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« Nous avons minimisé l’impact du stress thermique pour nos 110 vaches»

L’été dernier, malgré la canicule, le Gaec de la Papionnière en Loire-Atlantique a maintenu pour la première fois la production et les taux de ses 110 vaches à 11 600 kg. Une meilleure ventilation y a contribué, mais pas seulement.

Le bâtiment des 110 vaches laitières est équipé de quatre brasseurs à pâles de 4 mètres.
© E. Bignon

« Jusqu’à l’an dernier, nous appréhendions toujours quand arrivait l’été, car avec la chaleur ça déraillait vite dans le troupeau ", reconnaît Philippe Jaunasse, l’un des quatre associés du Gaec de la Papionnière, en Loire-Atlantique, et équipé de deux robots de traite depuis 2008. " L’été, les vaches souffraient du stress thermique, elles réduisaient fortement leur ingestion et ruminaient moins bien. La circulation était moins fluide car elles stationnaient beaucoup debout, entassées dans la partie la moins chaude de la stabulation. Le bien-être était pénalisé et au final on faisait moins de lait et de taux. » L’élevage perdait 5 litres de lait en moyenne en juillet-août. Et les éleveurs passaient beaucoup de temps à pousser les vaches jusqu’au robot… 

Pourtant, l’été dernier, malgré des pics de température très marqués, le Gaec a réussi à bien tenir le cap. Ses 110 laitières hautes productrices ont tourné à 36,9 kg par vache entre juillet et septembre, avec un MG à 41,8 g/l et un MP à 34 g/l. Soit quasiment autant que la moyenne annuelle : 36,5 kg, 41,7 g/l de MG et 33,7 g/l de MP. « Ce résultat n’est pas le fruit du hasard, avance Denis Denion, de Seenovia, qui accompagne l’élevage dans sa démarche. C’est la combinaison de plusieurs leviers mis bout à bout, qui a permis de parer efficacement aux effets du stress thermique. »

Installer des brasseurs d’air au-dessus des logettes

Pour rafraîchir le bâtiment, les éleveurs ont d’abord investi dans des brasseurs d’air il y a quatre ans. « C’était devenu impératif car la température n’était plus tenable dans la stabulation semi-ouverte, se souviennent Philippe et Julien Jaunasse. La fréquentation des robots était correcte seulement jusqu’à 10 ou 11 h du matin. » Quatre brasseurs à pâles de 4 m, avec moteur à économie d’énergie, ont été installés tous les 15 m, à 6 m de haut (4 000 € par brasseur). « Nous avons fait attention à les placer au-dessus des logettes, et pas au-dessus des passages. »

Les brasseurs ont amélioré la répartition et la circulation des animaux dans le bâtiment l’été, mais il a fallu trouver les réglages adaptés au bâtiment. « Et même avec les bons réglages, les brasseurs permettent de limiter la casse mais ne règlent pas le problème de stress thermique à 100 %, constate Philippe. On l’a bien vu sur le troupeau. Il y avait quand même toujours une baisse de l’ingestion et du lait. »

Sécuriser la ration en termes de fibrosité

 

La nutrition aussi a été adaptée. « L’été, les vaches étaient toujours un peu sur le fil du rasoir, avec un un peu de subacidose dans le troupeau. » Les éleveurs avaient déjà cherché à sécuriser la ration en termes de fibrosité en intégrant plus d’herbe. Mais dès que la quantité d’enrubannage montait au-delà de 3 kg MS/VL/jour, l’ingestion plongeait du fait d’une valeur d’encombrement trop importante du fourrage. « Et il y avait beaucoup de refus », témoignent-ils. C’est pourquoi, l’an dernier deux types d’ensilage d’herbe ont été récoltés : une première coupe tendre de RGA-TB, et une autre plus fibreuse de RGI. Ces deux fourrages affichent des valeurs quasi similaires (120 g PDIN, 90 g PDIE, 0,92 UFL) mais présentent des fonctions différentes dans le rumen. Le premier permet de monter la part d’herbe sans pénaliser l’ingestion, et le second a une vocation plus structurante. « Cela a permis d’arrêter la distribution de paille, qui s’avérait un non-sens pour des hautes productrices. »

La ration contient aujourd’hui 7 kg MS d’ensilage d’herbe, plus un maïs ensilage à 33 % d’amidon. « En augmentant la part d’herbe, on a amélioré le confort alimentaire et la stabilité de la digestion, poursuit Philippe. On le voit à l’état des bouses, plus homogènes. » De plus, la quantité de correcteur azoté à l’auge (à base de tourteau de soja et de colza) a pu diminuer de 1,2 kg par vache et par jour ! Le correcteur se limite désormais à 500 g à l’auge et 2,3 kg au robot en moyenne (jusqu’à 3,3 kg pour les fortes productrices). « Non seulement on consomme moins de correcteur, mais en plus nous en tirons un double bénéfice sur la fréquentation du robot », souligne l’éleveur. En effet, la ration est moins acidogène (le rapport concentrés/fourrages diminue), ce qui contribue à une meilleure fréquentation du robot. Et le fait d’apporter moins de correcteur à l’auge incite également les vaches à mieux fréquenter le robot, notamment celles en fin de lactation.  « Nous n’en avons quasiment plus aucune à aller chercher, apprécie-t-il. C’est le premier été où on a moins de boulot et plus de lait ! »

Renforcer la complémentation en sel et bicarbonate

L’été, pour tamponner le rumen, les associés ont aussi renforcé la complémentation en bicarbonate de sodium. « Habituellement, nous apportons 200 g/VL/j, mais les jours de fortes chaleurs nous montons à 300 g. » De même, la quantité de sel marin distribuée est passée de 50 à 80 g/VL/j, pour compenser les pertes. « Je préfère le distribuer plutôt que le laisser en libre-service car toutes les vaches ne s’autorégulent pas dans le troupeau », considère Philippe.

Pour satisfaire les besoins accrus en eau l’été (20 à 25 % supplémentaires), un nouvel abreuvoir de 2,50 m a été installé. « On arrive désormais à 10 cm linéaire de place d’abreuvement par vache. »

Finalement, le comportement des vaches a été similaire à celui de l’hiver, avec une bonne fréquentation à l’auge et peu de refus. Même en distribuant la ration une seule fois par jour, le matin, la température de celle-ci est restée très correcte.

Les astuces de Philippe qui font toute la différence

 

 

 

1 Orienter les silos au nord et tasser à fond. « Depuis deux ans, nous tassons systématiquement avec deux tracteurs. On prend le temps qu’il faut », précise Philippe. Les fronts d’attaque sont orientés au nord. Le maïs fourrage se répartit en deux silos, dont un moins large et moins haut, pour favoriser un avancement plus rapide l’été.

 

 

 

2 Maintenir un front d’attaque toujours propre. « L’été, je bataille pour éviter que ça chauffe. Je boudine bien, je dégage le front d’attaque au jour le jour. Je ne pioche pas non plus n’importe comment dans le tas, précise Philippe. J’y vais doucement pour ne pas trop l’ébouler. »

 

 

 

3 Enlever toutes les parties abîmées au silo. Philippe est très méticuleux à la reprise. « Je monte systématiquement sur le tas pour enlever une ou deux fourchées. » Et s’il y a du fourrage éboulé au pied, il vérifie toujours sa température à la main. Il n’hésite pas non plus à descendre du tracteur en cas de doute pour vérifier s’il ne reste pas des boules indésirables, avec du moisi à l’intérieur. « Je ne veux pas me faire surprendre. Depuis la cabine, on ne voit pas tout. »

4 Recourir à des conservateurs adaptés.  L’ensilage d’herbe de RGI à 25 % MS est traité à l’acidifiant, celui à base de RGA-TB, à 50 % MS, reçoit un antifongique. Philippe traite aussi le silo d’été de maïs avec un antifongique pour retarder les échauffements.

Avis d’expert : Denis Denion, expert robot à Seenovia

 

 

 

« Démarrer la ventilation plus tôt »

« L’été dernier, il faisait 30°C dans la stabulation, voire plus certains jours, mais le ressenti était acceptable. Le Gaec a démarré la ventilation plus tôt dans la matinée. Souvent, le brassage ne commence pas suffisamment tôt. Or, les vaches commencent à souffrir du stress thermique dès 20°C. Nous avons réglé les brasseurs à 20 % de leur vitesse dès 12°C. Et à 100 % à 20 °C. Le fait qu’ils tournent à pleine capacité dès 20 °C apporte un vrai bénéfice en termes de fraîcheur. J’ai pu l’observer l’été dernier sur d’autres élevages. Ce réglage est valable pour des brasseurs placés à 5-6 m de haut. Avec un bâtiment plus bas, la ventilation maximale intervient plutôt à 22-23 °C. Il ne faut pas non plus hésiter à actionner la ventilation tôt dans la saison, avant d’observer les premiers phénomènes de regroupement d’animaux. »

 

 

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