Le stockage du fumier au champ ne génère pas de pollution nitrique
Une double expérimentation menée à Derval en Loire-Atlantique montre que le fumier stocké au champ dans les conditions réglementaires ne provoque que des pertes d’azote extrêmement limitées.
Une double expérimentation menée à Derval en Loire-Atlantique montre que le fumier stocké au champ dans les conditions réglementaires ne provoque que des pertes d’azote extrêmement limitées.
Le stockage au champ des fumiers compacts ou très compacts est une pratique courante et réglementée. Ils représentent 54 % des effluents d’élevage en France. Le fumier doit au préalable avoir maturé pendant au moins deux mois dans un bâtiment ou un ouvrage de stockage. Malgré cela, il est parfois accusé d’être à l’origine de pollution nitrique ponctuelle. Qu’en est-il réellement ?
Pour en avoir le cœur net, l’Institut de l’élevage, en partenariat avec la ferme expérimentale de Derval (chambre d’agriculture de Loire-Atlantique), a mené une double expérimentation afin de vérifier deux hypothèses. Un : « lors du stockage, la quantité d’azote qui percole à travers le tas de fumier suite aux épisodes pluvieux est minime ». Deux : « La couverture végétalisée du sol réduit la percolation sous le tas ». Et, disons-le tout de suite, elles se sont avérées justes : les pertes d’azote sous un tas de fumier sont minimes.
Des expérimentations sur quatre mois d'hiver
Ces expérimentations ont été réalisées avec du fumier issu de la litière accumulée des génisses stocké plus de deux mois dans le bâtiment et la fumière couverte. Pour tester la première hypothèse, trois tas d’environ 5 tonnes, réalisés selon un protocole identique, ont été disposés sur trois aires de stockage délimitées confectionnées à partir de bâches imperméables et reliées à un dispositif de récupération des lixiviats (écoulements provenant de la pluie tombant sur les tas de fumier). L’expérimentation a duré près de quatre mois, de fin novembre à fin mars, pendant lesquels les tas ont reçu 275 mm de pluie. Chaque tas contenait en moyenne 44 kilos d’azote et a perdu au cours de ces quatre mois 860 grammes d’azote soit moins de 2 %.
Le second dispositif a consisté à évaluer les pertes d’azote sous des tas de fumier stockés au champ sur un couvert végétal. Trois tas de fumier d’environ 8 tonnes ont été disposés sur une parcelle en herbe et trois sur une parcelle en moutarde blanche (Cipan) pendant la même période de quatre mois d’hiver. Chacun occupait une surface de 18 m2. Les reliquats d’azote ont été mesurés dans deux horizons du sol (0-30 cm et 30-60 cm) avant le dépôt au champ et après la reprise du fumier et comparés à un témoin sans fumier.
Moins de 1 % d’azote transféré au sol
Les teneurs en azote augmentent sous les tas de fumier et se répartissent différemment selon le couvert végétal. Sous la prairie, 85 % de l’azote minéral reste dans le premier horizon contre 62 % sous Cipan. Mais, au final, sur les 59 kilos d’azote contenus en moyenne dans chaque tas, 350 grammes seulement sont transférés au sol soit 0,6 %. Ramené à l’échelle d’un champ, pour un tas de 60 tonnes stocké sur un couvert végétal et destiné à amender deux hectares, cela représente un transfert au sol de moins de 3 kilos. Et, qui plus est, c’est de l’azote qui sera récupéré par la culture suivante.
« La couverture végétale, et notamment la prairie sécurise le transfert de l’azote inorganique via le compartiment sol. Au final, cette expérimentation montre que le stockage du fumier compact ou très compact en andain au champ après deux mois de maturation en bâtiment ou sur un ouvrage de stockage ne présente pas de risque de pollution ponctuelle nitrique », conclut Sylvain Foray, de l’Institut de l’élevage et auteur de l’étude.
Des pertes d’azote par émissions gazeuses
Si les pertes d’azote par lixiviation sont très limitées, en revanche, des émissions gazeuses se produisent lors du stockage du fumier au champ. Une étude plus ancienne (Emafum) les avait quantifiées. Pour un stockage classique, les pertes gazeuses se produisent majoritairement (24 %) sous forme de diazote (N2), sans danger pour l’environnement, et à hauteur de 12 % sous forme d’ammoniac, qui contribue à la formation de particules fines. Elles ont lieu essentiellement pendant la première semaine. Les émissions de protoxyde d’azote (N2O), puissant gaz à effet de serre, sont insignifiantes.