« Notre méthaniseur permet de récupérer le CO2 »
Fin 2019, un des premiers méthaniseurs en France avec récupération du CO2 est entré en fonctionnement en Loire-Atlantique. Issu du partenariat entre le Gaec du Treil, des maraîchers, et un ancien éleveur, il répond aux attentes de chacun avec un outil plus écologique.
Fin 2019, un des premiers méthaniseurs en France avec récupération du CO2 est entré en fonctionnement en Loire-Atlantique. Issu du partenariat entre le Gaec du Treil, des maraîchers, et un ancien éleveur, il répond aux attentes de chacun avec un outil plus écologique.
Fin 2019, l’unité de méthanisation de la SAS Métha Treil, qui associe deux éleveurs laitiers, Erwan Bocquier et Aymeric Egonneau, du Gaec du Treil, un ancien éleveur, Dominique Pilet, et les maraîchers Jean-François et Charles Vinet, est entrée en fonctionnement à Machecoul, en Loire-Atlantique. Le méthane produit est vendu à Engie et injecté dans le réseau GRDF. Et, nouveauté en France, le CO2 est liquéfié, récupéré et utilisé dans les serres de tomates de Jean-François et Charles Vinet.
« Avec 150 vaches laitières, 70 vaches allaitantes et 200 taurillons, nous devions remettre nos installations aux normes, explique Erwan Bocquier. Refaire des fosses nous paraissait coûteux juste pour stocker du lisier. Cela fait donc quelques années que nous réfléchissions à la méthanisation. Mais avec la crise du lait, nos capacités d’investissement étaient limitées. » Après s’être engagés dans un premier projet collectif de méthanisation, qui n’a pas abouti, les éleveurs ont rencontré deux maraîchers voisins, Jean-François et Charles Vinet, qui de leur côté réfléchissaient aussi à la méthanisation et disposaient de fonds pour y investir.
Des fonds pour investir et gagner en autonomie
« Nous exploitons 20 hectares de serres de tomate, indique Jean-François Vinet. La production de tomates sous serre implique d’y injecter du CO2 en période de végétation pour favoriser la photosynthèse. Jusqu’à présent, nous achetions à peu près tout le CO2 dont nous avons besoin sous forme liquide à une usine de Seine-Maritime. Mais comme nous sommes loin de l’usine et que celle-ci à d’autres débouchés plus rémunérateurs, notamment les boissons gazeuses, nous sommes en général les derniers servis. Dès que la production diminue parce que des usines sont en maintenance ou en panne, nous sommes les premiers à ne plus être livrés. Nous avons déjà eu trois ruptures d’approvisionnement, dont une de plusieurs mois en 2018. Depuis longtemps, nous cherchions d’autres sources d’approvisionnement en CO2. » Le biogaz issu d’un méthaniseur étant constitué à 55 % de méthane et 45 % de CO2, la méthanisation était donc une piste pour les maraîchers.
Une association gagnant-gagnant
Jusqu’à présent, en France, le CO2 issu des unités de méthanisation était en général perdu. « La difficulté est de pouvoir séparer le CO2 du méthane, analyse Erwan Bocquier. Nous avons trouvé une solution avec la société vendéenne Verdemobil qui a mis au point un procédé permettant de liquéfier le CO2 et ainsi de le séparer du méthane. Et nous avons fait le choix de l’injection du méthane dans le réseau, plus rentable que la cogénération. »
Une société, la SAS Métha Treil, a été créée entre les éleveurs, les maraîchers et un ancien éleveur voisin. Cinq millions d'euros ont été investis dans une unité de méthanisation de type infiniment mélangé, d’une capacité de production de 125 Nm³/h(1), mise en place par la société Agri-Komp. S’y est ajouté un million d'euros pour le dispositif de liquéfaction du CO2 mis au point par Verdemobil. Un contrat a été passé pour quinze ans avec Engie qui garantit un prix d’achat minimum durant cette période.
Pas de libération de CO2 dans l'atmosphère
Le CO2 issu de la méthanisation est acheté par les maraîchers au prix du marché. « À terme, le méthaniseur nous permettra de récupérer 1 300 tonnes de CO2 par an, soit un tiers de nos besoins », indique Jean-François Vinet. Quant au digestat (environ 10 500 m3), il est épandu sur les terres du Gaec du Treil, avec l’avantage par rapport au fumier d’être débarrassé de son odeur. Un salarié à plein-temps a été embauché par la SAS pour s’occuper de la méthanisation et de la logistique des matières premières sur le site. Chacun des cinq associés est par ailleurs de garde un week-end sur cinq. La rentabilité devrait se faire sur huit à neuf ans.
« Tout le monde est gagnant avec cette organisation et cette installation, souligne Erwan Bocquier. La méthanisation permet de traiter tous nos effluents. Elle produit du biométhane dont la composition est très proche de celle du gaz naturel et qui peut donc être injecté dans le réseau de gaz naturel, et cela sans libération de CO2 dans l’atmosphère. Enfin, elle permet une certaine autonomie en CO2 de nos associés maraîchers. »
Côté éco
Distillation par refroidissement
Le dispositif mis au point par Verdemobil pour séparer le CO2 du méthane est une distillation à froid. « Le biogaz passe dans un tube où il est soumis à des températures négatives très basses à très forte pression, explique Erwan Bocquier. Le CO2 se liquéfie, mais pas le méthane, ce qui permet de les séparer. » Le méthane issu de la séparation est injecté dans le réseau GRDF. Le reste, constitué à 99 % de CO2 et à 1 % de méthane, est repris et à nouveau traité pour récupérer le méthane résiduel. Le CO2 liquéfié est stocké dans une bonbonne, avant d’être transporté par camions citernes jusqu’aux serres situées à quelques kilomètres et où les maraîchers ont également investi en stockage.
3 % de maïs dans la ration du méthaniseur
Plus de 97 % des matières premières injectées dans le méthaniseur sont des effluents et déchets organiques.
Le méthaniseur a été dimensionné pour traiter tous les effluents de l’élevage, soit 4 600 tonnes de fumier des vaches laitières, 2 200 tonnes de fumier des génisses, 900 tonnes de fumier des taurillons et 600 tonnes de fumier des vaches allaitantes. Sa « ration » est constituée en moyenne de 75 % de fumiers, lisiers, eaux blanches et eaux vertes, 10-20 % de Cive (culture intermédiaire à vocation énergétique) – actuellement de l’ensilage de seigle –, 3 % d’ensilage de maïs, et de produits végétaux : le reste de feuilles de tomates issues des serres des maraîchers, qui jusqu'alors étaient compostées, des pommes de terre impropres à la consommation et des déchets de fruits et légumes du marché d’intérêt national de Nantes.
Ne pas favoriser l'utilisation de cultures alimentaires
« Le prix de vente du méthane varie selon la part de maïs, l’objectif de l’État étant de ne pas favoriser l’utilisation de cultures alimentaires pour la méthanisation, précise Erwan Bocquier. Le maïs, très méthanogène, permet d’équilibrer la ration, mais sa part est limitée à 3 %. Les feuilles de tomates et les déchets de fruits et légumes ont aussi de l’intérêt. Alors que le rendement en méthane est en général de 53-54 %, il est ici de 55-56 %. Par contre, il ne faut pas en mettre trop car leurs essences tendent à dégrader le dispositif de séparation du méthane et du CO2. » Les feuilles de tomates ne sont par ailleurs disponibles que de février à octobre, période de végétation des tomates. « Mais en dehors de cette période, les vaches allaitantes sont à l’herbe et il y a donc moins de fumiers et lisiers à traiter. Et dans tous les cas, s’il manque une matière première, nous compensons par une autre pour respecter l’équilibre de la ration. »