Les variétés de poivron face aux virus
La pression des virus conduit les producteurs de poivron du Sud-ouest à resserrer la gamme variétale et rechercher de nouvelles variétés résistantes à une menace qui s’intensifie.
La pression des virus conduit les producteurs de poivron du Sud-ouest à resserrer la gamme variétale et rechercher de nouvelles variétés résistantes à une menace qui s’intensifie.
Comme l’aubergine, la production française de poivron a connu une progression sur les dix dernières années. S’appuyant sur une hausse des surfaces de 24 % (à 590 ha) et des rendements de + 34 %, les tonnages de poivron français sont chiffrés à 26 000 t en 2019, en croissance de 66 % sur dix ans (données CTIFL). La production française de poivron se partage entre trois bassins de productions. L’ouest de la France où il est cultivé au même titre que la tomate et le concombre sous serres chauffées. Le Sud-est et le Sud-ouest où sa production est essentiellement sous grands abris, tunnels et multichapelles, non chauffés.
Le choix variétal conditionné par le risque virus
Dans cette dernière zone, la pression virale est croissante et s’est montrée particulièrement importante en 2021. Abdou Kadri Moumouni, Responsable technique Légumes de Scaafel, principal groupement producteur de poivron de la région, témoigne même d’un « traumatisme de certains agriculteurs qui ont perdu la quasi-totalité de leur culture ». « La pression des virus est accrue par un contexte sanitaire particulier avec une forte présence de thrips et de pucerons due à l’abondance de cultures de fraise et à l’association fraise/aubergine/poivron sur une même exploitation », explique le spécialiste. Ainsi, le technicien a identifié après analyse, deux cas de virus TSWV transmis par le thrips affectant 90 % des plants sur une parcelle, deux cas de PVY transmis par les pucerons qui ont touché 70 % des plants, parfois une combinaison CMV-PVY, et cinq cas de CMV aussi transmis par les pucerons.
Un premier cas de virus EMDV transmis par cicadelles et disséminé sur toute l’exploitation a été également observé pour la première fois en poivron dans le secteur. Dans une telle situation, le choix variétal est conditionné par le risque virus et s’oriente vers des variétés disposant et cumulant des résistances hautes (HR) ou intermédiaires (IR) à ces maladies. « Nous avons privilégié la sécurité plutôt que la productivité, en éliminant du choix variétal certaines variétés non résistantes et en se recentrant essentiellement sur Balta et Gonto », mentionne Abdou Kadri Moumouni. Ces deux variétés produisent un poivron vert/rouge de type carré.
Le poivron jaune n’est plus cultivé suite justement à des déboires sanitaires dus au virus. Ainsi, Gonto (HM Clause) est la variété de référence sur le terrain dans le Sud-ouest. Elle dispose d’une résistance intermédiaire (IR) au TSWV et haute résistance (HR) au Tm : 0 (Tobamovirus : ToMV, TMV, PMMoV race P0) mais n’a pas de résistance au CMV. Balta (Syngenta) est « précoce, présentant une bonne nouaison en conditions froides, une plante puissante, aérée, à récolte facile, nécessitant peu de taille », selon l’obtenteur. « Elle exprime une sensibilité au Blossom dès qu’il y a un souci d’arrosage », remarque le technicien. Cette variété dispose de haute résistance (HR) au PVY : 0, 1, 2/TM : 0 et d’une résistance intermédiaire à l’oïdium (Lt), aux virus CMV et TSWV.
Des variétés adaptées au marché français
« Nous essayons de nouvelles variétés surtout résistantes au TSWV, CMV et/ou PVY », précise Abdou Kadri Moumouni, remarquant que les variétés préconisées dans le Sud-est ne sont pas toujours adaptées aux conditions de sa zone. Le type de fruit est le second critère de choix. Pour le Sud-ouest, il se cantonne au fruit carré, type hollandais. Dans le Sud-est, le type demi-long est le plus demandé (voir encadré). Le port de la plante intervient également. « On recherche une plante aérée pour faciliter l’entretien de la culture », précise le technicien.
Dans le choix des nouvelles variétés, les producteurs sont très attentifs à la sensibilité au Blossom and rot, dont pâtit Balta. « Gonto et Balta sont des variétés anciennes sélectionnées et adaptées au marché français qui restent nos références », constate Abdou Kadri Moumouni faisant remarquer que les nouveautés sont essentiellement sélectionnées pour le marché hollandais de la serre chauffée ou le marché des abris froids en Espagne. « Nous sommes entre ces deux modèles de culture sans trouver de variété satisfaisante dans l’un ou l’autre », conclut le technicien.
Résistances et tolérances
La résistance génétique des variétés permet de restreindre le développement de certaines maladies ou virus et d’assurer ainsi une meilleure protection des cultures. Vis-à-vis des virus, il n’existe pas de résistance totale. On distingue des résistances intermédiaires (IR) et des résistances hautes (HR) selon que les symptômes s’expriment plus ou moins. Sur poivron, le PVY, PepMoV et CMV sont des virus transmis par les pucerons. Le Tm est transmis par les semences et par contact en culture. Le TSWV est transmis par les thrips. Ces dernières années, des symptômes de TSWV ont été constatés sur des variétés tolérantes à ce virus : il existe en fait de nouvelles races de TSWV plus virulentes pour lesquelles la résistance actuelle des variétés ne suffit plus.
Un large choix variétal dans le Sud-est
Dans le Sud-est, le type demi-long est le plus demandé actuellement sur le marché. Le type carré (hauteur 10/12 cm) se développe un peu sur la région pour le marché d’expédition. Suite aux essais variétaux réalisés par l’Aprel et aux observations de terrain, la station d’expérimentation rédige chaque année des propositions variétales qui doivent cependant être validées au niveau de chaque terroir et chaque mode de conduite. Pour 2022, Almuden (Syngenta), Achille (Clause), Calibello (Sakata), Relys (Clause) sont mentionnés dans le type demi-long rouge, Eppo (Clause) en jaune. Gonto (Clause) et Sprinter (Enza Zaden) pour les poivrons carrés rouges, Twingo (Clause) pour les jaunes. Des variétés de diversification existent aussi en poivron avec des types cornes, comme Minerva (De Ruiter) et Lipari (Clause) sont doux, Impala (Clause) piquant. Des variétés de poivrons oranges, mini-fruits existent mais ne font pas toutes l’objet de préconisations compte tenu de la marginalité de ces marchés et du manque de références.
Des porte-greffes résistants et tolérants
Le greffage du poivron apporte certaines solutions au Phytophthora. Les essais conduits par l’Aprel ont permis de retenir les porte-greffes Tresor (Nunhems), Snooker et Robusto (Syngenta), Galaxy (Seminis), et Brutus (Gautier), tous résistants au Phytophthora et tolérants aux nématodes. En revanche, les porte-greffes essayés n’augmentent pas la vigueur et accentuent le caractère génératif des plantes. Les cultures greffées doivent donc être conduites avec une densité identique à des plants francs mais en conditions poussantes pour améliorer le caractère végétatif ; des allégements de fruits sont à prévoir. Les fruits ont tendance à être plus petits sur plants greffés.