Récoltes 2024 : « une campagne traumatisante » pour les céréaliers du Poitou-Charentes
L’heure est au bilan chez les producteurs de céréales, au terme d’une campagne 2024 qui fut difficile du début à la fin. Les conséquences économiques ne sont pas les mêmes selon les exploitations dans cette région du Centre Ouest où les assolements et les niveaux de spécialisation sont très divers.
L’heure est au bilan chez les producteurs de céréales, au terme d’une campagne 2024 qui fut difficile du début à la fin. Les conséquences économiques ne sont pas les mêmes selon les exploitations dans cette région du Centre Ouest où les assolements et les niveaux de spécialisation sont très divers.
Les mauvais rendements des céréales d’hiver pèsent fortement sur les résultats
Entre 50 et 65 q/ha de rendement en blé en fonction des dates de semis
Bénédicte Granier cultive 180 ha de céréales à Montalembert dans les Deux-Sèvres, sur des terres argileuses, riches en phosphate et en limons. Les 80 ha de blé tendre ont été semés en trois fois et les résultats ne sont pas bons. Les 40 % implantés au 15 octobre ont donné entre 50 et 55 q/ha. « Ce sont de mauvais rendements pour nos terres, ils paraissaient beaux, mais au final, il manquait des grains dans les épis ». Les 50 % semés au 15 novembre, avec les 15 ha d’orge d’hiver, ont fait eux 65 q/ha, « ce qui n’est pas mal pour l’année ». Enfin, les 10 % semés au 27 décembre font, comme les premiers, un petit 50 q/ha. « La moyenne de l’année est à 55 q/ha, ce qui est très inférieur à nos rendements habituels autour de 70 q/ha, parfois à 75 q/ha les bonnes années », explique Bénédicte Granier. Sur cette exploitation, les rendements sont les mêmes qu’en 2011, année de forte sécheresse dans la région.
31 q/ha de rendement en colza
Les 40 ha de colza ont donné eux en moyenne, 31 q/ha avec des variations entre 28 et 38 q/ha selon les parcelles. C’est un mauvais rendement là aussi car la moyenne habituelle est à 38 q/ha avec des pointes à plus de 40 q/ha les bonnes années.
Grosse déception en tournesol avec un rendement moyen de 22 q/ha
Les 30 ha de tournesol, récoltés dans de mauvaises conditions entre le 1er et le 15 octobre n’ont pas été bons non plus, alors qu’ils étaient « prometteurs ». Le rendement moyen est de 22 q/ha contre 27 à 30 q/ha habituellement, avec des taux d’humidité entre 10,5 et 17 %. La coopérative a fait « un geste » sur les frais de séchage mais ils s’élèvent quand même à 30 €/t.
Une perte globale de 50 000 à 60 000 €
Bénédicte Granier estime la perte globale sur l’exploitation « entre 50 000 et 60 000 € ». Seul le colza et 50 % du blé ont été vendus à ce jour, mais l’exploitante prévoit de vite vendre le tournesol pour profiter des cours actuels qui sont élevés à 600 €/t, ce qui va sauver un peu la mise. « C’est la deuxième mauvaise année de suite après 2023 où les rendements n’étaient pas bons et les coûts des matières premières très élevés. Mais avec des prix des intrants plus bas cette année, la rentabilité sera peut-être au final meilleure cette année », espère l’exploitante, qui n’envisage pas de vivre une troisième mauvaise année…
Une campagne compliquée du semis à la récolte
Les cultures de vente particulièrement sinistrées
2024 a été une année « traumatisante » pour Yves Pouthiers, céréalier et éleveur laitier à Marillac-le-Franc dans le nord Charente. L’agriculteur, installé depuis 1993, considère 2024 comme l’année la plus « éprouvante » qu’il est vécu. Tout a été compliqué, avec des semis d’automne qui n’en finissaient plus, des traitements difficiles à positionner et des récoltes problématiques à gérer. Au final, il a obtenu des rendements de 55 q/ha en blé tendre, 30 q/ha en orge d’hiver, 45 q/ha en orge de printemps avec un quart déclassé pour la brasserie, 5 à 18 q/ha en tournesol selon les parcelles avec 50 % non récoltés suite aux coups de vent et tempête… les cultures de vente sont particulièrement sinistrées sur l’exploitation.
L’atelier lait sauve l’année
Seule consolation, l’atelier laitier, qui avec 35 vaches, va permettre de sauver l’année en raison du prix du lait élevé. « Heureusement que j’ai le lait », assure le polyculteur-éleveur. En outre, il est satisfait de sa récolte en maïs ensilage (13 à 14 T/ha de matière sèche) et la récolte de foin a été abondante.
L’équivalent de deux années de pluie dans le sud Charente
Les cultures d’hiver remplacées par des cultures de printemps
« Sur la campagne 2024, la pluviométrie s’élève à 1 560 mm, soit l’équivalent de deux années de pluie », décrit Pierre Devaire, céréalier et viticulteur à Bonneuil, dans le sud Charente. Cette année, il n’a implanté que des cultures de printemps, 20 ha de maïs grain et 15 ha de tournesol, n’ayant pu semer les cultures d’hiver prévues. « Mes tournesols ont été récoltés début octobre à 12, 15 points d’humidité avec un rendement de 27 q/ha, moins bien que prévu mais cela reste correct. J’avais semé en avril après les derniers labours. On a eu une jolie levée, c’était prometteur, mais ils ont pâti d’une fin de cycle humide ». L’agriculteur explique que le négoce a fait un effort, en commençant à faire payer le séchage à 12 points d’humidité, contre 9 habituellement.
Des résultats satisfaisants en maïs grain
Le maïs grain a été récolté le 30 octobre, très sec car semé le 25 avril à une date classique. Le rendement, entre 80 et 90 q/ha, avec des humidités entre 22 et 24 %, est très correct pour l’exploitation. Mais Pierre Devaire précise que son maïs a été semé sur des terres peu profondes où était prévu du blé tendre. La situation n’est pas la même chez ses voisins qui ont implanté leurs maïs fin mai dans les terres profondes de la vallée de la Charente. « Les maïs ne sont pas récoltés et les humidités apparemment élevées autour de 30 », indique l’exploitant.
Les cultures de printemps permettent de limiter la casse
Pierre Devaire a pu semer son blé tendre cette semaine. « Nous avons été obligé de ressortir la charrue pour labourer car nous n’avons pas pu faire de déchaumage. Le sol était trop tassé, après les récoltes de tournesol en condition humide », explique-t-il. L’impact économique de cette année si particulière est finalement limitée sur l’exploitation, du fait de la réorientation complète de l’assolement sur les cultures de printemps et de la présence de vignes pour le Cognac. Une culture qui a moins souffert des conditions climatiques de l’année mais qui est confrontée à des problématiques de débouchés (taxes douanières imposées par la Chine)...