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Prix de revient : maîtriser ses chiffres pour mesurer sa rentabilité

Le prix de revient d’un produit permet de mesurer sa compétitivité par rapport à un prix de vente et de piloter sa commercialisation. Le calculer est l’occasion de mettre à plat ses charges et de mesurer la rentabilité de ses productions.

Tracteur sur la route avec une remorque remplie de grain de blé à livrer
Le prix de revient, proche de la notion de seuil de commercialisation, permet de déterminer le prix minimum qui contribue à couvrir les différentes charges, ainsi que la rémunération de l'agriculteur.
© S. Leitenberger/stock.adobe.com

Le prix de revient est un outil de comparaison pour évaluer sa compétitivité par rapport à un prix de marché ou à l’échelle de sa propre exploitation en regardant les résultats d’une année sur l’autre. « C’est un moyen de savoir si son système est économiquement viable », avance Mathilde Schryve, responsable études et prospectives au Cerfrance Bourgogne-Franche-Comté.

Outil de gestion pour les uns, outil comptable pour les autres, il existe différentes méthodes pour le calculer : ce que l’on met derrière suscite des débats entre les meilleurs spécialistes de la gestion d’entreprise ! En agriculture, on peut toutefois retenir que le prix de revient correspond au coût de production auquel on soustrait les aides découplées de la PAC et que l’on divise par un rendement à l’hectare.

Mettre la rémunération de l’agriculteur au cœur de la réflexion

Il se confond avec la notion de seuil de commercialisation qui correspond au prix de vente minimum qui permettra de rémunérer l’ensemble des ressources mobilisées pour produire, y compris la rémunération de l’agriculteur. En intégrant la rémunération de la main-d’œuvre familiale, le prix de revient permet de placer l’agriculteur au cœur du sujet. « Il est indispensable d’intégrer le travail de l’agriculteur lorsque l’on veut établir ses coûts de production et son seuil de commercialisation », considère Sylvain Jessionesse, fondateur de Piloter sa ferme. Difficulté de l’exercice : déterminer le niveau de rémunération que l’on souhaite se verser. « L’agriculteur doit réfléchir à la rémunération mensuelle nette qu’il souhaite avoir, calculer le total à l’année et diviser par le rendement, explique Valérie Leveau, responsable du pôle économie et stratégie d’exploitation chez Arvalis. ​​​​​​ Cela donne une idée de ce que peut représenter la rémunération par tonne produite. » « Généralement, dans nos calculs, on se base sur deux Smic chargés [incluant les charges sociales, ndlr] », avance pour sa part Mathilde Schryve.

Déterminer le coût de production grâce à la méthode Idele

Le coût de production mesure les charges engagées par unité produite. « Un énorme travail a été fait par l’Institut de l’élevage (Idele) pour préciser ce qu’on mettait derrière cette notion de coût de production et à quoi cela pouvait servir », explique Mathilde Schryve.

Selon la méthode de l’Idele, qui peut s’appliquer à toutes les filières, le coût de production est la somme de trois types de charges : les charges opérationnelles, directement affectables et consommées par la culture (engrais, semences, produits phytosanitaires, irrigation, GNR…) ; les charges de structures issues des moyens de production (mécanisation, assurances, fermage, bâtiment, frais financiers, salaires…) ; et les charges supplétives : rémunération de la main-d’œuvre familiale et ses charges sociales, rémunération des capitaux propres et rémunération des terres mises à disposition à titre gratuit par les associés. « Les capitaux propres sont rémunérés comme s’ils étaient placés sur un livret A et les terres sur la base du fermage moyen de l’exploitation », avance Mathilde Schryve. Il est aussi possible d’avoir une approche « trésorerie » du prix de revient. Les amortissements et frais financiers sont alors remplacés par les annuités d’emprunt. « C’est ce que l’on peut considérer comme un seuil à couvrir de survie », précise Valérie Leveau.

Une fois que l’on a calculé la totalité des charges, l’enjeu est de répartir, grâce à des clés de répartition, chaque poste de charge entre les productions de l’exploitation pour parvenir à un prix de revient pour une production donnée. Il s’agit par exemple d’affecter les charges de mécanisation ou de carburant en fonction du poids de chaque production. Les clés de répartition peuvent être basées sur la proportion de chiffre d’affaires ou la quantité produite (en kilo, en tonne, en litre…).

Utiliser le prix de revient pour vendre au bon moment

« On peut aller plus ou moins loin dans la précision du calcul du prix de revient, mais l’essentiel est d’avoir un ordre de grandeur qui permet d’aller se positionner par rapport à un prix de vente », avance Valérie Leveau. Le prix de revient est donc un outil précieux pour piloter la commercialisation de sa production.

La période récente a montré des écarts de prix de revient importants entre exploitations, y compris d’une même région. L’agriculteur n’a ni la maîtrise du marché (volatilité des prix), ni celle du volume produit (le rendement dépend beaucoup du climat et du potentiel des sols). « Le seul aspect où l’agriculteur à la main, c’est sa stratégie d’achats d’intrants et de vente de sa production », note Sylvain Jessionesse. Améliorer son prix de revient passera donc par une optimisation de ses intrants à l’hectare en fonction d’un potentiel de production et d’un suivi des évolutions de prix pour acheter au moment opportun.

Quelles que soient les comparaisons que l’on établit à partir du prix de revient, « il faudra veiller à ce que les calculs soient effectués selon la même méthode pour éviter les mauvaises interprétations », prévient Mathilde Schryve.

Peut-on déjà établir son prix de revient 2024 ?

Beaucoup d’éléments permettent d’estimer son prix de revient 2024 de manière prévisionnelle : les charges d’intrants et de structure sont connues, reste une interrogation du côté des rendements. Mais il est possible de faire deux ou trois scénarios plus ou moins optimistes pour l’estimer et surtout pour décider à bon escient d’engager de la récolte. « Au cours de la deuxième moitié de campagne, on connaît assez vite les charges de l’itinéraire cultural, soulève Vincent Lecomte, chargé d’études technico-économiques chez Terres Inovia. ​​​​Dès qu’on a une vision plus précise de l’état de la culture, sans prendre une hypothèse trop optimiste sur les rendements, on peut décider d’engager une partie de sa récolte. » « À tout moment de la campagne, dès que le prix de vente couvre le prix de revient, il faut sécuriser sa marge en vendant une partie de sa production », résume Sylvain Jessionesse.

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