Quatre leviers pour réduire la dépendance à la fertilisation minérale
Amendements, valorisation des effluents, chasse au gaspillage… La combinaison de leviers permet de limiter le poste fertilisation minérale.
Amendements, valorisation des effluents, chasse au gaspillage… La combinaison de leviers permet de limiter le poste fertilisation minérale.
Pour réduire l’utilisation des engrais minéraux, les élevages de bovins ont des atouts : leurs effluents, les rotations avec des prairies comportant des légumineuses, des méteils riches en protéine ou encore des cultures de légumineuses (luzerne, trèfle violet). La recherche d’autonomie protéique pour l’alimentation des vaches va dans le même sens que la recherche d’autonomie en fertilisants.
Avec des inconvénients : « Plus on va substituer du minéral par de l’organique, plus la fertilisation se complexifie, car on ne peut pas prédire ce que le couvert va réellement apporter en éléments fertilisants selon les conditions de minéralisation de l’année. Ni exactement comment sera la météo et son influence sur la volatilisation de l’azote à l’épandage. Plus on actionne des leviers agroécologiques, plus on navigue avec des incertitudes », pointe Grégory Véricel, ingénieur fertilisation chez Arvalis. Pour autant, les leviers agroécologiques sont de loin les plus en capacité de réduire les besoins en minéraux.
1 - Un sol structuré et entretenu
Le principal levier est le soin porté à la santé et à la fertilité du sol et l’apport des légumineuses. « Il faut d’abord améliorer la structure du sol, sa teneur en matière organique et son pH, pour que le sol minéralise bien et que les éléments fertilisants du sous-sol soient accessibles pour les plantes », expose Laurent Varvoux, expert fertilité des sols chez Terrena.
Les observations menées par la coopérative durant quatre ans sur 3 600 parcelles d’agriculteurs montrent que « les sols limoneux qui combinent un pH supérieur à 7 et de bonnes teneurs en matière organique, phosphore et potassium, fournissent de meilleurs rendements (blé, orge, maïs, colza…) d’environ +9 % et de meilleures marges par hectare ». Et cela avec des apports d'unités minérales et organiques efficaces similaires aux parcelles à faible teneur, voire un peu moindre. Ce qui signifie que la balance azotée n'a pas été dégradée.
« L’écart de marge est de 88 €/ha entre les sols les plus pauvres et les mieux pourvus. Or, il y a encore trop de situations où les sols manquent de matière organique et où le pH est trop faible. De plus, en élevage, le poids des engins de plus en plus lourds aggrave la dégradation de la structure du sol. »
2 - Valoriser les effluents d’élevage
Le deuxième levier est de renforcer encore la valorisation des effluents d’élevage, en améliorant la connaissance de leur valeur et des quantités épandues, pour les positionner au bon moment sur la bonne culture à la bonne dose. « C’est le b.a.-ba, qui est de mieux en mieux appliqué, mais qui peut se heurter à des problématiques de travail et de main-d’œuvre, de matériel disponible ou de fosse un peu trop remplie », soulignent les conseillers. Réduire les pertes d’éléments fertilisants au stockage et à l’épandage est aussi un levier, mais coûteux.
3 - Optimiser encore les doses de minéral
Le troisième levier est d’éviter d’apporter plus d’éléments qu’il n’en faudrait. Sur prairie, il y a parfois trop d’apport d’engrais minéraux, « quand la pousse est à la peine notamment. Cet apport d’azote sert alors à panser un amendement insuffisant ou une erreur de conduite de pâturage », constate David Leduc, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.
« On voit encore de trop fortes doses d’azote minéral dans des prairies contenant des trèfles », estime Daniel Hanocq, de la chambre d’agriculture de Bretagne. Pour éviter de surfertiliser par rapport aux besoins, il faut faire un plan prévisionnel de fumure et évaluer les reliquats d’azote. « Il peut y avoir 10 à 20 % d’économie d’engrais à réaliser en optimisant les apports », estime David Leduc.
4 - Limiter le gaspillage d’engrais minéraux
Le quatrième levier est d’augmenter encore l’efficacité des apports d’engrais minéraux : les apporter au plus près des besoins des plantes, limiter la volatilisation des éléments fertilisants, éviter les pertes liées à un mauvais réglage de l’épandeur.
Mise en garde
Les conseillers préconisent une approche globale de la fertilisation : s’intéresser à l’azote, mais aussi au phosphore, potassium et autres éléments minéraux, ainsi qu’au pH et à la matière organique.
Des impasses à raisonner
• Sur céréales, « on peut accepter de baisser en rendement si le coût de l’engrais minéral est très élevé et que le prix de vente n’est pas au rendez-vous. Des matrices aident à la décision pour trouver l’optimum de dose d’engrais et de rendement objectif, développe Grégory Véricel, ingénieur fertilisation chez Arvalis. Pour trouver la bonne dose, il faut évaluer l’état de son sol et la disponibilité des éléments : une analyse de sol doit être réalisée tous les cinq ans environ, et les reliquats sortie hiver peuvent être évalués chaque année. »
• Sur une prairie avec des légumineuses ou sur une prairie où des apports organiques sont réalisés régulièrement, « l’impasse est possible sans risque de pénaliser le rendement de l’herbe. Il vaut mieux réduire la dose plutôt que ne rien apporter du tout, explique Grégory Véricel. Un essai conduit dans l’Indre a montré que sur une prairie multiespèce de fauche où les légumineuses se sont bien implantées, 60 à 90 kg d’azote minéral offre le meilleur compromis entre un bon rendement et une teneur élevée en MAT. Sur une prairie de ray-grass pur, il faut 120 à 180 kg N/ha pour le même résultat ». Pascale Faure, de la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, abonde : « Nos essais sur des prairies de fauche destinées à faire du stock, régulièrement fertilisées et amendées, montrent qu’une impasse ponctuelle de fertilisation minérale a peu d’impact en condition poussante. »