Sécheresse : « Grâce à l'agriculture de conservation, nos sols sont plus structurés »
En semis direct et avec 100 % des sols couverts toute l’année, le Gaec de la Huberdière, en Vendée, a des sols structurés et riches en matière organique. Deux facteurs favorables au réservoir en eau utilisable. L’irrigation reste toutefois indispensable au maïs.
En semis direct et avec 100 % des sols couverts toute l’année, le Gaec de la Huberdière, en Vendée, a des sols structurés et riches en matière organique. Deux facteurs favorables au réservoir en eau utilisable. L’irrigation reste toutefois indispensable au maïs.
L’agriculture de conservation des sols (ACS), avec semis direct et 100 % de couverture des sols toute l’année, s’est mise en place sur le Gaec de la Huberdière, à Montaigu-Vendée, à partir de 2008 avec la simplification du travail du sol. Rapidement, le semis direct concerne toute l’exploitation. En 2017, le méteil est généralisé à toutes les surfaces où est implanté un maïs. Toute l’année, tous les sols sont couverts de prairies, de couverts de courte durée retournant au sol ou de méteil.
Les sols du Gaec sont superficiels (30 cm de profondeur) et limoneux sableux. Ils sont très sensibles aux aléas climatiques. Vincent Bossard, un des associés du Gaec, estime que l’ACS, en améliorant le sol dans sa globalité, a un effet positif sur les flux d’eau.
Une meilleure infiltration de l’eau
« Le semis direct avec des sols couverts a permis d’améliorer la structure du sol. C’est l’effet le plus visible », met en avant l’éleveur. Les petites mottes et la porosité du sol ont permis d’améliorer l’infiltration de l’eau dans le sol. « Le sol ressuie mieux : il a gagné en portance l’hiver. Cela permet d’intervenir en abîmant bien moins le sol. Il n’y a pas de traces d’engins qui marquent la terre ». Si l’eau s’infiltre mieux en profondeur, elle ruisselle moins en surface. Cela se voit à l’œil nu dans les ruisseaux.
Autre constat : « L’eau qui sort de nos drains est claire, contrairement à ce que nous constatons chez des voisins qui labourent, où l’eau ressort marron. » C’est un autre effet positif de la structuration du sol. Enfin, les couverts limitent l’érosion du sol par le vent et la pluie. Tout cela est favorable au réservoir en eau utilisable par les plantes.
Une forte hausse de la matière organique
Cette amélioration du sol se lit aussi dans les analyses de sol. Dans une des parcelles, la matière organique est de 48,9 g/kg en 2022 quand elle était de 29,4 g/kg en 2016, ce qui était déjà un niveau correct. Une amélioration de la matière organique contribue à augmenter le réservoir en eau utilisable, même si l’effet reste faible (lire page 16). « L’augmentation du taux de matière organique a pris du temps et s’est accélérée ces dernières années. C’est sans doute lié aux tâtonnements des débuts car nous étions pionniers. Et, en ACS, il y a un passage délicat les troisième et quatrième années où l’effet du non-travail n’est pas encore compensé par l’amélioration du sol. Ce sol refermé peut décourager. Ensuite, l’effet vie et structuration du sol reprend le dessus », explique Vincent Bossard.
Semer dense le méteil à 100 kg/ha
Il y a deux types de couverts au Gaec de la Huberdière : les couverts semés en été de courte durée, gélifs, et qui sont destinés à retourner au sol, et les méteils semés en automne qui sont ensilés au printemps suivant.
Les couverts courts sont semés à 12 kg/ha avec de la moutarde (8 kg), de la phacélie (2 kg) et du tournesol (2 kg).
Le méteil 2022 était composé de 60 kg/ha de triticale et seigle (semence fermière) et 30 kg de trèfles (incarnat, Alexandrie, ccc) et de vesce.
« Au fil des ans, nous avons augmenté la densité de semis des méteils. Elle était de 40 kg au début dans les années 2010, nous allons sans doute monter à 100 kg/ha. Nos observations et celles des autres agriculteurs des groupes (Geda, Apad) sont qu’avec des densités plus fortes les couverts croissent plus vite, comme si la compétition pour la lumière les poussait à prendre de la hauteur. Le démarrage de la végétation est plus vif et le salissement s’en trouve réduit. »
Récolter tôt le méteil
Le méteil est composé et conduit pour viser une récolte précoce avant le semis du maïs (fin avril-début mai). L’avoine a été abandonnée car il y avait des repousses gênantes dans le maïs. Le pois a aussi été écarté parce qu’il disparaissait au printemps. La féverole était souvent malade et la tige de la féverole n’est pas bien adaptée pour l’ensilage. « Si le printemps est séchant, nous anticipons la récolte du méteil, parce que souvent, quand il fait sec au printemps, c’est qu’il y a un vent d’est encore froid, et le méteil ne se développera plus beaucoup. Cela ne sert à rien d’attendre et le sol risque de s’assécher davantage avant le maïs ou le sorgho. »
Les prairies temporaires n’entrent plus dans les rotations avec céréales et maïs. Le Gaec les laisse durer et souvent basculer en prairies permanentes. Les éleveurs intègrent de plus en plus des espèces adaptées au changement climatique, avec plus de fétuque élevée, du dactyle et du ray-grass hybride. « Avant, nous avions des prairies en ray-grass anglais et trèfle blanc. Les températures bloquent leur croissance avant que le manque d’eau soit limitant. »
Un effet sur les rendements peu évident
Cette agriculture de conservation des sols permet-elle aux cultures et aux prairies du Gaec de mieux résister aux sécheresses ? « Ce n’était pas l’objectif de l’ACS. Notre objectif premier était de redonner vie à nos sols et d’y voir des vers de terres. D’aller vers un système autofertile où les racines et la vie du sol travaillent pour nous », pointe Vincent Bossard.
Il admet : « Nous ne pouvons pas affirmer que l’ACS permet de mieux résister aux sécheresses, même si je pressens que oui. Toute notre exploitation est conduite en ACS. Nous ne pouvons donc pas comparer avec des parcelles conduites différemment. » Et comparer les rendements d’avant avec ceux d’aujourd’hui n’est pas possible non plus, à cause d’effets année trop importants.
Par rapport à ses voisins ayant des sols comparables, « pour le maïs (irrigué à 1 500 m3/ha), les rendements et taux de remplissage des grains semblent similaires. Par contre, ce qui est net, c’est que nos maïs restent plus verts. Nous avons peu de dessèchement à la fin. À la récolte, le taux de matière sèche est de 29 à 31 % environ et le stade du grain est correct ».
Des haies en projet
Le Gaec compte 2 à 3 km de haies et beaucoup de bandes enherbées, où les matériels effectuent leurs manœuvres. « Nous avons en projet de planter des haies le long de toutes les parcelles de prairies, pour faire des abris aux animaux, et avec des espèces comestibles pour apporter un complément fourrager en plein été. » Cela tombe bien : les haies jouent aussi un rôle sur la teneur en eau du sol et le réservoir utilisable, grâce à leurs racines qui font remonter l’eau et à leur végétation qui apporte de l’ombre et climatise le sol (lire page 26).
Chiffres clés
15 ha de céréales (triticale, seigle, orge), 30 ha de maïs pour l’ensilage, 10 ha de sorgho fourrager BMR pour l’ensilage, 85 ha de prairies permanentes et 40 ha de prairies temporaires
180 ha de méteils ensilés en dérobée avant maïs et des couverts d’été de courte durée pour assurer un retour au sol
Mise en garde
Le Gaec a fait l’impasse sur le chaulage plusieurs années de suite. Cela se voit aux analyses avec le pH qui diminue. « Nous le voyons aussi sur nos sols, qui se referment et se tassent plus facilement. Il va donc falloir reprendre des amendements réguliers. »
Rester bien couvert en été !
Le Gaec va tester une pratique que des adhérents Apad ont tentée avec succès en 2022. Habituellement, le couvert de courte durée est semé juste après la céréale, puis le méteil est semé à l’automne en direct dans le couvert gélif. La nouvelle pratique consiste à semer le méteil en même temps que le couvert d’été de courte durée. « Le méteil profite de l’ombre et de la fraîcheur des résidus de céréales et des pousses du couvert. Malgré un été 2022 très chaud et sec, la levée s’est bien passée, sans irrigation. Cela évite un passage d’engin à l’automne et le sol est mieux couvert dès l’été. Cela fait baisser la température de la surface du sol : 30 à 35 °C au lieu de 45 °C ou plus, d’après la littérature scientifique. »
Et s’il n’y avait plus d’irrigation ?
Avec moins d’apport d’eau, il y aurait moins de maïs, plus de sorgho, plus de prairies et une adaptation de la conduite des vaches.
Le Gaec possède deux étangs, de capacités de 10 000 m3 et 50 000 m3, alimentés par les eaux pluviales et les eaux de drainage des parcelles du Gaec. Le volume est normalement suffisant pour 30 hectares de maïs irrigués avec six tours d’eau. En 2022, les étangs étaient moins remplis. « Nous avons préféré réduire le volume d’eau par tour d’irrigation (20 au lieu de 25 mm) et arroser tous les maïs pour assurer un minimum de rendement. Faire du maïs en sec ici, ce n’est pas envisageable ! Il n’y aurait pas de rendement. Avec l’irrigation, le potentiel est de 12 t MS/ha. »
Adapter encore les espèces prairiales
« Si demain, nos étangs avaient vraiment moins d’eau, nous devrions réduire la surface en maïs, voire l’arrêter, au profit du sorgho, poursuit Vincent Bossard. Nous ferions plus de prairies, avec des espèces adaptées, car l’herbe donne toujours à un moment donné de l’année du volume et de la qualité. Comme le pâturage est de plus en plus positionné sur la période d’octobre à mai et que nous avons un trou en été, nous grouperons sans doute davantage de tarissements sur juillet et août, pour éviter de faire de coûteuses rations hivernales en plein été quand les vaches sont en stress thermique. »