Le vêlage précoce est une stratégie rentable
Plus de lait produit par jour de vie, baisse du coût de renouvellement, gain de places dans les bâtiments… Faire vêler le plus tôt possible est rentable à condition de maîtriser la conduite d’élevage.
Plus de lait produit par jour de vie, baisse du coût de renouvellement, gain de places dans les bâtiments… Faire vêler le plus tôt possible est rentable à condition de maîtriser la conduite d’élevage.
Les atouts économiques du vêlage précoce sont nombreux. « On estime à 40 euros le gain par mois d’âge gagné », souligne Anthony Baslé, d’Eilyps.
Baisse du coût de renouvellement
Évaluer avec précision le coût de renouvellement n’est pas toujours simple. Et pour corser le tout, les méthodes de calculs varient. Les comparaisons entre élevages s’avèrent donc parfois hasardeuses. Pour autant, tout le monde s’accorde sur un point : le coût de renouvellement dépend beaucoup du coût d’élevage des génisses. Et ce dernier est très variable d’un élevage à un autre. Ceux qui s’en sortent le mieux pratiquent généralement du vêlage précoce. Le groupe interrégional génisses du Grand Ouest a observé qu’en fonction de l’âge au premier vêlage, le coût de renouvellement pouvait varier entre 16 et 29 euros pour 1 000 litres (chiffres 2011). La moyenne se situait à 22 euros pour 1 000 litres. Le quart des élevages les plus économes (16 €/1000 l) pratiquaient du vêlage 26 mois contre 33,5 mois pour le quart les plus dépensiers.
Moins de risques de déraper sur le coût alimentaire
Le vêlage semi-tardif ou tardif rime souvent avec valorisation du pâturage. Mais il peut aussi s’accompagner d’un sevrage trop tardif et donc coûteux, voire d’une distribution trop généreuse de concentrés par rapport aux besoins de la génisse. C’est notamment le cas lorsque l’on conserve les mêmes pratiques de rationnement que pour du vêlage précoce. Gérer deux lots - un en vêlages précoces et l’autre en semi-tardifs voire tardifs - peut compliquer la conduite d’élevage et mener à des erreurs techniques, notent les associés du Gaec du Bois de Bousies, dans le Nord. « En vêlage groupés ou suite à des problèmes sanitaires, certaines génisses rejoignent un autre lot pour vêler plus tard. Mais il faut adapter la conduite. Il faut leur serrer la vis en limitant les concentrés et jouer sur la croissance compensatrice au pâturage », prévient David Plouzin, de la ferme expérimentale des Trinottières.
Les génisses de plus de 2 ans consomment quasiment comme des vaches adultes sans produire une goutte de lait. « Faire vêler à 24 mois plutôt qu’à 36 mois permet d’économiser environ deux tonnes de matière sèche ingérée. » L’économie est d’autant plus importante que le fourrage coûte cher.
Des charges de structure moins importantes
Abaisser l’âge au premier vêlage permet d’élever moins de génisses et par conséquent de gagner de la place dans les bâtiments. Une étude menée aux Trinottières en 2013 a montré qu’à maîtrise technique équivalente, le coût alimentaire rendu auge est proche quel que soit l’âge au premier vêlage. Ce dernier se situait à 590 euros pour du vêlage à 24 mois contre 621 euros pour du vêlage à 33 mois. Dans ce cas, la différence de prix de revient d’une génisse s’explique alors par une augmentation des charges de structure.
Un retour sur investissement plus rapide
Plus une génisse vêle tôt, plus vite elle commence à rembourser sa phase d’élevage. Or, en France, toutes races confondues, le rang moyen de lactation avoisine 2,5 pour un âge moyen au vêlage de 33 mois. Autrement dit, dans sa vie, une vache de la ferme France passe finalement en moyenne plus de temps en phase d’élevage qu’à produire du lait. « Souvent, une génisse commence à être rentable vers 3 ans voire 3,5 ans. Avec un vêlage à 24 mois, la génisse devient rentable vers 38-40 mois, c’est-à-dire lors de sa deuxième lactation. Si elle vêle à 29 mois, elle ne devient rentable qu’à partir de 45 mois. C’est 5 à 7 mois de perdus. On a des animaux qui ne sont jamais rentables », explique Anthony Baslé.
Plus de lait produit dans une carrière
Le vêlage précoce pénalise un peu la production laitière des primipares. Mais à l’échelle d’une carrière, la vache produit plus de lait par jour de vie. Deux raisons expliquent ce phénomène : la durée de vie improductive des animaux est plus courte et la longévité des vaches plus importante. « Aux Trinottières, nous avons observé un écart de 2 kilos de lait par jour de vie (14 kg contre 12 kg) entre une génisse holstein qui vêle à 24 mois et une autre à 33 mois », souligne David Plouzin.
Une étude menée par l’OS Montbéliarde(1) arrivait aux mêmes conclusions. Une génisse vêlant entre 24 et 27 mois produit presque 5 000 kg de lait de plus dans sa carrière qu’une autre vêlant entre 36 et 39 mois.
Ne pas se louper sur le coût de la phase lactée
Le vêlage précoce ne rime pas avec sevrage tardif pour assurer une bonne croissance aux veaux.
La phase lactée impacte le coût d’élevage de la génisse. « Dans le Grand Ouest, les veaux sont sevrés en moyenne à 11 semaines. Nous préconisons plutôt de les sevrer à 9 ou 10 semaines pour ne pas déraper sur les coûts de la phase lactée. Ces derniers varient du simple au double, constate David Plouzin, de la ferme expérimentale des Trinottières. Il faut viser un coût lacté de 90 euros maximum par génisse. Cela correspond à 40-45 kilos de poudre de lait ou 300 à 350 litres de lait entier. »
Erwann Collinet, d’Élevage conseil 25-90, est sur la même longueur d’onde. « En race Montbéliarde, il est possible de sevrer un veau dès qu’il fait 110 cm de tour de poitrine (entre 70 et 90 jours en moyenne) et qu’il est capable d’ingérer 2,5 kg d’aliment. Au-delà, cela représente une perte économique d’autant plus élevée quand le lait distribué est du lait entier qui peut être valorisé autour de 550 euros pour 1 000 litres dans une filière comme le comté. »
Plus économique de distribuer du concentré
Par ailleurs, certains nutritionnistes préconisent de distribuer le plus rapidement possible 8 litres de lait par jour aux veaux en deux buvées pour leur assurer une bonne croissance. « C’est possible en l’absence de problèmes sanitaires. Mais 7-8 litres de lait sont équivalent à 2 kilos de concentrés en termes d’apport énergétique. Il est donc plus économique de distribuer du concentré à volonté le plus vite possible et de distribuer moins de lait. Cette stratégie permet aussi de simplifier le travail en passant à un repas de lait par jour dès 3 semaines », note David Plouzin.
Chiffres clés
Mise en garde
Le vêlage plus tardif peut aussi être une stratégie rentable dans certaines situations (valorisation de prairies éloignées, recherche d’un maximum d’autonomie, décalage des vêlages pour bénéficier de prime de saisonnalité…), à condition d’être rigoureux dans la façon de le gérer.