Prairies : un chaulage efficace grâce à la mesure du pH du sol
L’acidité des sols est liée à un processus naturel d’échanges entre les protons du sol (ions positifs), la plante et l’eau. Elle est indiquée par le pH, une mesure essentielle qui permet de justifier un chaulage d’entretien ou de redressement, à la parcelle.
« En Normandie, plus de 25 % des parcelles présentent un pH trop acide et nécessitent un chaulage urgent », alerte Sylvie Chartrain, responsable du service agronomie du laboratoire Lano. La situation n’est pas propre à cette région.
« Le pH des prairies n’est malheureusement pas toujours suivi de façon régulière, constate Pauline Hernandez, conseillère fourrages à la chambre d’agriculture de l’Indre. Pratiqué par habitude, le chaulage est souvent effectué sans le support d’une analyse de sol. Les apports de chaux peuvent donc être trop faibles ou trop irréguliers. »
Définition
La mesure du pH du sol est réalisée selon deux méthodes :
• le pHeau correspond au pH d’une suspension de terre dans l’eau
• le pHKCl correspond au pH d’une suspension de terre dans une solution de chlorure de potassium
Le pHKCl donne des valeurs inférieures au pHeau de 0,5 à 1 unité. Mais ces deux mesures sont redondantes et le pHeau, le mieux référencé en France, suffit à lui seul pour le diagnostic.
La mesure du pH des sols, peu pratiquée, est pourtant facile à réaliser et peu coûteuse. Elle s’effectue à l’aide d’un pH-mètre, qui permet un suivi régulier, ou d’une analyse de terre qui sert de base pour piloter la fréquence et la dose d’apport de l’amendement basique, en cohérence avec les résultats du terrain.
Un pH de référence pour chaque type de prairie
Souvent visibles par foyer, les symptômes de l’acidité du sol (faible tallage, rougissement des gaines, etc.) doivent alerter sur la nécessité de réaliser une mesure de pH pour le corriger, si c’est le cas, par un chaulage. « Il faut vérifier où se situe le pH de la parcelle par rapport au seuil de référence, basé sur le type de prairie en place et le type de sol », souligne Hélène Lagrange, ingénieure spécialisée en fertilisation chez Arvalis.
Une remontée de pH d’un sol d’une prairie permanente n’apporte pas toujours de bénéfice, sa flore spontanée étant adaptée à ce type de sol. En revanche, une prairie temporaire, composée d’une flore plus productive, doit être implantée sur des sols où le pHeau est supérieur à 5,5. « Pour assurer un optimum de fertilités chimique, biologique, physique et une meilleure composition botanique, les prairies temporaires ont besoin d’un pHeau compris entre 6,2 et 6,3 », indique Sylvie Chartrain.
Dans ces situations culturales, pour neutraliser l’acidité, Arvalis préconise un chaulage de redressement lorsque le pHeau est inférieur à 5,8 et un chaulage d’entretien au-delà de cette valeur.
Chaulage : entretien ou redressement ?
Pour calculer la dose d’apport de l’amendement calcique, plusieurs outils sont proposés, notamment par Arvalis ou le Comifer. Leurs préconisations sont basées sur la capacité d’échange cationique (CEC) du sol et les objectifs de remontées de pH. L’apport de fumier, de lisier, de compost, ou de tout autre effluent organique est aussi à considérer dans le bilan car il contribue au maintien des pH. Un apport de 10 t/ha de fumier correspond approximativement à une demi-dose d’amendement en entretien.
Le chaulage d’entretien convient particulièrement à des situations où le pH se situe dans la zone de compromis, au-dessus du seuil bas et en dessous du seuil haut. « En moyenne, nous estimons que les besoins d’une prairie sont de 300 à 350 unités de CaO/ha/an, pour compenser les pertes en protons dues aux lessivages et aux exportations, explique Pauline Hernandez. Concrètement, ces besoins correspondent à un apport d’entretien de 1 à 1,5 t de CaO/ha, tous les trois à quatre ans. »
La conseillère précise qu’il est plus judicieux de ne pas attendre que le pH soit trop bas pour intervenir. « Un redressement du pH est plus difficile à réaliser et est plus coûteux » , prévient-elle.
Redresser le pH progressivement
Le chaulage de redressement consiste à apporter des amendements calciques avec des produits capables de se dissoudre ou de s’infiltrer rapidement, type carbonate fin ou chaux. « Pour augmenter le pH en cas de redressement, la première dose d’amendement calcique que nous préconisons se situe entre 700 et 1 700 VN (valeur neutralisante)/ha, explique Hélène Lagrange. Selon le pouvoir tampon du sol, exprimé par sa CEC, il est possible de réintervenir quelques années plus tard avec une dose à nouveau élevée pour continuer à redresser le pH. »
En effet, Pauline Hernandez conseille de « ne pas relever le pH de plus d’une unité à la fois car un apport important de chaux modifie trop rapidement les caractéristiques du sol. Il est donc préférable de répartir le redressement du pH sur plusieurs années. L’amélioration de la prairie en place sera donc plus lente. »
Le pH révélé par l’analyse de sol
Pour effectuer une analyse de sol, le laboratoire a besoin d’un échantillon de terre représentatif de la parcelle en effectuant une quinzaine de prélèvements sur une profondeur de 10 cm et préférentiellement en automne ou au printemps, sur un sol suffisamment ressuyé. Pour effectuer un suivi régulier du pH, il convient de toujours prélever à la même période et sur les mêmes zones. « Nous suivons un protocole normalisé, indique Sylvie Chartrain, responsable du service agronomie du laboratoire Lano. Une fois tamisée puis séchée, la terre est mélangée à de l’eau pour réaliser la mesure du pH à l’aide d’un pH-mètre. L’intérêt de cette mesure est de constater ce qui freine la pousse de l’herbe. Un diagnostic foliaire prairial peut ensuite être utile pour vérifier d’éventuelles carences. »
Les plantes indiquent, l’analyse de sol confirme
Dans une prairie, la présence de plantes spontanées donne une indication sur le fonctionnement de la parcelle. Ce sont les plantes bioindicatrices, qui peuvent renseigner sur le pH du sol mais aussi sur d’autres caractéristiques fonctionnelles (texture, compaction, stress hydrique, surpâturage, etc.). « Ce qui compte, c’est davantage le pourcentage de la surface concernée par cette flore plutôt que la flore elle-même », précise Pauline Hernandez, conseillère fourrages à la chambre d’agriculture de l’Indre. Les plantes bioindicatrices sont un outil de suivi des cultures de longue durée. Pour établir un diagnostic précis, ne pas s’en tenir qu’à la présence d’une flore et recroiser cette information avec l’analyse de sol, beaucoup plus fiable pour mesurer un paramètre comme le pH. »