Traite : des hauteurs de quais trop souvent inadéquates
La hauteur des planchers mammaires à la traite a un impact important sur la posture du trayeur et le risque de troubles musculo-squelettiques. Le projet ErgoTraite pointe des situations très défavorables, et la nécessité de revoir les recommandations.
La hauteur des planchers mammaires à la traite a un impact important sur la posture du trayeur et le risque de troubles musculo-squelettiques. Le projet ErgoTraite pointe des situations très défavorables, et la nécessité de revoir les recommandations.
À la traite, il faut éviter de positionner les bras au-dessus du cœur et respecter le plus possible les zones de confort définies. Autrement, il y a un risque accru de troubles musculo-squelettiques, d’augmentation du risque cardiaque et de fatigabilité supplémentaire. Voilà pour la théorie. Dans la pratique, c’est une tout autre histoire. Les quais se révèlent souvent trop hauts et inadaptés aux morphologies des vaches et parfois même des trayeurs.
« En matière de conception de salle de traite, dans la majorité des cas, seule la taille des trayeurs est prise en compte par les constructeurs », regrette Sébastien Guiocheau, spécialiste bâtiment à la chambre d’agriculture de Bretagne. Pour les branchements sur le côté, les recommandations préconisent une hauteur de quai égale à la moitié de celle du trayeur. Le même calcul s’applique pour les branchements par l’arrière, avec une majoration de 10 cm. « Or, les préconisations en termes de hauteur de quai ou de disposition des éléments de contention ne datent pas d’hier, précise le conseiller. Le souci, c’est qu’elles n’évoluent pas aussi rapidement que le format des vaches laitières, la génétique ayant notamment favorisé les grandes vaches aux mamelles bien accrochées sur les dernières décennies. »
53 % des branchements en conditions pénibles
Pour dresser un état des lieux des conditions de traite sur le terrain et proposer des évolutions concrètes, un projet Casdar (2021-2023) est actuellement en cours(1). Une première étude menée sur sept élevages et quatre systèmes de traite (épi 30°, épi 60°, TPA, roto extérieur) a consisté à mesurer les hauteurs de planchers mammaires et les distances d’atteinte horizontales des mamelles en salle de traite, ces deux paramètres influençant la position du trayeur. « Concrètement, nous avons regardé à quelle hauteur le trayeur doit porter la griffe pour atteindre les trayons, mais aussi s’il est obligé de porter la griffe à bout de bras et de se pencher afin d’atteindre la mamelle. »
Le constat est édifiant. Sur 726 vaches, la hauteur de travail se situe dans la zone de confort optimale recommandée par les normes pour seulement 12 % des vaches traites, et 13 % pour la distance d’atteinte horizontale. Les interventions pénibles concernent quant à elles respectivement 53 % et 41 % des vaches traites pour ces deux critères. Il ressort que les TPA et les salles de traite épi 60° sont défavorables à une hauteur de travail correcte, et les épi 30° pénalisent particulièrement la distance d’atteinte horizontale.
« Dans l’étude, les hauteurs de planchers mammaires atteignent en moyenne 64 cm (et plus de 80 cm dans certains cas) tandis que la valeur maximale relevée en France en 2009 par l’Institut de l’élevage s’élevait à 65 cm, détaille Sébastien Guiocheau. Ce qui explique la grande proportion de branchements effectués hors zone de confort, et plus particulièrement pour les femmes, souvent plus petites. »
Concilier hauteur confortable et visibilité convenable
Lors de la conception d’une salle de traite, il est nécessaire de prendre en compte systématiquement la hauteur de plancher mammaire – variable selon les races, les troupeaux, les vaches, le nombre de lactation –, en complément de la taille du trayeur, pour adapter au mieux la hauteur des quais. Par contre, moduler la hauteur des quais ne suffit pas forcément à accéder à la totalité des mamelles dans une zone de travail confortable. « En effet, si l’on abaisse les quais, les éléments de contention arrière entravent la visibilité et l’accès aux mamelles. C’est pourquoi, il faut réfléchir à remonter la contention arrière et les pare-bouses, et surtout sensibiliser les constructeurs pour proposer des solutions facilitatrices pour les trayeurs. »
Le saviez-vous ?
Si les robots de traite représentent plus de la moitié des installations neuves, les salles de traite à pose manuelle des faisceaux représentent encore 85 % des installations en service.
Capturer les mouvements dans l’espace
Le Casdar Ergotraite inclut une analyse biomécanique des mouvements par « motion-capture », une technologie numérique largement utilisée par l’industrie du cinéma et du jeu vidéo. Sur quinze élevages, les trayeurs ont été équipés d’une combinaison intégrale, confortable et facile à enfiler, dotée de capteurs. Lors de la traite, tous leurs gestes ont été enregistrés, modélisés et qualifiés sur la base de modèles ergonomiques. « Cette solution permet de visualiser immédiatement sur un avatar qui reproduit les mouvements du trayeur, les zones du corps qui sont sollicitées au-delà de leurs limites », explique Sébastien Guiocheau. L’édition des rapports permettra de repérer les actions les plus traumatisantes pour le corps et d’inciter les équipementiers et les concepteurs à œuvrer pour améliorer l’ergonomie à la traite.
Avis d’éleveur : Pascal Prigent du Gaec des Lauriers, 165 vaches dans le Finistère, en roto extérieur 40 postes
« Nous avons fait abaisser le quai du roto »
Comme nous avons plus de 20 cm d’écart de taille avec ma femme, nous avons aussi opté pour deux planchers mobiles de 4 mètres. Distants de 1 m 50, ils sont reliés par un plan incliné articulé qui atténue la dénivellation. Même avec notre quai rabaissé, j’apprécie de relever le plancher mobile de 5 cm et ma femme de 15 cm. C’est d’autant plus utile que nos prim’Holstein présentent des planchers mammaires assez hauts. Nous en avons eu pour 15 000 euros. Un coût finalement pas si élevé si on le ramène à l’investissement du roto. Nous n’imaginons plus faire sans. »