétaire, c’est le share-milking. Près d’un tiers des troupeaux laitiers du pays sont sous ce modèle. Un système certes exotique mais qui peut donner des idées dans l’Hexagone où seule l’installation prévaut.
« En Nouvelle-Zélande, les différents statuts juridiques d’éleveurs laitiers favorisent la transmission du capital et prennent en compte la pénibilité du travail avec l’âge », analyse Marion Cassagnou, économiste à l'Idele.
D’autant qu’accolé à des trusts familiaux, le share-milking permet une transmission progressive des exploitations laitières avec une montée des compétences et des investissements crescendo en évitant, pour partie, les banques et leurs taux d’intérêt variables.
Définition
L’exploitation agricole, une entreprise comme une autre
« Mon fils Zeb est share-milker dans une autre ferme du district. Un jour il prendra ma relève sur cette ferme qui appartenait à mon grand-père », raconte Grant Wills, éleveur laitier dans la région du Waikato en Nouvelle-Zélande.
Son fils, avant de devenir share-milker, était farm-manager. « Cela a été une très grande étape pour lui de passer de farm-manager à share-milker, il a fallu acheter les vaches, trouver des employés… », retrace son père.
« En Nouvelle-Zélande, une carrière d’éleveur laitier passe par plusieurs étapes avec plusieurs niveaux de prise de responsabilité », explique Marion Cassagnou, économiste à l’Idele. Tout d’abord, il y a le salariat avec un salaire fixe selon le niveau de responsabilités assumées.
Une prise de responsabilité progressive dans l’exploitation
Il est également possible d’être salarié tout en ayant des parts dans la ferme. Comme Matt Iremonger et sa femme. Ils sont tous deux managers généraux salariés de la Willesden farm Ltd au sud de Christchurch, une ferme de 6 000 hectares alliant production laitière, Angus, agneaux Romney et forêt. En plus de leurs salaires, une partie des bénéfices leur revient selon le nombre de parts qu’ils détiennent.
Autre statut : le contract-milker. Il est payé en fonction de la matière sèche produite et de la quantité de travail agricole effectué. « C’est une rémunération fixe selon sa productivité. Il n’est pas soumis à la volatilité des prix. C’est le propriétaire qui fait le tampon avec le prix du lait », analyse Marion Cassagnou. Le contract-milker gère le troupeau, l’embauche et le management des salariés.
« Le contract-milker est moins dans les choix stratégiques, il est dans le management quotidien du troupeau », décrypte l’économiste. À l’inverse, le share-milker va gérer les vaches, la traite, le pâturage, les salariés, qui sont généralement logés sur la ferme. Il est également propriétaire des équipements comme les tracteurs et les quads. Les dépenses liées à l’alimentation du cheptel, aux travaux agricoles et à la fertilisation des parcelles sont partagées avec le propriétaire. Progressivement, il acquiert le cheptel. Lorsqu’il en est pleinement propriétaire, il percevra la moitié de la vente du lait et du bétail. En attendant, il devra se contenter de 20 à 30 % du revenu du lait. L’autre partie revenant au propriétaire de la ferme.
Faire ses armes ailleurs
Dans le Waikato, c’est Chad, share-milker qui exploite la ferme de Grant Wills. Il a progressivement racheté le cheptel et est désormais propriétaire des 650 vaches. De son côté, Grant possède les terres et les infrastructures « en dur » comme la salle de traite et les bâtiments. Il s’occupe de la vision à long terme de l’exploitation. « J’ai toujours le contrôle de ma ferme, explique Grant. Avec Chad nous discutons des décisions. Il peut y avoir des tensions saines. Lui a tout intérêt à produire le plus possible quand je veux plutôt améliorer ma terre. »
« Même si je gagne moins d’argent, j’ai plus de temps pour moi et pour m’occuper mes terres. » Grant Wills, éleveur laitier dans la Waikato en Nouvelle-Zélande
« Ces différents statuts juridiques favorisent la transmission du capital mais aussi du savoir tout en douceur et prennent en compte la pénibilité du travail d’éleveur laitier avec l’âge », analyse Marion Cassagnou.
« Quand Chad partira, Zeb s’installera sur la ferme familiale », prévoit Grant. Cela sera un 1er juin, jour de « moving day » en Nouvelle-Zélande. Pour se coordonner, les déplacements d’éleveurs et de leurs troupeaux ont lieu le même jour, à l’image d’une transhumance générale.
Les trusts familiaux pour un héritage équitable
La ferme familiale, Grant en est propriétaire avec sa femme, chacun pour moitié, au travers d’un trust. Leurs trois enfants en sont bénéficiaires. « Cela permet un héritage équitable entre les enfants », explique l’éleveur laitier.
« Les trusts familiaux permettent de transmettre l’exploitation à toute la famille, décrypte l’économiste. Quand un enfant veut reprendre la ferme, il rémunère les parts de ses frères et sœurs qu’ils rachètent ensuite progressivement. C’est une rente pour la famille et une grande partie de l’économie de la Nouvelle-Zélande dépend du prix du lait. » Avec des prix du foncier très élevés et des taux d'emprunt variables, ce montage permet également d'éviter, en partie, des prêts bancaires coûteux.
Hors contexte familial, le share-milker pourra revendre une partie de son cheptel pour dégager du capital et acheter une petite ferme.