Le modèle de la filière du poulet 100 % champenois résiste
Le duo régional, formé depuis plus de soixante ans par le fabricant d’aliment Nealia et l’abattoir Les éleveurs de la Champagne, continue son parcours en s’orientant vers le haut de gamme du poulet.
Le duo régional, formé depuis plus de soixante ans par le fabricant d’aliment Nealia et l’abattoir Les éleveurs de la Champagne, continue son parcours en s’orientant vers le haut de gamme du poulet.
Chaque semaine, ce sont quelque 200 000 poulets qui sont abattus dans l’outil d’abattage de la société Les éleveurs de la Champagne basée à Caurel, à 8 kilomètres au nord-est de Reims. C’est le volume journalier moyen d’un abattoir Plukon en Belgique. « Ici, nous ne fabriquons pas du boulon de 13 », résume son directeur général Jean-Luc Alnet. Basé dans la Drôme, il est secondé sur place par Isabelle Lebas qui dirige cette filiale. « La force de Les éleveurs de la Champagne est d’être le seul dans sa zone », complète la directrice. À vol d’oiseau, les opérateurs de même niveau se trouvent à 190 km (Lionor dans le Nord) et à 260 km (Siebert dans le Haut Rhin). Ne pouvant rivaliser avec les méthodes « industrielles » des Belges (en résumé : massifier et simplifier la gamme pour baisser les coûts), Les éleveurs de la Champagne joue la carte de l’acteur régional, avec des produits locaux clairement identifiés. L’abattoir commercialise majoritairement du frais en GMS. Le tiers restant est réalisé avec des grossistes et des collectivités pour atteindre l’équilibre matières et tout valoriser.
Tenir compte des attentes du marché
L’entreprise commercialise dans un périmètre allant de Lille à Strasbourg en passant par Paris et Dijon. Elle mise sur la notoriété de la région de la Champagne, avec sa marque Volailles champenoises qui propose du Fermier de la Champagne en IGP label rouge, tandis que Le poulet de ma région est dévolu au poulet conventionnel.
Ne rivalisant pas frontalement avec le poulet premier prix, sa gamme répond aux différents niveaux de pouvoir d’achat (standard, label rouge, bio, festif) et aux différentes façons de consommer (entier, découpe, produits préparés crus). À ce jour, 70 % du poulet conventionnel est découpé, loin devant le label (15 à 20 %). C’est pourquoi, l’outil dispose d’une importante unité de découpe, en partie robotisée pour préparer les barquettes à poids fixe pour la moitié des volumes. Un nouveau robot (à deux bras préhenseurs) vient d’être mis en service.
Pour des raisons commerciales, l’abattoir demande du poulet à 1,9 kg de poids moyen vif à 35 jours, dans une fourchette de poids permettant un desserrage trois jours avant l’enlèvement final. « En conventionnel, nous devons respecter un calibre de poids-prix pour les clients des GMS », précise Isabelle Lebas. Quant aux poulets label rouge de 2.3-2,4 kg vif, ils correspondent au marché traditionnel.
Produire majoritairement en local
Isabelle Lebas se fournit pour 60-65 % des besoins auprès de Nealia. Coactionnaire de l’entreprise à 45 % (le reste étant détenu par Galliance), la filiale aliment du bétail du groupe coopératif Vivescia a choisi de lui livrer l’intégralité de ses volumes. Sur les 200 000 poulets traités par semaine, ce sont donc 110 000 poulets conventionnels et 25 000 poulets label rouge avec l’IGP Champagne qui proviennent des 70 éleveurs Nealia. Le solde est fourni par Sanders nord-est en conventionnel et par les éleveurs de Norvolailles en label rouge. L’objectif n’est pas de produire plus pour écraser les coûts, mais de monter en gamme et en qualité pour gagner mieux. C’est ainsi que tout le label rouge en IGP Champagne est passé au « sans antibiotiques » depuis 18 mois et au « sans OGM » il y a six mois. Pour prendre le relais du label rouge qui a tendance à stagner, une gamme bio en propre est prévue en 2021 avec une production locale dédiée. Les premiers éleveurs ont déjà démarré des essais. « Nous serons vigilants sur la maîtrise des volumes », insiste Isabelle Lebas.
Besoin de construire en conventionnel
Quant à l’évolution du conventionnel vers le schéma Better Chicken Commitment ou un modèle intermédiaire, « c’est en cours de réflexion, lâche la directrice. Dans les années à venir, nous allons essayer de continuer à faire progresser le conventionnel, mais ce sera très progressif », admet-elle. Les investissements industriels se poursuivent aussi, avec la rénovation du poste de déchargement du vif avec la mise en place de l’anesthésie au gaz. Du côté amont, Vincent Appert, responsable développement chez Nealia, souligne être à la recherche de jeunes agriculteurs intéressés par la diversification, avec un revenu régulier, l’apport de matière organique pour leurs terres, et qui plus est attachés à leur territoire en travaillant avec un abattoir français. « En label rouge, nous visons le maintien du parc, alors qu’en conventionnel il nous faut construire. Cinq bâtiments aux nouveaux standards (1 800 m2, ventilation dynamique, lumière naturelle) sont programmés. » La coopérative accompagne financièrement avec une prime au tonnage de vif versée pendant cinq ans. « On a aussi besoin d’une dizaine de bâtiments de 480 m2 pour notre nouvelle filière bio. Mais nous sommes prudents. On sera attentifs aux évolutions du marché et surtout prêts à s’adapter rapidement. »
Les Chiffres-clés de la filière Champenoise
Amont aliment et organisation : Nealia
Abattoir : Les éleveurs de la Champagne
En savoir plus sur la filière volailles de chair du Grand Est
Le service économique de la direction régionale de l’alimentation, agriculture et forêt (Draaf) de la Région Grand Est vient de publier une « fiche filière volailles de chair » de six pages. Ce document recense et localise les capacités d’élevages, ainsi que les couvoirs et abattoirs.